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Abdouraman Hamadou: «Si le mandat du Comité de normalisation de la Fecafoot est prorogé, nous saisissons le Tas»

L'ancien directeur de cabinet du président Iya, jette un regard critique sur la cellule provisoire qui gère le football camerounais…

L’ancien directeur de cabinet du président Iya, jette un regard critique sur la cellule provisoire qui gère le football camerounais

Comment se porte l’Etoile Filante de Garoua?
Jusqu’ici tout va bien dans la mesure où les activités du club se déroulent tel que cela avait été prévu il y a deux ans lors de mon élection. Nous sommes en train de mettre en place les bases d’un véritable club professionnel, malgré les nombreux obstacles que nous rencontrons, notamment l’adversité des dirigeants de la Ligue régionale de football restés en place avec la complicité du Comité de Normalisation.

Votre équipe semble t-il est restée très populaire dans la région du Nord. Mais comment se fait-il que dans la bataille pour l’accession en Ligue 2, elle a été devancée par la jeune formation de Panthère Security?
Nous ne sommes pas intéressés par l’élite pour le moment car nous avons besoin de temps pour bien bâtir le club, sur un socle solide avec la mise en place cette saison de la catégorie des moins de 17 ans après celle des moins de 20 ans la saison écoulée. Il faudrait également mettre en place une bonne administration et commencer à rechercher des partenaires capables de nous accompagner dans nos ambitions.

A titre individuel, serez-vous de nouveau candidat à la présidence de la Ligue de football du Nord?
Je n’ai jamais été intéressé par ce poste, car j’ai toujours pensé que pour bien diriger une ligue, il faut résider sur place. Le football moderne ne se gère plus comme il y’a trente ans. Pour bien se développer, notre football à besoin d’une bonne organisation et des dirigeants disponibles. Si j’ai été amené à présenter ma candidature l’année dernière, c’est tout simplement pour pouvoir dénoncer le caractère injuste de la réglementation en vigueur à ce moment-là. Je l’ai fait jusqu’au Tribunal arbitral du sport (Tas) avant que la Fifa n’entre en jeu. Aujourd’hui, la ligue du nord est malheureusement gérée comme une chefferie traditionnelle. Maintenant que le pouvoir revient aux clubs, j’ai dit aux autres acteurs du football local de prendre leur responsabilité lors des prochaines élections. Ils ont le choix entre garder la monarchie régnante et continuer de sombrer dans le néant ou confier le pouvoir à une nouvelle classe plus ambitieuse et sincèrement soucieuse de l’avenir du football local.

Depuis un certain temps, vous ne cessez de décrier le mode du scrutin à la Fédération camerounaise de football (Fecafoot).
Vu les agissements du président du Comité de normalisation qui s’est laissé embrigadé par ceux-là mêmes qu’il était sensé neutraliser, il y a lieu d’être sérieusement inquiet pour les prochaines élections. Mais nous veillerons à ce que les choses soient faites dans le strict respect de la réglementation.

Voilà presque six mois que le Comité de normalisation est à pied d’ uvre, quelle lecture faite-vous des actions menées jusque-là par cette cellule provisoire?
La seule lecture qui s’impose aujourd’hui est la perspective claire et nette d’un échec qui a déjà causé des préjudices à notre football. Le Comité de normalisation, dans sa volonté de rester plus longtemps, a pernicieusement délaissé ses missions principales pour se consacrer à des questions périphériques. Nous n’avons aucune visibilité et quand le président du Comité consent à aborder la question liée aux textes de la Fecafoot, c’est pour nous parler de 28 textes à rédiger, alors que l’acte qui les nomme mentionne un seul texte, les statuts. Je suis bien curieux de savoir d’où sortent tous ces textes, alors que la Fecafoot compte en tout cinq textes. C’est très étonnant de voir que le Comité mis en place au Maroc a pu, en un mois, élaborer les statuts de la fédération royale et les faire valider par la Fifa. Face à cette situation, nous avons décidé, avec un certain nombre d’acteurs de notre football, d’attaquer devant le Tribunal arbitral du sport (Tas) une éventuelle prorogation du mandat du Comité de normalisation. La Fifa devra expliquer pourquoi elle n’a pas encadré les agissements du Comité qui, non seulement ne remplit pas ses missions, mais détruit également notre football en validant une réforme illégale de la structure de nos compétitions nationales et en laissant prospérer la corruption et le clientélisme au sein de la fédération. Nous irons jusqu’à remettre en cause le principe même de la mise en place d’un comité de normalisation, comme lors de la première procédure contre la Fifa.

La Ligue de football professionnel du Cameroun, de concert avec la Fecafoot, a décidé de faire jouer le championnat de deuxième division à 18 équipes et la première division avec 19 clubs. Ceci avec la réadmission de Bamboutos au sein de l’élite. N’a-t-on pas réparé une injustice?
Procéder à une telle réforme de nos compétitions de manière cavalière et en violation des règlements est un crime contre notre football et une honte pour la grande nation de football que nous sommes. Quant à Bamboutos, Il n’y avait aucun préjudice à réparer. Les faits reprochés étaient fondés et tous ceux qui étaient présents au stade de la réunification ce jour-là peuvent vous le confirmer. Les dirigeants de Bamboutos de l’époque savent bien ce qui s’est passé.

L’affaire Bamboutos est née en 2007 pendant que vous étiez encore aux affaires à la Fécafoot. Les juges de la Chambre de conciliation et d’arbitrage justifient leurs décisions par le fait que la Fécafoot a été incapable de produire le corps du délit.
Je n’ai pas pu consulter cette sentence, mais si c’est le principal motif, mon désespoir ne peut que grandir davantage. On ne parle pas de corps de délit dans le monde du football, nous ne sommes pas devant un tribunal ordinaire. Que ce soit dans le code disciplinaire de la Fifa, de l’Uefa ou de la Caf, il est clairement stipulé que les faits relatés par les officiels de match sont présumés exacts jusqu’à preuve du contraire. Pour le cas précis, tous les rapports étaient concordants et un rapport additionnel avait été signé par tous les officiels de ce match. Je suis vraiment curieux de savoir quels sont les motifs qui ont permis à la Chambre de juger recevable la requête de Bamboutos près de sept ans après, compte tenu des délais prévus pour faire appel de ce genre de décision. Pourquoi la Fecafoot a-t-elle sciemment refusé de produire la preuve de la notification de la décision de la commission de recours à Bamboutos, alors que cette preuve existe bel et bien? Pourquoi cette même fédération n’a telle pas produit la décision du Tribunal administratif de Yaoundé devant lequel Bamboutos avait attaqué cette décision de la commission de recours que ses dirigeants prétendent n’avoir jamais reçue? Pourquoi enfin la Fecafoot n’a t-elle pas saisi le Tas? Toutes ces questions me laissent dubitatif. À ce rythme, ce qui reste de notre football risque de se disloquer complètement dans quelques mois.

Abdouraman Hamadou, ancien directeur de cabinet du président Iya
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Semble t-il, c’est sur injonction de la Fifa que l’on a décidé d’augmenter le nombre de club en première et deuxième division: question de rendre plus compétitif nos joueurs.
Je mets quiconque au défi de me produire un document dans lequel la Fifa exprime cette position. Comment la même Fifa qui nous a demandé de réduire le nombre de clubs peut-elle, du jour au lendemain, demander le contraire alors que tous les facteurs restent les mêmes. C’est de la désinformation. Je vous rappelle que le championnat de la Suisse où est basée la Fifa compte dix clubs et cela n’empêche pas le FC Bâle de battre Chelsea en aller et retour en League des Champions. Personne n’est dupe, nous savons tous que la vraie raison est ailleurs. Comme par le passé, notre football continue à être mis au service de quelques individus.

C’est depuis 2006 que la Fifa demande au Cameroun de professionnaliser son football et en tant proche collaborateur du président Mohammed Iya, vous avez participé à l’élaboration du projet de professionnalisme. Pourquoi avoir choisi de décréter le professionnalisme là où il fallait justement le construire?
En tant coordinateur des activités du secrétariat général à ce moment-là, j’ai été dès le début le principal interlocuteur de la Fifa dans le cadre du projet de professionnalisation de nos compétitions d’élites. Tout était fait en sorte que le processus soit achevé en 2010. La Fifa avait accepté de parrainer les clubs auprès des banques locales. Elle avait également accepté de rencontrer les autorités compétentes de notre pays pour essayer de trouver une solution au déficit en infrastructures. Après une première évaluation de la Fifa fin 2008, le Cameroun était le pays qui avait le plus avancé dans ce processus qui concernait uniquement les pays africains. Malheureusement, tout a été délaissé par la suite. Je suis très étonné qu’on ait encore des crises au sein de certains clubs alors que la question du statut juridique des clubs devait être réglée depuis 2009. Cela permet de mesurer notre retard par rapport à des pays qui n’ont jamais eu la possibilité de participer à une Can.

Les matches du championnat d’élite se jouent sur l’étendue du territoire, excepté à Yaoundé, Douala et Garoua, sur les aires de jeu poussiéreuses en saison sèche et boueuses en temps de pluie. Est-ce de cette manière que l’on pourra attirer les spectateurs et les sponsors?
Nous avions envisagé, avec le concours de la Fifa et du gouvernement, de construire de petits stades de 5000 places dans les chefs lieux des régions ne disposant pas de stade omnisport. Mais l’étape la plus cruciale de ce processus était et reste la professionnalisation du fonctionnement de nos clubs qui doivent adopter des statuts clairs prévoyant un certain nombre de structures et des mécanismes de prise de décisions sans ambiguïtés…Et puis, il y a la problématique de la télévision. Il n’y a pas de professionnalisme sans télévision. Malheureusement, aucune chaîne de télévision locale n’est en mesure de produire et de retransmettre un match de football dans le respect des standards en vigueur. À un moment, nous avions même envisagé d’aider la Crtv à se doter du matériel nécessaire. Il ne faut pas toutefois oublier le handicap que représente aujourd’hui notre Ligue de Football Professionnel avec ses méthodes de management et de fonctionnement d’une autre époque, caractérisées par le non-respect de la réglementation, une absence totale de planification, un calendrier parcellaire et un chronogramme sans fin.

Sur les retombées de la participation du Cameroun à la Coupe du monde 2010, la Fécafoot a décidé de dépenser près de 2 milliards de F Cfa pour la construction de son immeuble siège.
J’ai été dès le début contre ce projet. En tant que rapporteur de la commission chargée de faire des propositions relatives à l’utilisation des recettes de la Coupe du Monde 2010, j’ai refusé de signé ce rapport contre l’avis de tout le monde. J’estimais que notre football avait des problèmes plus urgents que la construction d’un siège qui est une dépense de prestige.

Depuis l’incarcération du président Iya, lui avez-vous déjà rendu visite?
Je n’y suis jamais allé dans la mesure où nos relations se sont dégradées après ma démission de la Fecafoot. Lui rendre visite passerait certainement pour une provocation aux yeux de son entourage. Je suis très loin de me réjouir de sa situation et j’espère sincèrement qu’il s’en sortira.

Que répondez-vous à tous ceux qui disent que vous êtes revanchard aujourd’hui simplement parce que vous avez été poussé à démissionner de la Fécafoot par le président Iya?
J’avais déjà remis ma démission à M. Iya en 2009 au lendemain de sa réélection à la tête de la Fecafoot et c’est sur son insistance que j’avais dû rester, malgré moi. Aujourd’hui, sans renoncer à ma passion pour notre football, je me suis reconverti en chef d’entreprise. Après des débuts difficiles comme dans toute entreprise, je n’ai aucun doute que d’ici à une dizaine d’années nous pourrons nous diversifier et réaliser notre objectif. Celui d’édifier une grande entreprise jouant un rôle central en faveur des échanges multisectoriels entre les pays du Sud, tout en exploitant les opportunités locales.


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