Le témoin à charge très attendu hier n’a pas pu apporter hier les preuves de ses accusations alors que la détention de l’ex ministre est très critiquée
Première confrontation entre les accusés et leur accusateur
Le procès de l’ex ministre camerounais de la santé Urbain Olanguena Awono et de ses 5 coaccusés a été une fois de plus renvoyé. Les débats seront ouverts à nouveau le 25 août prochain. Des nombreuses personnes étaient présentes à la salle d’audience du tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé. Les débats se sont poursuivis jusqu’à très tard en début de soirée. Pour la première fois les accusés se retrouvés face à celui qui les a directement accusés, Gilbert Bayoï, Inspecteur d’Etat et chef de la mission du contrôle supérieur de l’Etat. Face aux avocats de la défense le 23 juin dernier, le témoin clé de cette affaire n’avait pas déjà réussi à apporter la preuve des détournements mentionnés dans son rapport. L’ex ministre de la santé n’a eu que peu de difficultés à démonter les différentes allégations qui soutiennent le rapport d’accusation dans cette affaire. Sur l’accusation de détournement et de tentative de détournement des 260 millions de FCFA pour laquelle il est poursuivi, pour avoir accordé à l’Agence camerounaise de marketing social (Acms) un marché dont il n’aurait pas respecté la procédure, Urbain Olanguena a répondu en rappelant que l’ACMS étant une association, elle ne pouvait soumissionner à un marché public, suivant les dispositions du code des marchés publics. Il a aussi indiqué qu’à l’époque, cet argent avait été accordé au titre des subventions de l’Etat à des associations qui participent à la lutte contre le Sida, subvention admis dans le cadre de la loi des finances en vigueur en ce moment-là.
Un témoin de la défense peu convainquant
La suite du procès par ailleurs très animé n’a pas été favorable à l’accusation. L’ex ministre est aussi revenu sur l’accusation qui l’incrimine d’avoir payé à des associations une somme de 122 millions de FCFA pour des dépliants «non livrés», au Programme national de lutte contre le paludisme. Olanguena a fait remarquer que trois audits indépendants ont été réalisés au sujet de cette accusation, celle du représentant au Cameroun du fonds mondial de lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose, celle du cabinet international Mazart et celle des experts judiciaires commis par le juge d’instruction. Tous ces audits contredisent aujourd’hui cette accusation. Difficile de comprendre que des structures (L’Etat et les partenaires financiers), victimes d’un fait ne soient pas d’accord sur cette partie de l’accusation. Les débats ont aussi permis de savoir qu’un des chefs d’accusation était basé sur un procès-verbal non conforme. «Si ce procès-verbal est faux, ce n’est pas de notre faute. Nous avons retrouvé sa trace quelque part. Sinon nous n’allions pas en parler» a affirmé Gilbert Bayoï, sans véritablement convaincre l’assistance. L’affaire Olanguena Awono prend une tournure inattendue pour l’accusation qui manque de pertinence dans sa stratégie.
Les avocats de la défense dénoncent une détention arbitraire
Ses avocats ont dénoncé la détention « excessivement longue et insupportable » d’Urbain Olanguena Awono, lors d’un point de presse à l’issue du nouveau renvoi de son procès. « Cela fait 28 mois » que M. Olanguena Awono est détenu en attendant son jugement avec « cinq de ses ex-collaborateurs », a rappelé Me Antoine Mong, estimant que cette durée était excessivement longue et insupportable surtout pour une personne innocente qui sait qu’elle n’a rien fait de répréhensible. Me Mong a précisé que son client offrait « toutes les garanties de représentation requises par la justice ». Le juge en charge de l’affaire a renvoyé l’affaire pour la septième fois, parce que l’un des accusés « n’était pas dans de bonnes dispositions », selon Maitre Claude-Richard Assamba, avocat de la défense. Maitre Richard Sedillot, avocat au barreau de Rouen venu renforcer la défense, a affirmé que « la communauté internationale est très inquiète du sort réservé » à l’ancien ministre de la Santé publique. « Au-delà du sort de M. Olanguena, ce qui m’inquiète c’est la crédibilité du Cameroun face aux bailleurs de fonds (…) Le sort de milliers de Camerounais est lié à l’issue qui sera donnée à cette procédure », a indiqué l’avocat français. Olanguena et cinq autres personnes sont poursuivis pour « détournement de deniers publics, complicité de détournement de deniers publics et tentative de détournement de deniers publics », selon l’acte d’accusation. D’après l’acte, les malversations sont estimées à plus de 750 millions de FCFA, dont 474 millions pour M. Olanguena. 2 ans et demi après le début de l’affaire Olanguena, le ministère publique qui avait procédé à des arrestations en grande médiatisation, n’a pas encore réussi à apporter des éléments concrets pour faire plier la défense. Certaines incohérences entourent ce procès et jette un voile de doute sur son issue.
