Une étude de 2008 a révélé que 86% des lesbiennes noires vivent dans la crainte d’une agression sexuelle
En Afrique du Sud, les homosexuels sont considérés comme des personnes malades. Pour les guérir, particulièrement les lesbiennes, les hommes pensent qu’il faut les violer. Un cas de figure, une adolescente de 13 ans, qui revendiquait son homosexualité, a été violée sur le chemin de son école, dans le centre de Pretoria, la capitale de l’Afrique du Sud, selon le ministère de la justice. En début de matinée du dimanche de Pâques, le 24 avril également, c’est le corps de Noxolo Nogwaza, une lesbienne de 24 ans, qui a été retrouvé dans une ruelle du township de Kwa Thema, situé à l’est de Johannesburg. Crâne écrasé, dents arrachées, yeux exorbités, son visage était méconnaissable selon des témoins. Des parties de son corps ont été lacérées avec des tessons de verre, et des préservatifs usagés ont été retrouvés près du cadavre. La veille, dans un bar, cette militante pour les droits des personnes homosexuelles avait eu une altercation verbale avec un groupe d’hommes qui faisaient des avances à sa petite amie.
Ces deux faits tragiques illustrent un phénomène persistant en Afrique du Sud, et même en augmentation selon des associations, baptisé le viol «correctif». Des hommes obligent des lesbiennes à avoir des relations sexuelles avec eux, jugeant que cela permettra à celles-ci d’être «soignées» et d’être «remises dans le droit chemin». Le meurtre de Nogwaza est le dernier d’une longue série de crimes sadiques visant les lesbiennes, les homosexuels et les transsexuels en Afrique du Sud, a réagi dans un communiqué l’organisation internationale Human Rights Watch. Mais le porte-parole de la police Tshisikhawe Ndou a indiqué que les enquêteurs ne considéraient pas à ce stade ce meurtre comme un crime haineux. Nous n’avons pas de preuves pour conclure que le crime a été commis en raison de son orientation sexuelle. Nous enquêtons uniquement pour assassinat et viol à ce stade, a-t-il déclaré.
Selon Human Rights Watch, Noxolo Nogwaza a été frappée à plusieurs reprises avec des tessons de verre, et abandonnée défigurée dans une ruelle. Une bouteille de bière, une grosse pierre et des préservatifs usagés ont été retrouvés sur et à proximité de son corps. La violence dont sont victimes les lesbiennes est un problème récurrent en Afrique du Sud, et la législation progressiste en matière de droits des homosexuels coexiste difficilement avec une forte homophobie. Les militants disent que les lesbiennes sont souvent victimes de «viols de correction», des relations sexuelles forcées avec un homme destinées à «guérir» leur sexualité. Une étude de 2008 a révélé que 86% des lesbiennes noires de la province du Cap occidental (sud-ouest) vivaient dans la crainte d’une agression sexuelle, dans un pays qui voit environ 500 000 viols par an.
Les victimes lesbiennes vont rarement porter plainte au commissariat le plus proche car elles y trouvent souvent des policiers qui préfèrent fermer les yeux et qui pour certains d’entre eux, estiment même qu’elles l’ont «bien mérité», favorisant ainsi une culture de l’impunité. La violence sexuelle, le machisme et la misogynie demeurent très présents dans la société sud-africaine. La «nation arc-en-ciel» a pourtant l’une des constitutions les plus progressistes en termes de protection des minorités. Alors que la majorité des pays africains condamnent encore pénalement l’homosexualité, les couples homosexuels sud-africains peuvent adopter un enfant depuis 2002 et se marier depuis 2006. Critiqué pour sa complaisance envers ces crimes, le gouvernement sud-africain a annoncé la création d’un groupe de travail chargé de proposer des mesures permettant de lutter contre ces agressions (campagne de sensibilisation, mise à disposition de refuges pour des homosexuels en danger, etc.). En quelques mois, une pétition de l’organisation internationale Avaaz réclamant la condamnation publique des viols «correctifs» par les autorités sud-africaines, avait recueilli plus de 900 000 signatures. Le texte exigeait aussi la reconnaissance pénale des crimes de haine.
L’Afrique du Sud a nommé un groupe de travail chargé de réfléchir aux moyens de lutter contre les agressions envers les homosexuels du pays après le meurtre brutal d’une militante lesbienne, a indiqué mardi le ministère de la Justice. Le groupe, qui commencera ses travaux le 15 juillet, compte six représentants de la Justice, de la police et des services sociaux, et six représentants d’associations homosexuelles, a expliqué le ministère dans un communiqué. L’équipe sera chargée de développer un plan d’interventions législatives, une stratégie de sensibilisation du public et des abris pour les homosexuels en danger, a-t-il précisé.
