Agbor Balla Nkongho : héros ou traître ?

Malgré  un séjour en prison, son domicile familial brûlé et des positions critiquées, cet activiste des droits de l’Homme continue…

Malgré  un séjour en prison, son domicile familial brûlé et des positions critiquées, cet activiste des droits de l’Homme continue de parcourir le monde entier afin de trouver des solutions politiques à la crise anglophone qui secoue le pays depuis 18 mois.

En janvier  2017,  Agbor Balla Nkongho  est arrêté en compagnie de 71 autres  leaders du consortium anglophone alors qu’ils tenaient une réunion. De nuit, ils sont conduits à Yaoundé, la capitale du Cameroun. Ils seront déférés à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé.  Face à la pression de la communauté internationale, les chefs d’accusations qui pèsent contre eux seront dévoilés : actes de terrorisme, rébellion entres autres. Ils risquent la peine de mort. Ils passeront 7 mois de prison avant d’être libérés.

Huit mois plus tard, une fois sa liberté retrouvée, Agbor Balla Nkongho  reprend ses activités. Il repart régulièrement rendre visite à ses compagnons d’infortune en prison. Son combat pour la cause anglophone, il le poursuit également  avec détermination. Face à la radicalisation du mouvement qui voit naître les premiers groupes armés, il encourage le dialogue et l’acceptation de l’autre. « Les libertés que nous recherchons pour nous-mêmes doivent être étendues à tous les autres citoyens quelles que soient nos différences  idéologiques. J’en appelle à chacun d’entre vous, à réfléchir  à l’exploitation d’autres voies pour atteindre nos objectifs », souligne-t-il pour défendre sa position.

Menaces et invectives

Son choix du dialogue comme solution à la crise anglophone n’est pas resté sans conséquence.  En novembre  2017, quelques semaines après sa sortie de prison, son domicile familial à Mamfé, dans la  région du Sud-ouest du Cameroun, est mis à feu. Cet incident intervient  quelques jours après son exclusion du consortium des sociétés civiles anglophones du Cameroun dont il est membre fondateur. Le motif  souligné par les signataires de sa mise à l’écart est «  son écartement de la ligne directrice du mouvement à travers ses sorties médiatiques et ses activités diplomatiques auprès des Etats ». 

Dans la même lancée, lors d’une visite à la diaspora camerounaise en Angleterre il va se faire chasser de la salle par les partisans de l’aile extrémiste de la revendication anglophone. Ils estiment qu’en prêchant pour  la fin des actions de revendication violentes, « il est devenu un allié du gouvernement». Interrogé sur ces accusations portées contre lui, il se veut constant. « Même si nous pouvons différer d’approches, nous devons respecter les opinions des autres. Nous pouvons être en désaccord sans être désagréables. C’est une caractéristique d’une société démocratique d’avoir des opinions et des points de vue divergents. Le gouvernement a la responsabilité de prendre des mesures pour atténuer les tensions au sein de nos communautés afin de réduire la probabilité de conflit. Nous appelons tous nos jeunes, leaders religieux, leaders communautaires, leaders d’opinion à œuvrer pour s’attaquer à tous les signes potentiels de conduite violente et à se défendre contre la violence. La solution doit être politique. C’est le moment d’un bon leadership et l’esprit d’état que nous fournirons», précise-t-il.

Malgré les menaces permanentes qui pèsent contre lui, l’avocat de 47 ans, qui a travaillé comme personne ressource en matière de droits de l’Homme avec le système des Nations Unies en Sierra Leone  et au Congo, a décidé de rester dans la capitale du Sud-Ouest, Buea, dans laquelle il exerce ses activités. A l’occasion de la journée mondiale pour la justice sociale, il a remis, le 20 février dernier, aux jeunes startupeurs de la ville «  des ordinateurs afin de les encourager dans le processus de création d’emplois pour la jeunesse ».  Quelques jours après ces événements, il s’est envolé  pour les Etats-Unis où il compte obtenir de nouveaux soutiens  dans son combat pour la résolution de la crise anglophone.

Alternative crédible

Depuis octobre 2017, les affrontements nés de la répression des attaques séparatistes contre les forces de l’ordre ont fait plusieurs morts parmi les populations civiles. Une trentaine de militaires ont été tués. 7500 personnes ont été contraintes de se refugier au Nigeria où elles vivent dans des conditions difficiles.

Une dizaine de leaders sécessionnistes viennent d’être arrêtés au Nigeria et extradés au Cameroun. Ils risquent la condamnation à mort. Face à ces arrestations, d’autres groupes armés se sont formés et kidnappent désormais des représentants de l’Etat. En raison de  l’escalade de violence observée dans les régions anglophones, Agbor Balla s’est positionné comme une alternative crédible pour mettre fin à la crise.

C’est dans cette optique qu’il a été reçu, début février, par la ministre d’Etat du Royaume-Uni pour l’Afrique, Harriet Baldwin en séjour officiel au Cameroun. En décembre dernier, c’était avec Patricia Scotland, secrétaire général du Commonwealth, qu’il avait échangé.