Il a présidé aux destinées de la RCA pendant une douzaine d’année. Retour sur le riche et controversé parcours de l’enfant de Paoua
Aux grands hommes, la patrie reconnaissante. Ange Félix Patassé sera inhumé le 21 mai 2011dans la banlieue de Bangui, avec tous les honneurs dus à son rang d’ancien chef d’Etat. Ce sera le dernier acte d’une vie bien remplie, dont on garde en mémoire quelques hauts faits. Commençons par la fin, en l’occurrence la course à la présidentielle centrafricaine de janvier 2011. L’ancien président centrafricain, revenu au pays à la faveur du Dialogue Politique Inclusif (DPI) de décembre 2008, était candidat déclaré à la succession du Général François Bozizé à la tête du pays. Affirmant être le « Moïse des Centrafricains » voire le « petit frère de Jésus », il se présente comme l’envoyé de Dieu pour exécuter son programme en faveur de la Rca. Il arrive en deuxième position à la présidentielle du 23 janvier 2011, derrière François Bozizé Yangouvonda. L’enfant de Paoua, localité située dans la préfecture d’Ouham- Pendé au Nord- Ouest de la RCA, frontalière du Tchad et du Cameroun, aura ainsi perdu la dernière bataille publique de sa vie.
L’ingénieur agronome zootechnicien né le 25 janvier 1937 n’a pas réédité l’exploit de 1993. En effet, à la faveur de l’élection présidentielle centrafricaine d’août 1993, il est élu face au général André Kolingba. Le 27 septembre, Ange- Félix Patassé devient le cinquième président de l’histoire de la République centrafricaine, sous les couleurs du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), avec 52,45 % des suffrages exprimés. « Le barbu national », personnage charismatique à la tête de la Centrafrique pendant dix ans, est le troisième président à gouverner la Rca pendant plusieurs années, après André Kolingba (12 ans) et Bokassa (14 ans).
Violences contre le pouvoir du Président Patassé
Au pouvoir, l’amateur du n ud papillon est marqué, dans son premier mandat, par un cycle de mutineries, qui donnent lieu à des conflits interethniques, désorganisant ainsi la vie économique, politique et sociale de la Centrafrique. Malgré ces affrontements sanglants, Ange Félix Patassé est réélu en 1999. Sa sécurité est alors assurée par les troupes libyennes. Il échappe à un coup d’Etat fomenté par André Kolingba en fin mai 2001. L’année suivante, à la période d’octobre, il échappe à un autre coup d’Etat avec l’appui du Mouvement de libération du Congo, le MLC deJean- Pierre Bemba. Taxé d’autoritaire, voire de dictateur, il est finalement renversé par François Bozizé le 15 mars 2003, alors qu’il revient d’un voyage au Niger. Il rentre en exil Togo.
Diplômé de l’Académie supérieure de l’agriculture tropicale à Nogent- sur- Marne en France, le fils de Ngakoutou (Gbaya du sous- groupe Suma) et de Véronique Goumba (Kaba) a toujours débordé d’imagination et de vitalité. Son ambition a toujours été d’améliorer l’ordinaire du centrafricain et de l’africain. Dès sa sortie des célèbres laboratoires de l’institut Pasteur de France, il démontre son envie à vouloir et pouvoir produire du biogaz, de la bioélectricité rurale et du biocarburant à partir d’une herbe appelée le Penicetum pulpurium qu’il étudie depuis 1986. Il ambitionne, pendant son premier exil en terre togolaise, la production d’énergie électrique à partir des plantes locales qui poussent dans plusieurs régions du Togo. Scientifique d’envergure internationale, Ange Patassé se met au « vert » dans l’agriculture en améliorant les propriétés du « maïs Ngakoutou » pour la prospérité et de l’honneur de l’Afrique. Durant son deuxième exil au Togo, entre 2003- 2008, il travaille sur un vaste projet d’installation de complexes agricole et industriel. L’ancien chef d’Etat veut produire du riz et du maïs avec une variété qu’il a appelée « Patassé Ngakouto », agréée par la FAO. A côté de cela, la travaille sur la culture de la spiruline, une algue très riche en protéines et en minéraux. Objectif : une alimentation équilibrée de la population et surtout lutte contre la malnutrition des enfants.
L’ingénieur agronome devenu homme politique A côté de ce déploiement de technicien Ange Félix Patassé a eu une brillante carrière de politique. Dans les gouvernements successifs de Jean- Bédel Bokassa, le président devenu empereur en décembre 1977, Patassé est nommé en 1965 au cabinet du ministre de l’Agriculture et du développement. Il est promu ministre du développement entre janvier 1966 et avril 1968. Il occupe par la suite les postes de ministre du Développement rural entre mai 1972 et avril 1973, ministre du Tourisme, de l’eau, des bois, de la chasse et de la pêche entre juin 1974 et octobre 1975. Le 8 décembre 1976, il est nommé Premier ministre du gouvernement, le quatrième de l’histoire de la Centrafrique jusqu’au 14 juillet 1978. En 1979 Ange Félix Patassé se lance sereinement à la conquête du fauteuil présidentiel. A Villiers- sur- Marne, près de Paris, il se positionne déjà comme le successeur de l’empereur Bokassa 1er. Mais, l’opération Barracuda lancée par la France et qui renverse Bokassa, ne lui permet pas d’être à la tête de la Centrafrique. Le 20 septembre 1979, la République est restaurée par le nouvel homme fort de Bangui, David Dacko.

« Le barbu national »
Le 28 septembre 1979, Patassé arrive à Tripoli avec le statut de demandeur d’asile politique. Il annonce son programme d’action pour la RCA: instauration du socialisme en Centrafrique, boom économique grâce à l’aide libyenne, coopération avec les Français non-colonialistes… Le 4 octobre de la même année, l’ancien chef du gouvernement centrafricain débarque à Bangui tout en mettant en place les structures de son parti politique, le Mouvement pour la libération du peuple centrafricain (MLPC). Patassé décide d’ébranler l’autorité du Président David Dacko qui, excédé, le met aux arrêts le 3 novembre 1979. Ange Félix Patassé sera libéré un an plus tard. Dès lors, il se présente comme le principal leader de l’opposition. Il accepte de participer à l’élection présidentielle. En mars 1981, David Dacko gagne la présidentielle avec 50,23 % des voix contre 38,11 % pour le leader du MLPC. Le putsch réussi du général André Kolingba contre David Dacko, le 1er septembre 1981, n’arrange pas Ange- Félix Patassé qui voit désormais son ambition d’accéder à la magistrature suprême s’éloigner. A la suite d’un coup d’Etat manqué du Général François Bozizé contre le régime militaire du Général André Kolingba, en 1982, Ange Félix Patassé, le chef politique de ce coup d’Etat, est exilé à Lomé au Togo. Il y restera pendant dix ans. Le 15 octobre 1992, Patassé rentre à Bangui solennellement.
Patassé condamné par la justice Centrafricaine
Un mandat d’arrêt international est émis contre l’ancien président Patassé par les autorités judiciaires centrafricaines, quelques mois après sa chute en 2003. Accusé de détournements de fonds, soit 70 milliards de Fcfa de deniers publics, un procès est ouvert contre lui le 7 août 2006. La Cour criminelle de Bangui condamne l’ex- président par contumace le 30 août de la même année à 20 vingt ans de travaux forcés. Trois de ses collaborateurs écopent la même peine : Louis Sanchez, son ancien associé français ; Lazare Dokoula ancien ministre délégué aux finances et un ancien conseiller à la présidence de la République ; Michel Bangué Tandet. Il lui en outre reproché d’être le responsable des exactions commises par les hommes du Mouvement libération du Congo de Jean- Pierre Bemba sur les populations centrafricaines, entre 2002 et 2003.
La mort
Ange Félix Patassé avait connu une première mort (politique) en perdant la machine électorale du MLPC. En effet, le parti fondé par ses soins est depuis son exil de 20003 contrôlé par Martin Ziguélé, le dernier Premier ministre du régime de Patassé. Le diabète est à l’origine de sa mort clinique. Ce mal l’a affaibli peu à peu. Au point le clouer pendant quatre jours dans une clinique de Bangui, au début du mois de mars 2011. Son état de santé devenant critique, il décide de quitter la Centrafrique pour des raisons de santé. Samedi 02 avril 2011, il quitte la capitale Bangui pour Malabo via Douala. Mais ayant raté sa correspondance, il est hospitalisé et interné à l’hôpital Général de Douala, la capitale économique du Cameroun, où il succombe sous l’emprise de la maladie à l’âge de 74 ans ce mardi 5 avril 2011, laissant derrière lui une opposition à la fois fragilisée par les résultats du premier tour des élections présidentielle et législatives largement en faveur du parti au pouvoir, le KNK (le travail rien que le travail). Patassé, dans l’histoire de la République centrafricaine, d’après Martin Ziguélé, est « une grande perte ».

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