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Cameroun : 40 ans après, l’éducation toujours en chantier

Au fil des années, le président Paul Biya a multiplié les efforts pour dynamiser l'école au Cameroun. Seulement, l’amélioration du…

Le mouvement OTS a paralysé l'éducation en 2022

Au fil des années, le président Paul Biya a multiplié les efforts pour dynamiser l’école au Cameroun. Seulement, l’amélioration du système éducatif reste confrontée à plusieurs obstacles.

A son arrivée en 1982, le Cameroun ne comptait qu’une seule université appelée autrefois université fédérale du Cameroun. Conscient du boom démographique et des infrastructures dépassées (de 10 000 étudiants jusqu’en 1985, l’université camerounaise en compte 20 000 dès 1986 et 44 000 en 1992), le chef de l’État a tour à tour procédé à l’ouverture de nombreuses universités d’Etat au Cameroun.

Il était impératif de réduire la surpopulation de l’Université de Yaoundé par la création dans les années 90 de six universités, dont quatre seraient installées dans les Centres universitaires créés en 1977 et qui seraient individuellement chargées d’une mission majeure dans la perspective globale du développement national. C’est-à-dire donner à tous les Camerounais des chances égales d’accéder à l’enseignement universitaire. En somme, rendre les universités plus accessibles aux communautés locales et régionales.

A ce jour, chaque région est dotée d’au-moins une université d’État et des écoles de formation. Les benjamines du renouveau sont les universités de Bertoua, d’Ebolowa et de Garoua créées le 5 janvier 2022 par décret présidentiel

C’est dans cette mouvance que sous les hautes instructions de l’homme du 6 novembre 1982, on a procédé à la libéralisation de la scène universitaire au Cameroun toujours dans les années 90. On a ainsi assisté à l’ouverture des Institutions privées d’enseignement supérieur.  Objectif, accompagner les universités d’Etat dans l’accomplissement de leur mission de formation et d’éducation de la jeunesse camerounaise. Un moyen de répondre aux besoins croissants de la population.

Une autre réponse à souligner sous le régime Biya est la professionnalisation des enseignements avec l’introduction du système LMD (Licence Master Doctorat). Pour le Pr Jacques Fame Ndongo, ministre d’État chargé de l’Enseignement supérieur, on quitte du statut du savoir-savant à celui de savoir-faire « on ne vous demandera pas ce que vous savez, mais ce que vous savez faire ».

Au travers de cela, il est question de doter les étudiants camerounais d’aptitudes nécessaires pour être compétitifs sur le marché de l’emploi. Mais également, faire d’eux des créateurs d’emplois. Sauf que, en regardant le bilan aujourd’hui, on est loin du compte. Même si une institution comme le Fonds National de l’Emploi a été créée, le taux de chômage des diplômés camerounais reste encore criard.

Par ailleurs, le système LMD en lui-même fait débat entre les universitaires. Sa compréhension et son implémentation suscitent souvent des polémiques autour des diplômes professionnels et académiques par exemple.

De l’autre côté, alors que certains enseignants se plaignent de l’absence des primes de recherches, des étudiants eux crient à l’abandon pour ce qui est des bourses d’études qui étaient une tradition sous l’ère Ahidjo… Ces derniers pour ceux de matricule 2015, 2016, 2017 et 2018 ont néanmoins reçu un don d’ordinateur estampillé PBHEV (Paul Biya Higher Education Vision).

Le secondaire au second plan

S’il y a une autre professionnalisation à reconnaître sous le renouveau, c’est sans doute l‘instauration de l’enseignement technique dès le secondaire. Au Cameroun, il est désormais possible pour chaque élève après obtention de son CEP de poursuivre ses études dans un établissement technique où il sera déjà formé au métier de ses rêves.

Mais comme au niveau supérieur, il y a un goût d’inachevé. Après 40 ans au pouvoir, la ville de Yaoundé, capitale politique du Cameroun et au même titre que plusieurs autres villes du pays ne compte aucun lycée technique bilingue. Dans une ville comme Bafoussam par exemple, c’est un établissement privé qui a préconisé l’enseignement technique pour le sous-système anglophone. Hélas, ce n’est pas le seul mal qui accable l’enseignement secondaire au Cameroun.

OTS et ses revendications

On se souvient encore il y a moins d’un an de la grève des enseignants de lycées qui pendant des mois a paralysé l’éducation au Cameroun. Baptisée « On a trop supporté » (OTS) les enseignants revendiquent le paiement de tous les rappels, la signature du statut spécial des enseignants, le recrutement massif des instituteurs de l’enseignement technique, la mise sur pied d’une procédure rapide des dossiers d’intégration, le paiement immédiat à partir de la session 2023 des vacations, frais de déplacement, de correction et de délibération des examens officiels, l’organisation des états généraux de l’éducation conformément aux textes en vigueur.

Le Primaire au dernier banc

Et ce n’est pas le seul texte qui n’a pas été respecté en 40 ans au pouvoir du président Paul Biya. Dans son discours du 10 février 2000, le chef de l’Etat annonçait la gratuité des frais de scolarité dès la prochaine rentrée scolaire. Or, le simple montant des APEE élevé très souvent et obligatoire pour chaque parent pousse à se demander si l’école est toujours gratuite au Cameroun.

« Quelque part, les frais d’APEE ont remplacé les frais d’inscription. Et ce, même s’il est vrai que les frais d’APEE ne sont pas un fait, une obligation de l’Etat. Les frais d’Apee sont une volonté des parents qui se sont mis ensemble en association et ont décidé de soutenir les établissements dans lesquels leurs enfants sont scolarisés. L’Apee a pour base, la loi portant création d’une association au Cameroun, qui date de 1990. Mais le fait que les responsables d’établissements scolaires jouent désormais un rôle actif dans la gestion ou le fonctionnement de cette association, au point de fixer et d’exiger un quota aux parents. Et ces frais d’Apee sont plus élevés que les 1.500 FCfa ou 5.000 FCfa, que nos parents donnaient pour nos frais d’inscription. C’est le terme frais d’inscription qui a disparu. Mais les frais de scolarité demeurent,» explique un instituteur.

Pire encore, si ce n’est quelques dons des institutions comme le Cerac ou d’autres ONG, la construction des écoles primaires publiques au Cameroun date de celles des dons japonais; on est là dans les années 2000. Conséquence, une surpopulation dans les salles de classes pour un seul instituteur. Sa récompense, un salaire de catéchiste…

L’herbe plus verte ailleurs ?

Sur un jeu de comparaison, me diriez-vous certainement, comparaison n’est pas raison…Toutefois, certaines expériences renseignent mieux. Dans une démocratie comme la Côte d’Ivoire qui partage plusieurs traits communs avec le Cameroun, le métier d’enseignant fait rêver. En 2016 par exemple, les enseignants du primaire ont vu leurs salaires mensuels passer de 264.000F à 370.000F. Pour ceux du secondaire, c’est passé de 419.000 à 511.000F.

Or, au Cameroun, le revenu mensuel d’un instituteur d’école primaire s’élève à environ 80.000F tandis que les enseignants de lycée ont comme salaire de base mensuel, 210.000F environ.

C’est dire qu’après 40 ans de renouveau, la situation de l’enseignement tant au primaire, qu’au secondaire et même à l’échelle universitaire au Cameroun piétine encore…