Le délégué de la culture pour le littoral, Robert Bendegue, répond par l’affirmative. Entretien.
La culture c’est un champ assez vaste, alors quels sont les éléments que vous y intégrez, vous qui en avez la charge pour le littoral?
Merci d’abord de me donner l’opportunité de parler de culture, et comme vous l’avez dit c’est un champ très vaste. Ça part des arts premiers, ça s’étend sur les arts de la scène, les arts visuels, et bien plus, les arts des médias. C’est un concept tellement difficile à cerner qu’assez souvent tous ceux qui s’expriment sur cette question n’arrivent pas toujours à s’accorder. Je fais allusion là par exemple au concept de l’industrie culturelle, qui est un concept qui remonte aux années 1930 mais qui jusqu’aujourd’hui n’arrive pas à fédérer tous les opérateurs du secteur, selon qu’on se situe du coté anglo-saxon ou francophone. Tenez pour exemple le cinéma qui dans la conception anglo-saxonne ne devait pas faire partie des industries culturelles alors que dans la conception francophone c’est le 7e art. Il y a un certains nombres de petits métiers comme cela qui ne facilitent pas la compréhension du domaine. Toujours est-il que de manière générale, c’est par une coiffure que l’on distingue le Mandingue du Mossi ; on dit l’habit ne fait pas le moine mais c’est à travers l’habit que l’on reconnaît le moine. C’est à travers les produits qu’on consomme que l’on peut identifier certains peuples. Donc que ce soit du coté alimentaire, vestimentaire et autres, on est là dans le très vaste champ culturel.
Pouvez vous nous faire un état des lieux du paysage culturel camerounais?
Ce serait très fastidieux de faire un état des lieux de notre paysage culturel, mais je dois avouer que dans notre contexte la culture est un vaste champ à défricher, où tout est à faire, et mieux même, à parfaire. La culture camerounaise est à l’heure des balbutiements, ce d’autant plus qu’elle n’est pas très desservie par l’arrivée de la mondialisation. La chute des barrières, l’envahissement de notre espace télévisuel et médiatique par les majors. Ce qui est de nature à nous vassaliser et nous mettre à la remorque. Nous essayons tout de même dans cet univers là de conserver notre identité et c’est cela le chalenge.
Certains artistes, comme les peintres, sculpteurs, comédiens et autres se plaignent d’être abandonnés par les pouvoirs publics, contrairement aux musiciens par exemple, Qu’est ce que vous leurs dites ? Est ce que leur plainte est fondée?
Je comprends tout à fait leur préoccupation même si je peux dire qu’elle est assez alarmiste. Mais je dois le dire, peut être pas les peintres. Parce que honnêtement depuis que je suis en poste à Douala, s’il y a une filière ou un secteur d’activité qui me semble très créatif et assez dynamique c’est bien l’art plastique et principalement la peinture. C’est un domaine auquel j’attache un prix, malgré les modestes moyens. Mais je peux vous assurer que les chefs de filières, ceux qui ont réussi à trouver leurs marques dans le domaine n’ont rien à envier aux musiciens. Les musiciens c’est peut être du fait du grand nombre qu’on a le sentiment qu’ils prennent tout l’espace audio-visuel et médiatique au détriment des peintres et autres stylistes modélistes qui ont de la peine à trouver une place au soleil dans cet univers difficile.
Les musiciens de leur coté regrettent le manque d’espaces, donc de salles de spectacles digne de ce nom. Récemment vous parliez d’un projet dans ce sens sur lequel vous travailliez, qu’en est-il?
Nous avons entamé un chantier du coté de Yassa, madame la ministre de la culture nous a prescrit de démarrer par la sécurisation du site. Nous avons là-bas près de 4000 m², où nous allons implanter une maison de la culture. C’est un équipement multi fonctionnel qui pourrait avoir une salle de spectacle. Dans le même temps nous ne nous sommes pas endormis! Nous avons accordé une autorisation de fonctionnement dans l’espace Douala Bercy, nous avons mobilisé la commission de réhabilitation de la salle à descendre sur les lieux pour discuter avec le promoteur. Par ailleurs et ce n’est désormais plus qu’un secret de polichinelle, la salle du Wouri est actuellement en chantier, le groupe Fotso ayant consenti de rouvrir cette salle qui est également polyvalente et pourrait être une solution aussi pour les organisateurs de spectacles. Nous ne sommes pas suffisamment lotis pour cette opération, ça il faut le reconnaître, c’est le malheureux constat qu’on est obligé de faire. Et en fait ce n’est pas forcément l’Etat qui doit s’investir dans ce domaine, l’Etat doit accorder toutes les facilités aux promoteurs et ceux-ci trouveront toujours auprès de nous une oreille bien attentive et bienveillante pour encourager les initiatives qu’ils viendraient à prendre.

Quelles autres difficultés vous rencontrez dans votre secteur Monsieur le délégué?
Les difficultés de la culture sont davantage liées à l’improvisation. Beaucoup de porteurs de projets se réveillent toujours au dernier moment et c’est qui est vraiment regrettable dans ce domaine. C’est-à-dire que les gens pensent que le délégué ou madame le ministre a une caisse à coté et attend qu’ils viennent avec les projets pour financer. Ce n’est pas du tout facile. En réalité il faut pouvoir mieux s’organiser, il faut fonctionner en association et beaucoup comprennent association en terme de cellules familiales. C’est autant de choses qu’il faut essayer de canaliser et améliorer.
C’est quoi le suivi des projets qui sont déposés chez vous ? Est ce qu’il y en a qui ont été soutenus?
En fait il y a deux types de dossiers pour les demandeurs. Il y a les dossiers qui sollicitent des financements dans le cadre du compte d’affectation pour le soutien à la politique culturelle, donc à Yaoundé à travers la commission des arts et lettres, et des demandes de parrainage ou de patronage à la délégation régionale, ceux là sont servis dans les délais jugés très raisonnables, et d’autres viennent essentiellement pour des questions de coaching, d’orientation et de conseils pour la constitution de leurs dossiers. S’agissant du premier volet, donc de la commission des arts et lettres, je dois avouer que cette commission a connu un certains nombres de turbulences et ceux là n’ont pas beaucoup connus de fortunes positives. Parce que la commission avec ses problèmes n’a pas toujours siégé pour accorder une quelconque aide à ces postulants. Qu’à cela ne tienne, ces dossiers ne sont jamais perdus, sauf ceux qui sont atteints par les délais. Mais depuis bientôt un mois il y a eu un réaménagement de cette commission, à travers la nomination par madame le ministre des nouveaux secrétaires permanents, et je crois que les choses ont repris de plus belle.
Monsieur le délégué à quel niveau le gouvernement situe la culture dans son programme?
Je vous laisse le soin de l’apprécier ! Mais je dois quand même l’avouer, la culture n’est pas toujours entrée dans la zone de captage de nos décideurs économiques qui ont toujours pensé qu’ils devraient plutôt se pencher sur les problèmes de routes, de santé, d’éducation, de défense, et la culture occupe une place assez marginale. Le bien culturel est perçu de nos jours par les populations comme étant principalement marginale ; c’est un bien que l’on se procure lorsqu’on a réglé des problèmes de santé, de déplacement, de logement, de nutrition, c’est à ce moment que l’on peut envisager de s’acheter un ouvrage. Vous comprenez donc la difficulté dans laquelle on navigue ! On est dans un logiciel qui est totalement à refaire. Tous les programmes sont totalement biaisés. Le combat est donc harpe, la tache ardue. Nous ne manquons pas d’opiniâtreté pour nous-y élancer, nous sommes les fantassins de cette culture, nous y croyons et voila pourquoi mon enthousiasme permanent lorsqu’il faut parler de ces questions. L’adversaire de l’administration étant l’administration elle même. Donc c’est ça qui est paradoxale, souvent le plus dure c’est de convaincre nos pères de l’administration. Ils ne sont pas très nombreux à percevoir souvent la justesse de la place de la culture dans une société.
