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Cameroun: Lapiro libéré avant la fin de l’expiration de sa peine

«Enlevé» manu militari de la prison de Douala par le régisseur, il n'a reçu le bulletin de levée d'écrou qu'à…

«Enlevé» manu militari de la prison de Douala par le régisseur, il n’a reçu le bulletin de levée d’écrou qu’à sa résidence à Mbanga

«Gars, je te dis qu’ils m’ont enlevé. J’ai été enlevé de la prison par le régisseur de la prison.» L’air grave, un sourire en coin de temps à autre, Lapiro de Mbanga n’a cessé de répéter cette phrase à son domicile, samedi dernier à ses amis, voisins ou visiteurs venus lui souhaiter la bienvenue, ou à travers son téléphone portable qui ne cessait de sonner. C’est que Lambo Sandjo Pierre Roger, qui a ainsi été libéré de force, ne s’est pas encore remis des circonstances dans lesquelles s’est effectuée ce qu’il considère comme un «enlèvement» en bonne et due forme. Lui qui était censé recouvrer le vent du large le 09 avril 2011.

Il a été surpris ainsi que son épouse, Louisette, présente au moment des faits. «J’étais passée rendre visite à mon mari vers 11h. Nous causions au parloir lorsque le régisseur l’a appelé, lui demandant de venir apposer ses empreintes sur un document», raconte l’épouse. Par la suite, Lapiro a été contraint, par le «cédassé» (le chef service de la discipline) d’aller ramasser ses effets dans sa cellule. «Je ne comprenais rien à ce qui se passait. Ils ne m’ont donné aucune explication. Dans ma cellule, les codétenus ont été surpris. Tout s’est passé très vite, raconte Lapiro. Revenu au parloir, j’ai demandé ce qui se passait. Le régisseur m’a dit que nous allions faire une petite balade. Mon épouse et moi sommes entrés dans sa voiture en compagnie du ‘cédassé’, de son chauffeur et d’un garde prisonnier et nous sommes partis sans que je ne sache où on allait.» L’inquiétude s’empara alors de l’artiste : «Nous étions suivis par un véhicule banalisé, dans lequel se trouvaient des policiers en civil jusqu’au niveau de Nkappa. Je me demandais ce qui se passe, où on allait. J’étais encore plus troublé par la présence de ma femme dans le véhicule. S’il nous arrivait malheur, que deviendraient les enfants ? Toutes ces questions étaient sans réponses, jusqu’au moment où nous sommes arrivés à Mbanga et avons pris la direction de mon domicile.» Une fois sur place, les 4 personnes se sont installées sous le boukarou, dans la cour de la maison. Elles étaient autour d’une table. «C’est alors que le régisseur a signé le bulletin de levée d’écrou. Il a dit à mon épouse : ‘Madame, je vous remets votre mari’. Et ils sont partis. Il était 16h», relate l’ancien bagnard. Au moment de sa libération, l’artiste arborait un tee-shirt de couleur blanche. Il y était écrit, à l’avant : «Ce n’est pas terminé». S’en est suivi un ballet incessant de visiteurs jusque tard dans la nuit.

Sanction préfectorale
Samedi matin. La ville de Mbanga est plutôt calme. L’air est frais. Tout le monde n’est pas informé de la libération de Lapiro. «Il y a un deuil là-bas depuis hier», informe un conducteur de mototaxi au reporter. Quelque 50m après avoir quitté la chaussée, c’est la chefferie du Quartier 12, la résidence de Sa Majesté Lambo Sandjo Pierre Roger. Le drapeau vert-rouge-jaune flotte. Le portail est à moitié ouvert. Ndinga Man est là, assis dans son boukarou en compagnie d’amis. Il est vêtu d’un polo couleur treillis militaire. Il dit avoir été surpris de ce que, 15mn après son arrivée, la première personne à l’avoir appelé fût Grégoire Owona, ministre délégué à la présidence chargé des Relations avec les Assemblées.

Sa première nuit à Mbanga n’aura pas été de tout repos : «Les gars, je vous assure que je n’ai pas dormi de la nuit. Je n’étais pas dans mon monde. Chaque fois que ma femme mettait sa main sur moi, je la repoussais en croyant que c’était mon co-chambrier à la prison.» Autour de lui, Benji Matéké (artiste musicien), Madeleine Affité (société civile), des journalistes, des voisins, amis, des inconnus… A en croire l’artiste, le sous-préfet de Mbanga aurait refusé aux Brasseries du Cameroun d’installer un car-podium pour célébrer son retour. Sur la table, son bulletin de levée d’écrou et sa carte nationale d’identité, perforée par des agrafes. La boisson coule à flots. Les commentaires se poursuivent autour d’un plat de kondrè. Ses enfants ne le quittent pas. Les visiteurs se succèdent. Lapiro raconte des anecdotes. Le rire est la chose la mieux partagée en ces lieux.

Lapiro de Mbanga est libre depuis vendredi 8 avril 2011
quotidienmutations.info)/n