Le financement des films africains par les banques est un véritable parcours du combattant
Après un démarrage quelque peu timide, le Festival international du film mixte (FIFMI) de Ngaoundéré qui a démarré le samedi 16 décembre atteint progressivement sa vitesse de croisière. La matinée du lundi 14 décembre a été ponctuée dans la matinée par un colloque sur le film anthropologique à 10 heures. Le point culminant de cette journée était la table ronde qui s’est tenue en l’après-midi dans les locaux de la communauté urbaine de Ngaoundéré, entre banquiers et professionnels du cinéma avec comme modérateur le journaliste Rémi Atangana.
Pour mieux poser le diagnostic des problèmes dont souffrent le cinéma camerounais en particulier et africain en général, l’un des participants a commencé par présenter la situation au Nigéria qui constitue une exception en la matière en Afrique. Au Nigéria, la production des films a commencé dans les langues locales (Ibo et Yoruba) puis en anglais, ce qui a suscité une grande adhésion chez les consommateurs locaux. Pour ce début, le Nigéria avait comme devise corrigeons les erreurs en avançant, ce qui est tout le contraire dans d’autres pays qui veulent directement la perfection. La réussite du Nigéria dans la production cinématographique vient aussi des médias. Le Nigéria qui, selon les dires de Gérard Essomba Many est un véritable »monstre » en la matière, un pays qui avait 82 chaînes de télévision avant que la France n’ait sa 2e chaine. Assez suffisant pour faire tourner son industrie cinématographique à plein régime. Pour encourager toutes ces initiatives, l’Etat a mis sur pied une Ecole nationale de cinéma avec au départ une formation gratuite des cinéastes. En plus de cette culture cinématographique, on retient que le prix de revient du support d’un film au Nigéria est au niveau du consommateur moyen. Voilà en quelque sorte les raisons du success story nigérian dans le domaine cinématographique. Un exemple que les autres pays gagneraient à copier.
C’est après ce diagnostic que les professionnels du 7e art ont abordé la question du financement proprement dit. Il en ressort que le film est à la fois une denrée culturelle et surtout commerciale. Et comme telle, il doit se vendre. La question de fond était donc celle de savoir si le cinéma africain est bancable ? puisque celui qui veut vendre son projet à un banquier »vent du vent », c’est-à-dire un projet immatériel, il est difficile d’obtenir des financements. C’est la raison pour laquelle les banquiers vont souvent exiger des garanties : un titre foncier, une hypothèque… Mais l’autre question qui revenait était celle de savoir quel est l’interlocuteur qui doit négocier avec la banque ? Ensemble, ils reconnaîtront que c’est au producteur de le faire, puisque c’est lui qui a une vision encyclopédique du projet et non pas les auteurs. Non seulement il a la force communicative, mais aussi la maîtrise et la technique de la chose cinématographique. Au finish, ils reconnaîtront que le financement des films par la banque est un véritable parcours du combattant, car la banque va toujours chercher à limiter ses risques et à diminuer ses financements. Pour l’un des banquiers présents, « le banquier n’entend pas les belles histoires pour un projet qui n’a pas de rentabilité ». Un autre de renchérir, Le banquier n’achète pas le rêve. Nous n’avons pas de passions. Peu importe la personne qui se présente, il faut que le projet soit rentable et qu’il y ait des garanties.
Face à ces obstacles, les participants ont estimé qu’il est nécessaire de se retourner vers les bailleurs de fonds traditionnels du cinéma africain qui sont de trois ordres : D’abord le cinéaste lui-même qui écrira une histoire qui représente une certaine valeur dans le projet qu’il va lui-même monter. Ensuite, il y a l’Etat qui doit s’impliquer par ses démembrements (Ministère de la culture, Communes.) à travers la construction des écoles de cinéma ou par l’octroi des financements. Enfin il y a les sponsors, les mécènes et les organismes internationaux (OIF, CCF, UE.)
Pour conclure sur air d’humour sur comment trouver des financements pour produire un film, le patriarche Gérard Essomba Many a imaginé la fiction suivante : « Imaginez que les cinéastes enlèvent un Samuel Eto’o, Michael Essien ou encore Emmanuel Adebayor à l’approche de la CAN ou de la coupe du monde en exigeant une rançon de 500 millions de Fcfa. Puisque ce sont les seules images qui se vendent actuellement, les gouvernements et même les populations mettront tous les moyens en uvre pour trouver la somme demandée ». Ce n’est peut-être pas une simple fiction, mais un projet très ambitieux.
