Le président de l’Association nationale des producteurs de cacao et du café (Ancc), estime que c’est du bluff, avec l’enclavement actuel des bassins de production du cacao
Pour accélérer la croissance économique nationale, le gouvernement camerounais a ciblé des filières de production prioritaires au rang desquelles la culture du cacao, un des principaux produits d’exportation où une production nationale annuelle de 600.000 tonnes est recherchée à l’ horizon 2020, un objectif difficilement réalisable aux yeux des producteurs.
« L’objectif de 600.000 tonnes, c’est du bluff, parce que rien n’est fait pour qu’on atteigne cet objectif. Lorsqu’on veut relancer une filière, comme celle du cacao au Cameroun, il y a des choses à prendre en compte. Le désenclavement des bassins de production devrait être une priorité », a souligné à Xinhua André Bélébénié, président de l’Association nationale des producteurs de cacao et du café (ANCC).
Sur les dix régions administratives du Cameroun, sept (Centre, Sud,Est, Littoral, Sud-ouest, Ouest et Nord-ouest) s’offrent à la culture du cacao, qui représente 28% de la valeur totale des exportations non pétrolières, 2% du PIB (produit intérieur brut), 6% du PIB primaire et environ 30% du sous-secteur des produits agricoles destinés à l’exportation et à la transformation, d’après les statistiques officielles.
L’accès aux zones de production se fait pour la plupart à travers des pistes rurales en mauvais état, qui accroissent la pénibilité du travail des quelque 400.000 paysans recensés dans cette activité par ailleurs confrontée au vieillissement du verger et de la main d’oeuvre dont l’âge moyen est situé à environ 55 ans, à un moment où le marché vit pourtant une période d’embellie due à des prix attractifs.
Pour Bélébénié, grand producteur du département du Mbam-et- Inoubou,dans le Centre, la mise à disposition des plants de cacaoyer de bonne qualité et à temps est un autre défi à relever, « parce que l’agriculture a un timing. Si on vous donne les plants en fin ou juillet, vous travaillez pour perdre autour de 60% de votre production, étant donné que la chaleur commencera en novembre-décembre ».
Puis il y a aussi « l’accompagnement avec les engrais, les insecticides, les fongicides pour l’entretien de ces plants. Tout cela n’est pas fait. Il y a en outre l’implication des producteurs dans les programmes qui fait défaut : si vous faites des programmes pour les producteurs qui ne sont pas impliqués, je crois qu’on ne peut pas atteindre les objectifs », alerte-t-il encore.
Quatre organismes sous tutelle des ministères du Commerce et de l’Agriculture et du Développement rural sont chargés de la gestion de la filière : la Société de développement du cacao (SODECAO), l’ Office national du cacao et du café (ONCC), le Conseil interprofessionnel du cacao et café (CICC, interprofession) et le Fonds de développement des filières cacao et café (FODECC).
Les budgets respectifs de ces institutions tirent une partie de leurs ressources des prélèvements effectués sur les revenus générés par la commercialisation de ces produits. Lors de la campagne 2013-2014, clôturée par une production établie à 209.905 tonnes, un montant total de 35 milliards de francs CFA (environ 70 millions de dollars) de prélèvements est déclaré.
Sur la base des répartitions, « le FODECC a pris la grande partie,soit autour de 160.000 francs la tonne, le CICC autour de 10.000 francs, l’ONCC environ 15.000 francs, la SODECAO 5.000 francs et la cellule des services du Premier ministre autour 1.000 ou 2.000 francs », informe André Bélébénié qui s’était insurgé contre la mise en place en 2014 de la cellule spéciale de gestion de la filière mixte à la Primature.
Selon l’agriculteur, cette décision inexplicable est le témoignage de la volonté des vautours de l’administration publique camerounaise gangrenée par la corruption de faire main basse sur l’ argent du cacao.Pas grand-chose est fait, martèle-t-il, pour réellement faire redécoller la filière, qui fut par le passé un des fleurons de l’économie nationale.
Il n’en faut pas plus pour déterminer les causes de la publication hasardeuse des statistiques qui ne permettent pas toujours d’obtenir des informations fiables sur le secteur.
« Le problème des statistiques, c’est un autre pan de voile. Ces statistiques sont truquées par ci, par là à cause des intérêts égoïstes de certains. Par exemple, les exportateurs évitent de déclarer les quantités d’exportation réelles pour ne pas payer les taxes conséquentes »,soutient le chef de file des producteurs.
Face au flou artistique, les producteurs, eux, n’ont pas d’autre choix que de se résigner: « On se contente de ce que l’ONCC nous donne. Ils ont dit qu’on était autour de 209.000 tonnes. Mais on ne peut pas, il y a deux ans, être à 250.000 tonnes et revenir à 209.000 tonnes. C’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas quelque part ».
Entre 1.380 et 1.460 francs (2,76 et 2,92 dollars) le prix d’achat officiel du kilo proposé par le programme de système d’information financière du CICC, les producteurs ont malgré tout un motif d’encouragement pour s’accrocher à leur activité qui, pour cette raison, suscite un engouement chez d’autres amoureux du travail de la terre, dont quelques jeunes.
Cinquième producteur mondial derrière la Côte d’Ivoire, le Ghana, l’Indonésie et le Nigeria, le Cameroun mise sur le programme « New Generation » du CICC pour justement attirer davantage de main d’oeuvre jeune, afin de permettre la relève et d’ accélérer le rajeunissement du verger entrepris avec le concours aussi de la SODECAO à travers la mise à disposition du matériel végétal. Mais en ce moment, les caprices du climat se posent comme une autre source de préoccupation.
« Depuis le retour des pluies, il ne pleut pas suffisamment dans les bassins de production. Dans le Mbam-et-Inoubou, il fait très chaud. J’espère que les pluies arriveront et que la production sera meilleure que celle de l’année passée », implore André Bélébénié.

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