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Cameroun: les communes rendent compte de leur gestion financière

Les receveurs municipaux de 150 mairies procèdent à l’élaboration de leurs comptes de gestion. Lesquels seront soumis avant la fin…

Les receveurs municipaux de 150 mairies procèdent à l’élaboration de leurs comptes de gestion. Lesquels seront soumis avant la fin de l’année au contrôle de la chambre des comptes.

Au Cameroun, 150 communes se plient à l’obligation de la reddition des comptes. Rassemblées dans des plateformes mises en place par le ministère des Finances (Minfi) – en partenariat avec le ministère de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel) et l’appui du Programme national de développement participatif (PNDP) – les municipalités élaborent leurs comptes de gestion.

Une centaine de receveurs municipaux et responsables financiers rendent comptent de la gestion des fonds octroyés à leurs mairies pour l’exercice 2018. Il est question pour eux de dresser l’état des recettes (impôt libératoire, impôts locaux, centimes additionnels communaux, revenus des forêts communautaires, etc) et des dépenses (masse salariale, cotisations sociales, impôts, investissements, plan social, formation des cadres, etc) tout en assemblant la somme des pièces justificatives des dépenses enregistrées. Cet exercice auquel ils se sont soumis du 07 au 21 octobre est placé sous le tutorat de représentants du Minfi, de la Chambre des comptes de la Cour suprême et du Minddevel.

«Nous allons rendre notre premier rapport cette année. Nous ne maîtrisions pas comment confectionner le compte de gestion. Ici, on nous a montré ce qu’il fallait faire parce qu’on essayait mais on s’embrouillait un peu. On nous a montré et depuis la semaine dernière, depuis le 07 octobre, on travaille», indique Sorelle Ebendé cadre financier à la commune de Baré-Bakem, dans le Moungo (Littoral)

Cette session arrive à la suite d’une phase pilote menée deux semaines durant, au mois de septembre, au bénéfice de la commune de Yaoundé II. L’opération s’est, dans la même période, étendue à 28 autres communes. Le coaching des mairies est désormais mise en œuvre dans les dix régions du pays. L’année prochaine, une autre vague de communes sera ciblée par cette opération pour atteindre l’ensemble des 360 communes et 14 communautés urbaines que compte le pays.

-Reddition des comptes, la peur dans le ventre ? –

La reddition des comptes est un exercice imposé aux administrations territoriales décentralisées, aux entreprises et établissements publics et à l’Etat lui-même, par la loi camerounaise, notamment le texte de 2018 portant code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques. L’ensemble des états est retransmis à la Chambre des comptes qui rend chaque année son rapport.

«Depuis plus de dix ans aujourd’hui, le Cameroun peine à atteindre 10% de dépôt des comptes de gestion au niveau de la Chambre des comptes. Vous comprenez que dans cette situation il est impossible pour le Cameroun d’avoir, de manière holistique, la situation des comptes de l’Etat. Il est donc difficile de dire de manière claire que voici le budget d’une année particulière, voilà ce qui a été exécuté. Cela est souvent donné en bribes comme ça avec le compte administratif mais vous n’avez pas le compte de gestion», indique Sylvestre Chegue, chef comptable au PNDP.

Sur le sujet, la sonnette d’alarme a été tirée après la publication du rapport de la Chambre des comptes de 2016. L’instance y révèle que seuls 41 comptes avaient été produits par les mairies, soit un compte de gestion pour une municipalité. Une valeur absolue inférieure aux 88 comptes enregistrés en 2014 et 2015 pour un taux cumulé de 7,20% pour les trois exercices.

Le ministre des Finances, Louis Paul Motaze sonne le glas. Le 12 septembre, il a instruit les collectivités territoriales décentralisées d’«internaliser résolument les principes de la bonne gouvernance et de la décentralisation».

L’un des bémols qui entrave cette procédure ô combien importante pour l’amélioration de la gouvernance à l’orée de l’avènement de la fonction publique locale, est la peur de la sanction en cas d’incohérence dans le compte de gestion.

«Lorsque vous décaissez de l’argent à la banque ou à la caisse pour payer une dépense après il faut justifier cela. Si ce n’est pas justifié ou si un mandat n’a pas été signé par le maire, il devient difficile d’aller déposer le compte de gestion. Quand ils le font au niveau de la chambre des comptes et qu’on emploie des termes comme réquisition, ils ont souvent l’impression qu’on veut leur faire des mises en débets et ils fuient», explique Sylvestre Chegue.

Au PNDP, l’on se veut rassurant. «Le ministre des Finances a engagé une opération pour laquelle le PNDP est complètement engagée et la Chambre des comptes y est associée. C’est pour dire qu’il est question d’abord de former, de sensibiliser, d’informer avant de jouer au gendarme et d’apporter la sanctionVous savez après les élections, les maires nous viennent de partout: des anciens fonctionnaires, des anciens militaires… Mais on ne sait pas très bien de quoi il s’agit. On sait seulement que c’est notre tour d’avoir une vie publique. Il faut donc apprendre», explique le coordonnateur national du PNDP, Marie Madeleine Nga.

Sur les différents sites de la plateforme-Edea, Ebolowa, Sangmelima, Ngaoundéré, Maroua, etc- des représentants de la Chambre des comptes sont déployés pour rassurer. «Notre rôle est de répondre aux questions des receveurs municipaux quant aux difficultés qu’ils rencontrent afin qu’ils puissent apporter des corrections à leur travail. Je discute beaucoup avec les équipes sur place et là elles sont plus confiantes dans leur travail», souligne Soukiwaï Bigada, auditeur stagiaire mobilisé pour la circonstance à Ebolowa.

Des résultats encourageants

Cent-vingt communes sont déjà en règle. Ce nombre remplit presque l’objectif de 150 mairies-cibles qu’a fixé le Minfi pour cette première expérience de coaching. Laquelle met un terme au long processus de renforcement des capacités des municipalités débuté en 2012 avec l’octroi du progiciel comptable dénommé Sim_Ba. Don de l’Association internationale des maires francophones (AIMF). L’utilisation de cette technologie est adossée à une formation et une assistance technique de tous les acteurs de la chaîne budgétaire et comptable des communes. Ce, au gré des mouvements des personnels.

Sim_Ba est fourni aux mairies en même temps que des équipements informatiques adéquats. Sa configuration favorise un enregistrement automatique des informations telles que les dates de prise en charge des mandats et des titres, les dates de payement et de recouvrement, les recettes ou dépenses encaissées ou payées avant émission de titres ou de mandats, reste à payer ou à recouvrer, entre autres

Mais encore: «Ce logiciel permet au donneur d’ordres qui est le maire de savoir quelle est la situation de la trésorerie, quelle est la situation des dettes, à partir de son bureau. Il n’y a plus vraiment de nébuleuses entre le donneur d’ordres et le comptable public qui est le receveur municipal», souligne Marie Madeleine Nga.

Une fois achevée l’élaboration des comptes de gestion, ceux-ci seront transmis à la préfecture qui se chargera, après validation de les transférer à la Chambre des comptes avant la fin de l’année. L’instance judiciaire aura soin de mener sa mission de contrôle. Il s’ensuit alors un rapport dont des copies sont fournies aux présidents du Senat et de l’Assemblée nationale ainsi qu’au chef de l’Etat.