La corporation entend protester contre l’arrestation programmée de 15 de ses membres suite aux incidents du 10 novembre dernier dans une salle d’audience de Douala
Dès le 30 novembre, et ce jusqu’au 4 décembre 2020, le port de la robe noire pour les avocats du Cameroun est suspendu, prescrit le Conseil de l’Ordre des avocats du Cameroun, que préside Me Claire Atangana Bikouna (bâtonnier par intérim), dans une résolution prise samedi 21 novembre.
Sont également suspendues, mais là « jusqu’à nouvel avis », toutes les « interventions devant les juridictions statuant en matière criminelle [affaires pénales, NDLR] à tous les degrés et juridiction y compris la Cour suprême et le Tribunal criminel spécial et les juridictions statuant en matière de contentieux électoral, y compris le Conseil constitutionnel »; le Cameroun préparant ses premières élections régionales le 06 décembre et la campagne de ces dernières ayant été lancée samedi 21 novembre pour s’achever dans deux semaines.
De plus, les avocats renoncent aux hommages judiciaires initialement prévus à la Cour d’appel et à la Cour suprême du Cameroun pour l’ancien Bâtonnier Charles Tchakoute Patie.
Toutes ces résolutions ont été adoptées au terme de la session extraordinaire du Conseil de l’Ordre tenue le 21 novembre à Yaoundé. Session convoquée par Claire Atangana Bikouna, Bâtonnière par intérim.
Les avocats entendent ainsi protester ce qu’ils appellent « une persécution programmée des avocats transformés en délinquants ».
En effet, la colère des avocats fait suite aux incidents du 10 novembre 2020 au Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, au cours desquels les avocats ont été gazés par la police entrée dans la salle d’audience, alors qu’ils s’opposaient à la mise en détention de deux d’entre eux.
Après ces incidents, le procureur de la République près ledit tribunal a « instruit l’interpellation d’un total de 15 avocats, tantôt comme victimes, tantôt comme témoin de la barbarie du 10 novembre », s’offusque l’Ordre.
Deux d’entre eux ont déjà été arrêtés. Il s’agit de Richard Tristel Tamfu Ngarka et de Armel Tchuenmegne Kenmegne ; interpelés « sans convocation préalable ni mandat, appréhendés à l’avantage de guet-apens tendu par les éléments de la Division régionale de la police judiciaire du Littoral ». Les deux avocats exerçant à Douala ont été interpellés par la police judiciaire du Littoral mercredi 18 novembre, gardés à vue pendant deux jours puis placés sous mandat de détention provisoire à la prison de New-Bell avant leur première audience prévue le 23 novembre au TPI de Douala-Bonanjo. Ils ont été interpellés pour “outrage à magistrat, destruction et commentaires tendancieux sur une affaire en cours”, entre autres.
L’Ordre des avocats estime qu’il s’agit là d’un “programme de persécution des avocats par l’utilisation des moyens de l’appareil judiciaire et certains magistrats ouvertement déterminés, étape suprême succédant à la précédente qui aura consisté à les mépriser et à compliquer leur exercice professionnel à tous les stades, quoiqu’auxiliaires de justice”.
Le 10 novembre à Douala, des éléments du Groupement mobile d’intervention (GMI) et des gendarmes avaient usé de matraques et bombes lacrymogènes en salle d’audience pour disperser des avocats qui ne voulaient pas permettre le retour de deux de leurs confrères à la prison de New-Bell. Les deux avocats étaient poursuivis pour des faits présumés d’escroquerie et d’outrage à magistrat. Le Conseil de l’Ordre des avocats avait qualifié l’incident de “cas sans précédent”.
C’est la deuxième fois cette année, après mars dernier, que les avocats engagent un mouvement d’humeur dans les tribunaux pour protester contre les entraves du régime à leur profession.