Par Yves Ayong
Il y a un temps pour tout. Celui de l’émotion n’est pas encore passé, tant il est difficile à la communauté camerounaise, nationale et diasporique, de faire le deuil de Monique Koumatéké, morte dans un hôpital de Douala en essayant de donner la vie. Cette femme est finalement une partie de nous-mêmes, une réplique de nos tourments et turpitudes, le miroir de l’état actuel de notre société.
Son martyre a fait remonter de nos mémoires enfouies le souvenir de ces morts tragiques de notre enfance, aux aurores de l’indépendance. Ou ces malades que l’on portait à dos d’homme pour une hypothétique destination, impuissants, résignés: qui ne se souvient d’une tante, d’un voisin, victimes des balbutiements de notre système de santé? Il y a donc une grande part de nous-même sous ce linceul. Avec lui, la peur d’une régression, d’un retour vers le passé. Néanmoins, le temps du ressaisissement est venu.
La terreur suscitée en nous par ce fait divers épouvantable nous enjoint de penser et d’agir sans attendre. Nous devons trouver la force de proposer quelques considérations réflexives sur la société camerounaise tenaillée par l’urgence de retrouver des repères. Nous devons également esquisser des perspectives pour notre jeunesse, donner un sens aux politiques publiques pour qu’elles prennent mieux en compte l’humain. Aider à recentrer le service public pour que chaque Camerounais soit l’objet de sa bienveillante attention.
En effet, il est grand temps que nous discutions de ces réformes nombreuses et indispensables susceptibles de changer la vie de nos concitoyens. Nous devons imaginer une société en cohérence avec nos ambitions et éviter de voir nos politiques, notre développement, se heurter sans cesse aux murs de nos impréparations et aux nombreuses faiblesses structurelles et autres résistances culturelles.
Avant d’envisager l’émergence, l’emploi, le pouvoir d’achat, la santé, l’éducation et, donc le progrès, notre nation doit disposer d’un Etat réformiste et se doter d’institutions pour une démocratie participative en adéquation avec les attentes de notre Jeunesse en quête d’espérance.
Il n’y aura point d’émergence sans cette redéfinition de notre identité et de notre organisation sociétale. Chacun devra se redéfinir pour sortir du jeu carriériste et des postures qui constituent trop souvent l’essentiel du socle de nos ambitions. L’opportunisme ne peut devenir une culture en soi et le principal moteur d’un pays. Le Cameroun doit continuer à se forger avec encore plus d’exigence, avec tous ses enfants, de l’intérieur comme de l’extérieur, pour notre destin commun. Cette refondation citoyenne sera notre réussite. Une exigence pour laquelle il faudra désormais travailler, s’organiser, construire.
Rien de tout cela ne sera possible sans une prise de conscience. Rien ne sera possible sans un diagnostic rigoureux de ce qui ne marche pas afin d’y proposer des solutions. Plusieurs de nos institutions sont obsolètes, à l’instar de la Société nationale d’investissement (SNI); Le Conseil économique et social devra être rajeuni et réorganisé pour prendre enfin en compte la société civile et les différents acteurs économiques dans la mise en oeuvre de nos politiques économiques et sociales. Comme beaucoup d’autres, ces institutions ne trouvent plus leur place et nous devons repenser notre organisation systémique de façon à intégrer nos nouvelles dynamiques pour une meilleure prise de décisions.
Notre fiscalité – et cela concerne plusieurs domaines d’activités – doit dorénavant privilégier les taxations en amont afin de valoriser les volumes et évoluer vers un impôt sur les sociétés à taux zéro, parade idéale contre le dumping fiscal et les spéculations.
Le retour à la conscription militaire serait une solution pour redonner corps à la solidarité nationale et à l’émergence d’un nouvel esprit civique pour notre jeunesse, tout en constituant une réserve de proximité utile pour faire face aux nouvelles menaces pesant sur notre pays et sa région.
Pour cette jeunesse, il faut envisager la gratuité des frais universitaires et la création d’un crédit formation qui devrait s’appliquer à chaque stade du passage dans la vie professionnelle ainsi qu’un chèque emploi formation pour chaque chômeur et ce en accord avec les filières et entreprises réparties sur le territoire.
La mise en place de ces réformes doit être appuyée par une nouvelle vision de la décentralisation. Dans le même élan, l’idée de mettre en place des exécutifs territoriaux, véritable relai de l’exécutif, doit être envisagée. Toutes ces idées sont des propositions ouvertes afin de susciter un débat programmatique si souvent absent. Nous le devons à Madame Koumate. Que son trépas sonne le réveil du peuple camerounais.
