Par Enoh Meyomesse, Historien
La promulgation tout récemment de la loi contre le terrorisme adoptée sans débat par l’Assemblée nationale, constitue un recul démocratique scandaleux qu’il revient à tout Camerounais épris de liberté et de démocratie de condamner sans hésitation aucune. Les dénégations du pouvoir sur son caractère rétrograde ne lui feront pas changer de nature. Cette loi vient insidieusement abolir tous les gains colossaux obtenus par les Camerounais en matière de liberté depuis les villes mortes en 1991.
Um Nyobè, Moumié, mais aussi Mandela étaient des terroristes.
Le problème avec cette loi c’est la définition de qui est terroriste ou pas, de ce qui est terroriste et de ce qui ne l’est pas, et, tout naturellement, l’assimilation de la contestation politique au terrorisme. Nous avons ainsi renoué, au Cameroun, avec un vocable qui avait déjà disparu depuis longtemps de nos oreilles, à savoir l’accusation de terrorisme. Souvenons-nous que tous ceux de nos parents et grands-parents qui ont, tout au long de la décennie 1950, héroïquement réclamé l’indépendance dont ont joui par la suite d’innombrables personnes qui n’en voulaient pas du tout, avaient été taxés de terroristes. Um Nyobè, a été le terroriste numéro 1 du Cameroun, aux yeux de l’administration coloniale, d’abord, et ensuite du gouvernement Mbida, puis Ahidjo.
Puis, ce fut Moumié Félix qui avait été gratifié de cette appellation infâmante, etc. Toute une législation avait été élaborée contre eux. Cette législation, en fait, visait à consolider le régime d’Ahidjo fortement contesté par la population, et lui a permis d’instaurer une tyrannie au Cameroun. Les jeunes générations de Camerounais ne le savent plus aujourd’hui, mais, c’est par le recours à ce terme, « terrorisme », que le Cameroun était devenu une vaste prison à ciel ouvert dont Ahmadou Ahidjo détenait arrogamment la clé. Voilà que ce terme refait son apparition aujourd’hui : danger !!!!! Danger d’autant qu’il ressurgit opportunément, avons-nous envie de dire, au lendemain du renversement de Compaoré au Burkina, et de la mise en gEnoharde sans équivoque de François Hollande à Dakar, aux dirigeants africains désireux de s’éterniser au pouvoir.
Flux et reflux: la construction de la démocratie
Mais, que les Camerounais ne s’en alarment pas outre mesure, telle est le cheminement classique de la démocratie lorsque l’on s’attèle à l’instaurer dans un pays. Ceux qui y sont opposés exploitent toujours systématiquement les moindres événements nationaux comme internationaux pour la mettre en difficultés. L’histoire de France, d’Italie, d’Allemagne, d’Espagne, du Portugal, etc., etc., etc., est édifiante sur ce plan. La démocratie ne s’y est définitivement implantée qu’à l’issue de très longues et terribles luttes. Le Cameroun, notre pays, n’y dérogera pas.
