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Cameroun: un Etat-volcan qui couve un peuple qui sommeille

Par Éric Essono Tsimi Sur le site du gouvernement camerounais, Amadou Ali est toujours présenté comme le "Garde des Sceaux…

Par Éric Essono Tsimi

Sur le site du gouvernement camerounais, Amadou Ali est toujours présenté comme le « Garde des Sceaux du Cameroun ». Laurent Esso aussi. Cette confusion, cet amateurisme se greffent à cette autre aberration: sur la cinquantaine de ministres que compte le gouvernement de Philemon Yang, 20% au moins échappent à son autorité, même formelle.

La présidence de la République à elle seule y a une dizaine de ministres: Edgar Alain Mebe Ngo, Eyebé Ayissi, Ferdinand Ngoh Ngoh, Agbor Tabi, Belinga Eboutou, Fouda Magloire Seraphin, Atanga Nji Paul, Mengot Victor Arrey Nkongho, Philippe Mbarga Mboa, Joseph Le, sont des collaborateurs directs du chef de l’Etat. Au plus haut niveau cette confusion de rôles, c’est du parasitisme d’Etat. La Constitution est bafouée parce que le rôle du Premier ministre est ignoré, jusque dans son « immeuble Etoile », où il est doublé et c’est son Secrétaire général qui est réputé détenir la réalité de ce qu’il reste de cette fonction constitutionnelle.

L’exécutif est monocéphale, le « gouvernement » n’est qu’une antichambre de l’administration où l’on est protégé de la retraite. Voici six ou peut-être sept autres non-sens qui ne sont possibles qu’au Cameroun, pays extra-terrestre.

1) Un ministre d’État qui est ministre « des Loisirs » (sic): quand vacancier devient un métier honorifique et subventionné, Bello Bouba Maigari, chapeau bas!

2) Un ministre de l’éducation qui est mis en prison, pendant sa fonction, pour des faits de corruption puis relâché mais ne remet pas sa démission alors qu’il est toujours poursuivi par la justice.

3) Une bande ethno-organisée de ministres notoirement incompétents ou plagiaires provoque une crise institutionnelle. Ils se permettent de s’exprimer sur un sujet aussi grave que Boko Haram, au mépris de la sécurité collective, en accusant implicitement d’autres membres du Gouvernement auquel ils appartiennent. Obligeant, par leur démarche, le président de l’Assemblée nationale à s’expliquer et à défendre les ressortissants de sa région.

4) Un ministère du travail et à côté un ministère de l’emploi, dans un Gouvernement où aucune coordination n’existe, où ne se tiennent jamais des conseils de ministres: n’est-ce pas tout faire pour que ceux qui n’ont pas d’emploi ne trouvent jamais du travail?

5) Un Gouvernement où un ministre des finances est accusé à tort ou à raison par tout son département d’origine d’avoir cavalièrement trusté toutes les terres de la Lékié est promu ministre de l’agriculture: comme pour l’aider à mieux valoriser ses acquisitions

6) Un Gouvernement où un ministre de la santé est si détesté par ses frères du village, les Yaoundé, mais maintenu des années et des années dans un département aussi sinistré, qu’il peut se permettre de dire : « tant que Biya respire, je vis ».

7) Avez-vous remarqué que tout le monde y a un nom et un prénom ou en tout cas est désigné par deux noms sauf monsieur TAIGA. Qui est désigné Dr Taiga, comme s’il était le seul docteur du gouvernement. S’il ne l’est pas, pourquoi n’a-t-on pas mis les titres des autres « Dr »? Était-ce pour nous dire que le gouvernement a embauché un vétérinaire pour soigner notre bétail?

Pendant ce temps, tous ses anciens ministres comptent les heures et les jours qui les séparent de leur come-back, ils sont dans les palmeraies, au milieu de leur cheptel, attendant le prochain remaniement ministériel, faisant le décompte de leurs nouveaux ennemis, mijotant leur future revanche… Tous espèrent toujours revenir et l’histoire leur donne généralement raison. C’est pourquoi il ne faut pas chercher des anciens ministres camerounais dans les hautes sphères de la fonction publique internationale.

Une succession à hauts risques
Plus son terme s’approchera, plus Paul Biya fera appel aux compagnons de la première heure, aux vieux méchants, aux Martin Mbarga Nguele (Chef de la Police à 82 ans!). Que les « wannabe », les jeunes loups, ceux qui attendent leur tour depuis 15 ans s’en prennent à eux-mêmes de pas oser.

Dans l’architecture de la transition, les clés de la succession auraient été remises à:

– Martin Belinga Eboutou, nouveau vice-dieu, faiseur de rois émasculés (le Secrétaire général de la Présidence de la République c’est la créature du directeur du cabinet civil. Et il faut remonter à leur passage à New York, en 2006, pour comprendre la filiation) ,

– Edgar Alain Mebe Ngo, tombeur de ceux qu’on croyait intouchables dans les baronnies de Yaoundé, il est derrière les prises les plus fameuses d’éperviers. La France lui a pourtant fait un clin d’ il amical, en publiant dans le journal Le Monde ses connexions mafieuses.

– Louis Paul Motazé, premier ministre bis, auquel la clameur publique prête des pouvoirs sans doute exagérés.

– Jacques Fame Ndongo qui a réussi à faire croire à sa totale dévotion politique et dont il est pourtant impossible d’ignorer le double « je » et la réelle indépendance intellectuelle.

Tous fils de cultivateurs, ils valent surtout par leur art de la man uvre. Gardiens du temple, ce sont des cerbères de paille qui ont selon les usages de la Cour versé dans des compromissions initiatiques, ils déconsidèrent les intellectuels et ne parlent qu’avec morgue du peuple. Montrer patte blanche, dans les cercles de pouvoir du Cameroun, c’est tenir bien en évidence ses mains maculées de sang et d’argent sale.

Contrairement à leur créateur Biya, plutôt discret et assez fin dictateur, ce sont des jouisseurs égocentriques qui affichent en permanence leurs richesses et nous piétinent de leur arrogance. Tous sont issus du Sud, mais se détestent sans merci. Ce qui nous manquera le moins après Biya, ce sera bien sûr les cheveux et les discours de madame, mais beaucoup moins ces gens-là que je voudrais voir nus.


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