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Cameroun : un greffier détourne 243 millions de F d’émoluments à Bertoua

Marc Félicien Medjous Mpande, l’ancien chef du Greffe du TPI de Bertoua est poursuivi par le TCS pour des irrégularités…

un greffier détourne 243 millions

Marc Félicien Medjous Mpande, l’ancien chef du Greffe du TPI de Bertoua est poursuivi par le TCS pour des irrégularités présumées dans l’administration des émoluments de la juridiction dont il avait la charge. Cette affaire a été initiée par un collectif de greffiers.

L’enquête est menée par Kalara. Avec ses balais de 70 ans sur le dos, Marc Félicien Medjous Mpande est loin de profiter d’une retraite paisible. L’ancien greffier est en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé depuis près de deux ans.

Le procureur de la République et l’Etat du Cameroun lui reprochent de prétendues irrégularités financières et comptables découvertes dans sa gestion alors qu’il exerçait les fonctions de Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance (TPI) de Bertoua, du ressort de la Cour d’Appel de l’Est Il lui est reproché d’avoir versé 9 exemplaires d’émoluments totalisant 243,2 millions de francs en empochant si souvent les fonds collectés auprès du trésor public. Les charges retenues contre lui remontent aux années 1990.

Pour pousser M. Medjous Mpande, le parquet a convoqué le 10 novembre deux de ses anciens collègues devant le Tribunal pénal spécial (TCS). Il s’agit de Jacques Mekok, ancien greffier en chef du TGI de Lom en Djerem et de M. Moalonde Moabnde, ancien chef de la division criminelle du TPI de Bertoua. Lors de son témoignage, M. Mekok a répété à plusieurs reprises qu’il était l’une des victimes des faits dénoncés.

Nommé greffier en chef du TGI dans le département du Lom et Djerem en 1990, M. Medjous Mpande a été promu trois ans plus tard à des postes similaires au TPI de Bertoua. Il précise que les émoluments sont une sorte de prime de performance partagée par le personnel employé par les tribunaux : magistrats, greffiers et personnel d’appui, selon un pourcentage déterminé par les textes.

Tensions de trésorerie

Après avoir entendu ces éclaircissements, M. Mekok, sans rappeler la date, affirme avoir remis à l’accusé une déclaration de rémunération de sa juridiction s’élevant à 5,3 millions de francs car il a eu des difficultés à se faire payer en raison de «tensions de trésorerie» dans les perceptions financières de Bertoua.

 « J’ai autorisé M. Medjous Mpande à percevoir mes émoluments pour que je puisse faire la distribution B au chef de bureau », explique-t’il. En effet, M. Medjous a dit qu’il entretenait des relations parfaites avec certains responsables d’institutions financières. Par exemple, ils se sont d’abord rendu tous les deux à la direction financière de Limbe.

« Il est venu dans le bureau du trésorier avec ses déclarations et mon statut. Cela leur a pris trois heures. Je suis resté dans la salle d’attente. Il m’a dit en sortant que le trésorier ne payait pas parce qu’il n’y avait pas assez d’argent », confie M. Mekok et précise qu’après cette étape les prétendus émoluments ont été introduits au comptable de l’Université de Yaoundé I puis à la sous-préfecture de Dimako.

Sans succès. En tout état de cause, M. Medjous Mpande l’a informé lorsqu’il n’a pas pu obtenir les paiements demandés. Selon l’explication de M. Mekok, c’est l’administrateur en chef qui « prépare » les bulletins de paie qu’il remet au procureur général de la juridiction dans laquelle il est en poste.

Celui-ci enregistre alors la réclamation demandant au président de la juridiction de signer un arrêté autorisant le paiement de cet état. Après ces démarches, le document passe par l’administration fiscale pour la perception des impôts. Une fois les taxes perçues, le relevé « vu bon à payer » sera appliqué au relevé de paiement. Un récépissé est alors délivré au greffier en chef sur la base duquel il peut se faire payer dans n’importe quel service du Trésor.

Mekok dit qu’il n’a plus jamais révisé ses émoluments. Une situation qui lui a causé des dégâts considérables. En effet, le ministre de la Justice, au courant de l’affaire, lui avait adressé une« lettre de mise en demeure »lui demandant de payer les émoluments de sa juridiction dans les huit jours suivant la notification.

« Je me suis endetté. J’ai payé cet argent sur la base du rapport préparé par le procureur qui a informé la chancellerie de son accord », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il avait ensuite été licencié. M. Mekok, qui soutient fermement que son ex-collègue l’a trompé, a rejoint le collectif des greffiers qui a porté plainte contre M. Medjous.

Gestion opaque

« Pouvez-vous apporter la preuve de l’effectivité du versement de ces émoluments ? », demande l’avocat de l’accusé. « Je ne peux pas. Lors de l’instruction de l’affaire au TGI de Lom et Djerem, M. Medjous Mpande a fait un aveu renversant dans lequel il a évoqué le processus de paiement par décolleté. Il a cité les noms des médiateurs avec lesquels il avait eu affaire avait », a répondu le défendeur.

Moalonde Moalonde, le deuxième témoin, qui dit avoir fait toute sa carrière comme fonctionnaire au greffe du TPI à Bertoua de 1978 à 1997, explique que la gestion des émoluments par l’accusé n’a pas été transparente. Ce dernier a refusé de leur fournir les registres sur la base desquels il avait calculé ladite prime.

Une attitude qui a mis le feu aux poudres. « Nous avons fait monter la pression d’un cran en saisissant le ministre de la Justice, qui a envoyé une équipe de vérification pour faire la lumière. Lors des contrôles, M. Medjous est entré dans l’espace aérien », a-t-il déclaré. « Comment savez-vous que M. Medjous a perçu les émoluments ? », demande le ministère public.

 Le témoin explique qu’en assignant l’accusé au tribunal, il a trouvé deux relevés d’émoluments en attente de paiement préparés par son prédécesseur. C’est ce dernier qui leur révéla que l’accusé lui avait envoyé 150 000 francs. «Je continuerai à exiger le paiement de mon quota », a-t-il déclaré.

Selon des témoins, ce dossier a déjà fait l’objet d’une information judiciaire devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Lom et Djerem puis devant la Cour d’appel de l’Est, à la suite d’une mise en examen d’un «collectif de greffiers» qui a accusé De M. Medjous Mpande «d’abus de confiance aggravé » sur les émoluments litigieux.