Par Michel Lobé Etamé, journaliste
Il y a en Europe des clivages qui s’inscrivent dans une logique sociétale: c’est le cas des migrants qui envahissent l’Europe. Les avis sont partagés. Les pays des Balkans qui ignoraient jusqu’ici l’existence d’un autre monde se trouvent aussi malgré eux, confrontés à la mondialisation. Celle-ci se traduit par de nouveaux réfugiés. Nous pouvons comprendre leur réticence, leur étonnement, leur peur et leur désarroi face à un flux humain que rien ne laissait présager.
Le monde bouge. Pour quelques-uns, il devient un cauchemar. Pour d’autres, ceux qui vivent dans la paix et la sécurité, les guerres sont lointaines, hors de leurs frontières. Elles troublent plus ou moins leur conscience.
Les enjeux politiques sont pourtant de taille. Ils vont dessiner un nouveau monde. La perception de ce nouveau monde échappe au citoyen ordinaire. Il sera l’ uvre des décideurs d’aujourd’hui. Ne soyons pas surpris de voir aux portes de l’Europe des groupuscules dangereux et prêts à tout. Ils s’appellent Al Qaida, Etat Islamique, Daesh, Aqmai, Talibans, Shebabs.
Les horreurs rapportées de ces «contrées lointaines» et si proches à la fois sont insupportables. Il n’est pas loin ce temps où la guerre a jeté dans les rues des enfants, des femmes et des hommes en Europe. Les plaies ne sont toujours pas cicatrisées et les images sont fréquentes sur nos écrans de télévision pour nous rappeler que le mal peut encore sévir.
L’homme est capable de toutes les monstruosités. Nous savons aussi qu’il a la mémoire courte et sélective. Mais, des questions se posent: pourquoi ces guerres? Pourtant l’Occident fait preuve ici d’une solidarité sans faille: il faut éradiquer les extrémistes musulmans. Un monstre sans queue ni tête dont l’objectif premier est la destruction de la civilisation judéo-chrétienne.
Voilà un argument qui a du poids et qui mobilise. Nous comprenons en conséquence la détermination des américains à user de leur artillerie lourde pour venir à bout de ce diable. A ses côtés, les européens ne se font pas prier. Ils s’investissent. L’ennemi est commun.
Nous refusons d’admettre que les monstres qui sont à nos portes sont nés de l’intervention américaine en Irak. Cette guerre injuste est à l’origine des foyers brûlants qu’il nous sera difficile d’éteindre.
Il s’impose à nous un examen de conscience. Nous ne pouvons imposer au reste du monde notre culture. Et si c’est le cas, il faut le faire par étape. Les changements de sociétés se font avec le temps, avec une pédagogie où le respect des autres civilisations doit être la règle essentielle. La force n’y peut rien.
Les armes n’auront pas raison des peuples. L’histoire le montre bien. Les japonais ont échoué en Chine et en Corée. Les américains surarmés n’ont pas eu raison des vietnamiens. Ces enseignements n’ont pas éclairé les dirigeants actuels convaincus que la puissance militaire peut mettre à genou des idéologues fous. Ils se trompent.
En attendant que les robots meurtriers entrent en scène, les drones planent sur les têtes et tuent sans distinction de sexe ni d’âge.
Le monde est fou! Toutes les guerres déclenchées à travers le monde n’enrichissent pas les états. Elles servent les intérêts particuliers. Le chômage et la pauvreté vont continuer à précariser le monde. Où est donc ce monde meilleur que les politiques à la gâchette facile nous promettent?
Les solutions ne sont ni militaires, ni politiques comme le conçoit l’Occident. La solution est économique. Il faut sédentariser les populations, éradiquer la faim et favoriser l’émergence d’une culture démocratique. Dans un monde où la croissance est anémique, les armes montrent leur limite. Seul un développement structurel et non conjoncturel dans les pays pauvres ou en guerre mettra fin à l’exode des populations.
La photo d’un enfant gisant sur une plage en Turquie a-t-elle réveillé les consciences? Nous pouvons en douter. La guerre du Vietnam a livré les mêmes images où les bombes au napalm ont jeté dans la rue des enfants. Au Soudan, nous avons vu les images d’un enfant affine et agonisant sous le regard d’un rapace qui attendait sa pitance. Longtemps, nous avons cru que le monde civilisé prendra conscience de l’ampleur et de l’inutilité de la guerre. Il n’en est rien.
L’histoire ne nous a rien appris. Les nouvelles images largement diffusées en Méditerranée vont troubler nos consciences l’espace d’un jour. Et la guerre repartira. Comme d’habitude!
Demain, d’autres foyers de guerre vont s’ouvrir. La fatalité n’existe pas. Nous la provoquons pour l’égoïsme d’une poignée de financiers qui agissent à la place des politiciens corrompus et sans charisme.
