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Cameroun/coronavirus: à cause de la stigmatisation, la maladie a pris un “envol communautaire” (Minsanté)

Rumeurs, craintes de réactions de l’entourage, “communication négative” des réseaux sociaux, entre autres facteurs listés par le ministère de la…

Rumeurs, craintes de réactions de l’entourage, “communication négative” des réseaux sociaux, entre autres facteurs listés par le ministère de la Santé publique pour expliquer la courbe ascendante des cas de contaminations au Cameroun

 

La stigmatisation des personnes atteintes de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) au Cameroun a provoqué un “envol communautaire” des cas d’infection, affirme Yvonne Guemeni, chef du service Education pour la santé au ministère de la Santé publique.

Le premier cas officiel de coronavirus au Cameroun a été notifié le 06 mars. Actuellement, toutes les 10 régions sont touchées. Au 18 juin dernier, les données officielles faisaient état de 10 638 cas d’infection pour 7548 guéris et 282 décès. A la même date, 1052 personnes étaient “prises en charge cliniquement”, dont 37 femmes enceintes.

“La stigmatisation a été un élément porteur de l’apparition de la phase communautaire de la maladie parce que beaucoup de personnes qui ont été diagnostiquées positives, pour des raisons de refus de leur statut mais aussi de la stigmatisation de leurs proches, ont refusé de se retrouver dans les centres de prise en charge et sont donc rentrées en communautés avec la maladie. Pour éviter d’être rejetées par la population, elles ont adopté de se fermer sur eux et de cacher leur statut, causant ainsi la propagation de la maladie”, confie Yvonne Guemeni à JournalduCameroun.com.

« Quand tu sors de l’hôpital, je te remets ton argent de location et tu déménages ».

Les nombreux cas de stigmatisation ont amené le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, a conseillé à ses collaborateurs de communiquer moins sur les statistiques mais plus sur les mesures de prévention et oeuvrer pour la “destabilisation” des rumeurs communautaires. Ces rumeurs, du point de vue du Minsanté, ont été particulièrement alimentées par la “communication négative des réseaux sociaux”; au point où, jusqu’à ce jour, les gens refuseraient de faire les tests rapides pourtant gratuits et possibles dans de nombreux sites à travers les différentes régions.

“Beaucoup de personnes préfèrent ne pas le faire [faire et divulguer les tests] parce que beaucoup de personnes autour d’elles vont savoir qu’elles sont en isolement pour la prise en charge du coronavirus. Le regard après la maladie pourra changer ou bien avant […] Nous avons le cas de gens qui ont été diagnostiqués positifs et que même le bailleur où il vivait, dans un camp, a appelé pour lui dire : quand tu sors de l’hôpital, je te remets ton argent de location et tu déménages. Ce qui fait que dans ce type de situations, la personne, pour préserver sa relation sociale et la sociabilisation, est obligée de cacher son statut. En cachant son statut donc elle expose forcément tout le monde autour de lui”, déplore Mme Guemeni.

“Ce n’est pas une maladie honteuse. Nous voulons déconstruire cette stigmatisation. Nous voulons amener les populations à comprendre que c’est une maladie comme toutes les autres, qui peut être traitée. De nombreuses personnes guérissent quand elles sont bien prises en charge. Nous invitons ainsi les personnes qui ont les signes et symptômes du Covid-19 à aller se faire dépister, si elles sont positives elles seront prises en charge conformément au protocole mis sur pied”, rassure-t-elle.

“La confidentialité est une obligation ». Yvonne Guemeni, chef service Education au Minsanté.

Pour la responsable, l’alimentation des rumeurs et la désinformation sur les actions de lutte contre le Covid-19, par des “résistants actifs et passifs”, représentent des “risques de propagation de la maladie”.

Les médias auraient ainsi un rôle important à jouer pour une bonne sensibilisation de la population, tout en respectant la dignité, les droits humains et le secret médical. 

“La confidentialité est une obligation, sauf autorisation du concerné”, plaide-t-elle. 

Des conseils adressés aux professionnels des médias, mais qui iraient aussi bien au personnel médical, souvent au cœur même de la stigmatisation.

Yvonne Guemeni a présenté, ce 22 juin à Douala, un exposé sur la question de la stigmatisation, à un atelier de deux jours organisé à l’intention des journalistes des régions du Littoral, Centre, Sud et Ouest pour les doter de compétences en matière de droits de l’Homme dans la couverture de l’actualité autour du coronavirus. L’atelier est organisé par le ministère de la Communication (Mincom), l’Unicef, Onu Femmes et le Centre pour les droits de l’Homme et la démocratie en Afrique centrale.