L’instance internationale a pour sa première condamnation reconnue un Congolais coupable de crimes lors d’un conflit civil
La Cour pénale internationale (CPI) de La Haye a rendu le premier verdict de son histoire en déclarant, mercredi 14 mars, le chef de guerre Thomas Lubanga Dyilo coupable de crimes de guerre en République démocratique du Congo (RDC). Lubanga, 51 ans, était poursuivi pour avoir enrôlé des enfants-soldats lors du conflit dans l’ex-Zaïre, qui a duré cinq ans et s’est terminé en 2003. La chambre conclut que l’accusation a prouvé au-delà du doute raisonnable que M. Thomas Lubanga Dyilo est coupable d’avoir recruté et enrôlé des enfants de moins de 15 ans, a déclaré le juge Adrian Fulford. Toujours selon la décision, Lubanga a joué un rôle clé dans l’enrôlement de petites filles et de garçons de moins de 15 ans. Les trois juges de la CPI chargés du procès ont fait savoir que les enfants avaient été conduits de force dans des camps de la région d’Ituri, où ils avaient été soumis à de très durs entraînements tout en subissant des violences. C’est un premier aboutissement pour ce long procès à rebondissement. Les avocats de l’accusé avaient une fois mis au grand jour, preuves à l’appui, l’existence de «faux témoignages» dans le dossier de l’accusation. Le procureur a utilisé des intermédiaires sur le terrain pour conduire ses enquêtes. Pour des motivations financières et parfois politiques, ils ont corrompu les témoins fournis ensuite aux enquêteurs du procureur. En substance, les juges ont invité le procureur argentin à revoir sa méthode et envoyer ses propres enquêteurs sur le terrain, plutôt que d’enquêter par procuration.
Des réactions plutôt positives
Cette première condamnation a conduit à de nombreuses réactions. A Kinshasa, la capitale de la RDC, le directeur du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ), Sharanjeet Parmar, a réagi en jugeant ce jugement important pour la CPI étant donné que Lubanga est son premier procès. Mais c’est encore plus important pour la RDC et pour sa lutte contre la culture de l’impunité, étant donné que très peu de personnes accusées de crimes de guerre sont traduites devant la justice, a-t-il ajouté. L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a estimé, quant à elle, que le verdict donnera à réfléchir à tous ceux qui, dans le monde, commettent l’horrible crime d’utiliser des enfants et de les maltraiter sur les terrains de guerre et en dehors. Selon certains observateurs, ce jugement pourrait permettre à la Cour basée à La Haye d’accélérer les procès d’autres personnes traduites devant elle. D’un autre côté, cela ne manquera cependant pas de renforcer les partisans de la contestation de la CPI. Certaines voix continuent de soutenir que la CPI, créée en 2002, se concentre trop sur le continent africain. Thomas Lubanga emprisonné depuis six ans faisait face à trois chefs d’accusation. La sentence n’a pas encore été annoncée par la CPI, mais il encourt la prison à vie. Lors de son procès, Lubanga, qui dispose de 30 jours pour faire appel du jugement, s’est déclaré innocent. Mercredi, il n’a pas manifesté de réaction à l’énoncé du verdict. Une nouvelle audience doit être organisée dans les prochaines semaines pour déterminer la sentence qui sera retenue contre l’ancien chef de guerre, qui a déjà passé sept ans en détention préventive. Une issue qu’attend la population, qui a hâte de pouvoir bénéficier d’une forme de dédommagement pour les souffrances endurées et de voir Bosco Ntaganda, le général inculpé avec Lubanga, traduit devant la CPI lui aussi.
