«Des actions pour avoir un taux de croissance à deux chiffres avant 2020»

Le Secrétaire exécutif du (Gicam), Alain-Blaise Batongue, revient sur les grandes lignes des «100 propositions pour l'émergence du Cameroun» L'émergence…

Le Secrétaire exécutif du (Gicam), Alain-Blaise Batongue, revient sur les grandes lignes des «100 propositions pour l’émergence du Cameroun»

L’émergence semble être devenue un thème à la mode dans les discours politiques au Cameroun comme dans la sous-région. Vous prenez le pari de faire des propositions à propos. Comment la définissez-vous d’emblée ?
Nous pensons que c’est beaucoup plus la traduction d’une aspiration. Il est tout à fait légitime et même naturel pour un pays en développement comme ceux de la sous-région dont est issu le Cameroun d’aspirer à se développer pour devenir comme les pays émergents d’Asie de l’Est et la Chine et, pourquoi ne pas rattraper un jour les pays Occidentaux. Mais cela nécessite l’adhésion de toutes les parties prenantes et les couches sociales car l’émergence implique un changement de paradigme qui peut parfois bousculer les habitudes. Il faut par conséquent communiquer pour sensibiliser les populations sur cette nouvelle vision. C’est le rôle des politiques de s’y attarder dans leurs discours. Pour sa part, le Gicam a voulu à travers les « 100 propositions pour l’émergence du Cameroun » apporter une contribution importante du secteur privé à l’émergence de notre pays. Nous avons réaffirmé notre engagement à nous tenir auprès du Gouvernement dans cette course vers l’objectif qu’ensemble on s’est fixé en 2010 à savoir :« être un pays émergent avant 2035 ». Parlant de la définition du concept de l’émergence, nous explicitons, dans l’ouvrage, les caractéristiques d’un pays émergent afin de donner au lecteur une image de ce à quoi notre pays aspire. Le Chapitre 2 de l’ouvrage s’y attarde et l’on peut retenir d’emblée qu’un pays émergent doit avoir réalisé une croissance de son produit intérieur brut élevée sur au moins la dernière décennie et participer de manière accrue aux courants des échanges mondiaux. Cela implique de diversifier et d’augmenter substantiellement la part de ses exportations.

L’ouvrage « 100 propositions pour l’émergence du Cameroun » paraît cinq ans après la mise sur pied du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (Dsce), la feuille de route du gouvernement en matière d’économie. Quelle est la différence entre ces deux documents ?
Comme nous venons de signaler, l’ouvrage « 100 propositions pour l’émergence du Cameroun » doit être perçu comme une contribution à la mise en uvre du Dsce. Le Dsce a été élaboré suivant une approche participative où plusieurs acteurs ont contribué, y compris le secteur privé. Le Dsce est par conséquent un document assez complet mais qui donne les grandes orientations et présente les grands projets. Sa mise en uvre au niveau des administrations publiques se fait à travers des programmes qui comprennent en moyenne chacun cinq actions. La loi de finances 2014 a présenté 162 programmes soit un peu plus de 700 actions. Nous pensons que c’est assez, notamment dans un contexte de ressources limitées qui caractérise notre administration. Par conséquent, les résultats de la mise en uvre de ces programmes ont été en deçà des objectifs du Dsce. L’approche de l’ouvrage « 100 propositions pour l’émergence du Cameroun » a consisté à faire un bilan-diagnostic de notre économie, secteur par secteur. Les auteurs se sont également intéressés à la période de mise en uvre du Dsce avec pour objectif d’identifier les actions et les mesures susceptibles d’avoir le plus d’impact sur la croissance économique et l’emploi décent au Cameroun. Ainsi, nous avons dans l’ouvrage, des actions et mesures prioritaires par secteur qui, si elles sont mises en uvre, permettront de gagner au moins un point de croissance chaque année de manière à avoir un taux de croissance à deux chiffres avant 2020 et se placer résolument sur le chemin de l’émergence.

Quelles en sont les éventuelles similitudes/traits de convergence et de continuité qu’on peut établir entre les deux ?
Encore une fois de plus, on ne peut pas comparer les deux documents. Le Dsce a été élaboré il y a cinq ans. Nous avons là un document qui vient d’être publié et qui tient compte de l’existant notamment du Dsce et du document de Vision 2035 Cameroun. Par conséquent, l’ouvrage recommande quelques actions du Dsce ayant un fort impact sur la croissance. On peut citer par exemple la proposition relative à la mise en uvre des réformes prévues dans le Dsce. Mais, au-delà de ces actions, l’ouvrage traite de certains aspects qui n’ont pas été suffisamment développés dans le Dsce. Il s’agit par exemple des institutions économiques pour l’émergence du Cameroun.

Le fait que la préface soit signée du ministre de l’Economie, ne peut-il pas remettre en cause la distance des chercheurs qui ont rédigé l’ouvrage avec les propositions des politiques, le Dsce en l’occurrence? Les discours politiques sont en effet souvent perçus par le commun comme éloignés de la réalité et trompeurs.
Pas du tout. Les auteurs ont dressé un diagnostic sans complaisance et même quelquefois dur de la situation actuelle de notre économie, avant de faire les 100 propositions. Certaines sont dans le Dsce, et d’autres pas. Nous pensons que le ministre de l’Economie a perçu dans cet ouvrage une contribution importante à l’émergence de notre pays et a accepté de le dédicacer. Il faut plutôt voir dans ce geste un partenariat secteur public – secteur privé pour conduire le Cameroun vers l’émergence.

Vous dites dans l’ouvrage que « le Cameroun n’a pas pu se rapprocher des objectifs fixés dans l’un des domaines clés de cette vision qui est celui de la croissance économique ». Comment atteindre les 5,5% de croissance stipulés dans le DSCE ?
Les chercheurs ont montré qu’en mettant en uvre les « 100 propositions pour l’émergence du Cameroun », on pouvait atteindre une croissance moyenne par an supérieure à 5,5% sur la période 2010 – 2020.

A qui faites-vous ces propositions ? Qui doit les transformer en réalisations ?
L’émergence d’un pays n’est pas uniquement l’affaire des pouvoirs publics ou des organisations patronales. Tout le monde doit y mettre du sien y compris les populations et les nationaux de la diaspora, les entreprises, la société civile, les partenaires au développement, etc. Mais tout ceci doit se faire d’une manière organisée. Cela dit, personne ne s’étonnera que la plupart des propositions soient adressées aux pouvoirs publics.

Alain-Blaise Batongue
Gicam)/n

L’une de vos propositions semble soutenir que l’émergence du Cameroun passe par « l’accroissement substantiel des investissements dans l’agriculture ». C’est une proposition que l’on a déjà entendu, pourquoi serait-elle appliquée aujourd’hui ?
C’est une proposition qui est déjà mise en uvre par le Gouvernement. L’analyse du budget de l’Etat sur la période 2010 – 2013, montre un relèvement de la part du budget d’investissement du ministère chargé de l’Agriculture. Elle est passée de 38,1% en 2010 à 57,7% en 2013. Mais ce n’est pas assez car le budget de ce ministère représente moins de 5% du budget total alors qu’il doit atteindre 10% tel que recommandé dans le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, Ndlr). Nous recommandons en plus que l’Etat renoue avec la subvention dans le secteur agricole. D’après les chercheurs, les agriculteurs camerounais ne sont pas subventionnés, mais plutôt implicitement taxés sous l’effet de l’action publique.

Vous proposez également de vaincre la « malédiction » inhérente à l’abondance des matières premières. Que signifie exactement cette proposition ?
La « malédiction » vient du fait que notre pays est resté confiné à la production et à l’exportation des matières premières. Cette proposition va dans le sens de la diversification de notre économie notamment par la transformation des matières premières, produits en biens semi-finis ou finis à forte valeur ajoutée.

Au vu de la situation socio-économique et politique du Cameroun en 2014, peut-on dire qu’on est dans le bon chemin pour « l’émergence » ou qu’on s’en éloigne ?
Evidemment que non, il faut inverser la tendance actuelle en mettant en place des actions susceptibles de permettre à notre pays d’augmenter progressivement son taux de croissance pour atteindre 10% en 2020. C’est tout le sens des 100 propositions du Gicam pour l’émergence du Cameroun.