Elle transporte avec elle toute l’histoire de son enfance vécue à la chefferie de Bangangté dans la région de l’Ouest Cameroun
Parlez nous des 18 premières années que vous avez passées au Cameroun
J’allais aux champs pour cultiver avec ma maman, comme toutes les petites filles, avec mes frères et s urs. Je dessinais sur mes cahiers d’école, sur la terre et je bricolais. Je m’amusais comme tous les enfants. Je n’ai jamais été très école et mes parents ont forcé pour que je suive des études. Mais au collège, ils voulaient que je fasse la série générale et moi je voulais être orientée en technique. Il y a eu désaccord et j’ai arrêté mes études. J’ai grandi à Bagangté ville dans la région de l’Ouest et ensuite à Douala dans la région du littoral. J’étais choyée parce que je porte le nom de ma tante, la Reine Nénakwé, de la chefferie de Bagangté ville.
La femme, on le remarque occupe une grande place dans vos travaux; est ce que vous pouvez nous dire pourquoi?
Je peins aujourd’hui à l’image de ce que j’ai toujours vu, de l’environnement dans lequel j’ai grandi. La femme occupe une place très importante dans la vie d’une famille et donc d’un enfant. Elle joue le rôle d’un pivot autour duquel la vie se déroule. J’ai grandi entouré de femmes. Ma mère, ma Tante la Reine Nénakwé dont je porte le nom, ainsi qu’un mélange de femmes du quartier ou d’autres villes avec qui nous formions une sorte de petite famille sont mes références et forcément quand on veut peindre, on pense d’abord à ces détails de notre enfance.
Non seulement vous peignez la femme, mais vous la plongez dans un grand mélange de couleurs: quel message peut on y entrevoir?
Le message que l’on peut entrevoir dans ce mélange de couleurs: c’est la joie, l’espoir, la paix et l’amour. J’ai eu envie de peindre pour parler de l’amour, raconter la vie, le bonheur, la joie et on ne peut le faire qu’avec des couleurs gaies.
De vous, l’histoire rapporte qu’en pays Bangangté (Région de l’ouest du Cameroun) d’où vous venez, votre statut de princesse et la possibilité que cela vous offrait d’être aux contact des uvres artistiques vous a fortement inspiré, est ce vrai?
Tout cela est vrai, les masques, les formes géométriques que j’appelle « formes bizarres » ont beaucoup influencé mon travail. Le contact des oeuvres artistiques de mon enfance reste pour moi une source intarissable de créativité. Vous savez, quand j’étais petite et que je voyais ces masques, je me disais tout le temps c’est bizarre. En grandissant, on m’expliquait ce que c’était et je comprenais mieux. En plus j’ai eu la chance de grandir dans la chefferie où il y a beaucoup de masques, pour les différentes cérémonies et tout ça fait partie de mes souvenirs d’enfance.
On rapporte qu’au début de votre activité les gens se moquaient de vous, et cela logiquement dans un contexte où l’art est apprécié sous un prisme d’incompréhension ; qu’est qui vous a motivé à continuer de peindre malgré tout?
C’est vrai. Quand j’étais plus jeune, je dessinais, je faisais les cahiers de morceaux choisis de mes camarades, des amis, des cousins. Et petit à petit, je prenais confiance mais j’avais toujours peur du regard des autres. Même plus tard, j’ai dessiné et caché mes toiles jusqu’à ce que mon mari les voit et me félicite. C’est alors qu’il m’encourage à continuer et surtout à permettre aux autres de voir mon travail. Le droit à la différence a été une source de motivation face aux moqueries et à l’incompréhension de mes camarades et des gens.

Quelque chose impressionne chez vous, vous êtes une autodidacte, pourtant depuis 1996, vous enchainez les expositions, c’est quoi votre secret?
Je n’ai pas de secret, je dirais seulement qu’il faut travailler et avoir une grande part de chance.
Vous n’avez jamais fait d’exposition dans votre Cameroun natal, pourquoi?
A cause de la logistique liée aux expositions. Il faut des assurances, emballer les toiles et le transport des toiles est particulier. Je ferrais l’exposition au Cameroun quand toutes les conditions seront réunies.
Que fait Florence lorsqu’elle ne peint pas?
Lorsque je ne peins pas, je bricole, je couds, je jardine et je fais un peu de cuisine. Je m’occupe de mes enfants et de ma famille
Quelle vision avez-vous de la femme camerounaise de demain?
Je vois la femme camerounaise de demain comme une femme engagée et entreprenante avec des valeurs morales des ancêtres. Les femmes, qu’elles soient camerounaises, africaines ou d’autres continents, ont une force incroyable et beaucoup de talents. En Afrique et plus particulièrement dans mon village, je vois encore les femmes gérer les foyers, s’assurer de l’éducation de leurs enfants, travailler et tout ça sans se plaindre.
Avez-vous des projets pour le Cameroun?
Oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup !!! Avec l’aide de Dieu, s’il le veut je les réaliserais. Je vous en parlerais le moment venu.
