Co-auteur avec l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo du livre, «Pour la vérité et la justice», il parle du contexte de rédaction de cet ouvrage
Comment avez-vous rencontré Laurent Gbagbo?
Je suis allé le voir en prison à titre d’ami, puisque je le connais depuis une dizaine d’années. Professionnellement en tant que journaliste à l’époque au journal France Soir et d’autres supports d’ailleurs. J’ai suivi les affaires ivoiriennes, en particulier les différends qui opposaient les gouvernements successifs de Paris à Abidjan et en particulier Laurent Gbagbo quand il a été arrêté et emmené à La Haye. J’ai demandé un droit de visite et on a commencé à parler, 13 ou 14 fois en prison. Nous avons continué une discussion qui ne s’est jamais interrompue depuis 10 ans.
Comment avez-vous vu cet homme que vous avez connu avant et qui s’est retrouvé derrière les barreaux. Quel est son état d’esprit ?
Il est très serein. Même si je l’ai trouvé au début très fatigué. Puisqu’il avait été d’abord, après son arrestation, sous les bombardements de l’armée française qui ont été très violents sur sa résidence. Il a été arrêté au milieu des morts, des blessés, ça a été d’une extrême violence. Ensuite, il a été détenu à Korhogo dans le nord de la Côte d’Ivoire dans des conditions abominables et donc, quand il est arrivé à La Haye, il était en mauvais état physique. Petit à petit il a retrouvé un peu plus d’haleine, intellectuellement disons qu’il est un peu plus combattif.
Dans cet ouvrage, il considère que c’est la France qui a créé la rébellion des forces nouvelles et qui l’a ensuite poussé à gouverner avec cette même rébellion. Comment est-ce qu’il explique tout cela ?
Il faut qu’on considère la vérité des faits. Quand M. Gbagbo a été élu en 2000, il était comme on dit en anglais un outsider. Les favoris étaient M. Bedié qui était directement soutenu par Jacques Chirac à travers le parti du président français (le RPR), Ensuite M. Ouattara en face de lui qui, en 2000, était quelqu’un qui avait fait ses études aux Etats-Unis. Ce dernier avait commencé à tisser un réseau de relations très important à l’étranger. Gbgabo ne devait rien à personne, pas de personne à l’étranger. Son parti, le FPI, est un parti qui a été créé en Côte d’Ivoire sans être rattaché à une entité extérieure. Il est donc apparu comme un gêneur, comme une mauvaise surprise.
Dans cet ouvrage également, il a évoqué la fameuse table ronde de Marcoussis, en 2003 que beaucoup considéraient à l’époque comme une rencontre importante dans le processus de normalisation. Et Gbagbo voit cette rencontre comme un coup d’Etat, pourquoi ?
La façon dont les choses ont été organisées, c’était encore une fois une façon de l’écarter du jeu politique, c’est-à-dire de contrôler la Constitution ivoirienne. Il était président de la République élue et il n’a pas été partie prenante des travaux de Marcoussis. Il n’a pas été invité. Il a été convié simplement pour signer à la fin. Autour de la table-ronde, on a invité en revanche les chefs rebelles qui ont, pour ce faire, créé des partis politiques artificiels pour la cause. Ces oppositions se sont immédiatement trouvées majoritaires par rapport au parti au pouvoir et au parti élu à l’époque effectivement en Côte d’Ivoire. Donc, c’est une forme de coup d’Etat.
Ce ne serait pas exagéré de dire que Laurent Gbagbo en veut à la France aujourd’hui ?
Non ! Ce n’est pas du tout son état d’esprit. Laurent Gbagbo connaît très bien cela. Je vous ai dit qu’il est historien, il connait très bien la situation de la Côte d’Ivoire par rapport à la France, la situation des ex-colonies francophones par rapport à la France. Il n’en veut pas à la France. Il veut juste changer les rapports entre ces pays-là et la France. La France n’a pas organisé l’indépendance en 1960. Elle a organisé la dépendance de ces pays-là pour les garder dans une organisation qui s’appelait la Françafrique et qui est une organisation totalement illégitime, illégale. 50 ans après les indépendances, ces pays-là n’ont pas leur monnaie.
Et comment voit-il son successeur, Alassane Ouattara ?
(Rires) Comment le voit-il ? Il le voit comme quelqu’un qui a usurpé le pouvoir.
