Il est l’un des journalistes renvoyés par la chaine de télévision camerounaise Canal 2, il revient sur cette affaire qui alimente aujourd’hui les débats
Qu’est ce qui s’est passé avec Canal 2
La direction de Canal 2 international, au terme d’une réunion tenue à Douala le 09 juin dernier a bien voulu se séparer de moi et de mon collègue Albert Patrick Eya’a. Le motif qui a été évoqué en ce qui me concerne est la réalisation d’un reportage après le match qui a opposé le Cameroun au Sénégal le 4 juin dernier, comptant pour les éliminatoires de la coupe d’Afrique 2012. On a estimé que dans mon reportage, j’ai fait des commentaires tendancieux qui étaient de nature à créer des troubles au Cameroun. Quant à Albert Patrick on lui reproche d’avoir produit un reportage en février, reportage qui je précise n’avait d’ailleurs pas été diffusé et dans lequel un des intervenants, l’opposant Aba Aboubakar, disait que le président Biya devrait quitter le pouvoir. Donc voila les faits qui ont été évoqués par la direction de Canal 2 international.
On revient sur ce reportage, objet du reproche qui vous vaut le départ de Canal 2 aujourd’hui. Quelle intention était la votre lorsque vous le faites?
Je n’avais aucune intention particulière et je suis très étonné qu’on me reproche aujourd’hui une tendance à la subversion. Je suis rentré dans la peau du reporter et je voulais juste informer les Camerounais de ce qui s’est passé après la rencontre contre le Sénégal. Nous avons d’ailleurs fait le reportage dimanche matin, parce que samedi après le match il y avait une telle tension que c’était difficile de faire un reportage à chaud. Lorsque nous arrivons le dimanche, lendemain du match, nous constatons qu’il y a eu deux morts. Le premier mort est un monsieur qui est décédé juste devant sa porte des suites d’asphyxie. Il ne se sentait déjà pas bien selon les témoignages que nous avons rapportés. Dans la confusion d’après match et avec les gaz lacrymogènes que la police a utilisé, il a succombé. Nous avons aussi vu qu’il y avait un homme qui était décédé d’une balle dans le dos. Je rapporte cela dans mon papier, mais je n’indique pas que la victime a succombé suite à des tirs des policiers. Peut être parce que dans un témoignage précédent, des personnes indiquent que la police a tiré des bombes lacrymogènes. On a estimé que j’ai dit que la police a tué une personne. Ce n’est pas ce que je dis dans mon reportage. Je voulais juste montrer les dégâts d’après match, tous les médias présents ce jour là dans la ville de Yaoundé ont fait des commentaires. Mais dans le fond, je pense que je suis resté cohérent avec moi-même en ce qu’à titre personnel, je ne suis pas toujours d’accord avec le zèle dont font preuve les forces de l’ordre dans les opérations de maintien de la paix. Parfois je trouve qu’il y a beaucoup de dérives et il y a peut-être eu un peu de cela dans mon reportage, mais en aucun cas je n’avais à l’esprit de soulever des ranc urs chez les populations et puis, ce type d’information de proximité a toujours été dans la ligne éditoriale de Canal 2.
Certains média qui rapportent cette affaire disent que la direction de Canal 2 avait déjà eu un antécédent avec vous particulièrement, sur fond de scandale financier, qu’en est-il?
Evitons la diversion. A aucun moment, il n’a été question de scandale financier. Dans tous les cas, la direction de Canal 2 n’a pas fait état de cette affaire. Les motifs de notre mise à l’écart sont clairs, nous sommes accusés de reportages subversifs. S’il y avait une affaire de finance, je crois qu’on n’aurait pas manqué de la soulever également.
Et cette affaire de facture personnelle avec la SOSUCAM ?
Maintenant pour revenir à l’affaire Sosucam, je pense qu’il est important que j’y apporte une explication claire et définitive. Il faut d’abord savoir une chose, lorsque je suis recruté à Canal 2, je l’avais été en tant que journaliste. Mon contrat ne prévoyait pas que je devais faire des reportages commerciaux. Mais on se rend compte lorsqu’on est déjà intégré qu’on se retrouve à faire de nombreux reportages commerciaux et pour ceux qui le savent, ce type de travail implique des conditions financières particulières. Mais ce n’était pas le cas pour Canal 2. Donc sur l’affaire Sosucam, j’ai été amené à faire un reportage commercial sur la signature du nouveau statut du personnel de cette entreprise. Le papier ayant été payé directement par chèque à Canal 2, la Sosucam m’a alors demandé de lui adresser une note de frais. Je l’ai estimé à 50 000 Fcfa pour mon caméraman et moi. A peine j’avais demandé à la secrétaire de la taper que M. Chatué informé me fait suspendre de l’antenne. Je ne vois pas comment certains peuvent nous attribuer d’être au c ur de scandales financiers, sauf si d’aucuns encouragent l’exploitation des journalistes. C’est tout simplement insensé.

Quels ont été les termes de la séparation?
Canal 2, bien que nous ayant qualifié de subversifs recherche néanmoins un arrangement à l’amiable. Curieux non ? Normalement dans ce genre de cas, il devrait avoir des instances qui valident la décision prise par une rédaction de renvoyer un journaliste pour faute professionnelle. Il n’y en a pas au Cameroun et c’est regrettable. Cela m’emmène à voir sous un autre jour les atteintes à la liberté de la presse dans notre pays. J’ai comme l’impression aujourd’hui que ses ennemis sont partout, même là où on ne le soupçonne pas souvent. Aujourd’hui, je me rends à l’évidence, que certains promoteurs de médias ont pris le parti de défendre des intérêts qui sont parfois difficiles à décrypter.
Vous quittez Canal 2, quel est votre sentiment en tenant compte des objectifs que vous aviez en y arrivant?
J’avais été motivé par la possibilité de travailler pour cette chaine dont l’approche de proximité m’avait séduit. Je voulais moi aussi, apporter ma contribution dans ce travail. Qu’on m’accuse aujourd’hui de tendance à la subversion, cela me dérange énormément. Je pense que Canal 2 n’a pas besoin de cela. Sur la durée, cette chaîne est appelée à décliner. Vous remarquerez et je ne parle pas de moi, que des compétences quittent de plus en plus la chaîne. Ce sont des signes qui ne trompent pas. C’est risible de m’accuser aujourd’hui de vouloir soulever le peuple, ce n’est pas moi Guy Zogo qui vais soulever le peuple. Le peuple a ses propres moteurs et ses motivations.
Alors finalement s’il fallait résumer en un mot cette affaire que diriez-vous?
Je dirais tout simplement que la liberté de la presse est encore un leurre chez nous. Je comprends qu’il y ait une smalah de thuriféraires qui sont prêts à brûler le Cameroun pour que rien ne change, mais ils auront des comptes à rendre devant l’Histoire et les hommes, car ils auront plongé notre pays dans un précipice.
