Par Jean-Marie Moukam, Bruxelles
L’humiliation infligée au président de la république par les partisans du CODE et du CDD en France a donné lieu à des échanges épistolaires entre ceux qui trouvaient cette initiative louable et ceux qui au contraire ont trouvé en cela un franchissement de la ligne rouge. Pourtant, à y regarder de près, on ne peut pas considérer les choses uniquement en noir ou en blanc. La méthode musclée utilisée par nos compatriotes peut être comprise comme l’unique moyen dont ils disposent pour se faire entendre face à la surdité du régime de Yaoundé. Car il faut le reconnaitre, nos dirigeants ont toujours manifesté une attitude de mépris et d’indifférence face aux revendications de ces associations radicales de la diaspora, préférant les traiter des noms d’oiseaux en tout genre pour les discréditer et les ridiculiser. Cette posture est généralement reprise par les journaux proches du régime qui n’hésitent pas à s’en servir et parfois de façon exagérée. La sortie du compatriote Dieudonné Mveng, Directeur de publication du journal la Météo en est une parfaite illustration. Affirmer que les «manifestants de Paris» sont des drogués, des sans-papiers, des ratés des voyous ou des corrompus est manifestement faux, injurieux et irrespectueux. Cette démarche est caractéristique de l’espace politique dans notre pays où la moindre critique à l’égard du régime peut vous valoir toutes les tares qui enlaidissent l’être humain et le rendent méprisable. C’est également faux lorsque notre compatriote Dieudonné Mveng affirme que ce sont «des agités qui ont bénéficié de bourses d’études de leur pays pour l’occident avant d’échouer dans les labyrinthes d’une vie de débauche, de la délinquance et autres perversions découlant pour tout dire, d’échecs existentiels». Ce sont des compatriotes bien formés et bien intégrés dans leurs pays respectifs mais qui pensent simplement que la seule manière de se faire entendre par le régime de Yaoundé c’est d’utiliser la manière forte. On peut dès lors comprendre que la foultitude d’adjectifs dénigrants dont a fait usage notre compatriote M. Mveng soient simplement le produit de l’émotion suscitée par la gravité de l’acte posé.
Du point de vue de la méthode, on peut aussi comprendre que ces manifestations nuisent gravement à l’image de la diaspora qu’on a tendance à assimiler à des fauteurs de troubles, des excités, des affamés qui veulent exprimer leur mal être dans leur pays d’accueil, ce qui est inexact. On peut également s’interroger sur l’efficacité de ces méthodes qui loin d’ébranler le régime de Yaoundé, contribue plutôt à le radicaliser. Toutefois, au lieu de continuer à nier l’évidence, il serait préférable de reconnaître qu’il existe un malaise profond entre gouvernants gouvernés dans notre pays. Vu sous cet angle, on peut comprendre que de telles manifestations soient le produit des frustrations croissantes (injustices, pauvreté, discriminations.) des couches populaires dont ces manifestants ne sont que l’aspect visible. Par ailleurs, il faut reconnaître que la violence comme mode d’expression politique peut plutôt contribuer à brouiller le message que l’on veut passer et produire l’effet inverse du résultat escompté. Quoiqu’il en soit, le régime de Yaoundé a intérêt à se réconcilier avec sa diaspora et les populations locales. Il y va de la cohésion et de la paix sociale dans notre pays. Ce chantier peut être entamé au moins par le dialogue social, l’écoute, la prise en considération sérieuse des différentes revendications et la recherche des solutions durables. L’histoire du Cameroun sous le « renouveau » est tellement parsemée de blessures (massacres de février 2008, les 9 disparus de Bépanda, clientélisme, tribalisme, la pauvreté, le chômage de masse, la corruption.) que pour les guérir, il faudra du temps. Ces revendications sont peut être le signe avant-coureur d’une explosion sociale en gestation dont les conséquences pourraient être dévastatrices pour notre pays.
A bon entendeur.
