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Il est temps d’avoir une conversation dans ce pays

Par Jean-Pierre Bekolo Ne pensez-vous pas comme moi que le temps est venu ? Le temps d'avoir une conversation. Ca…

Par Jean-Pierre Bekolo

Ne pensez-vous pas comme moi que le temps est venu ?

Le temps d’avoir une conversation. Ca fait tellement longtemps qu’on a pas eu de conversation dans ce pays. Vous rappelez-vous la dernière fois que c’était ? Savons-nous seulement encore ce que c’est une conversation ? Au lieu d’une conversation, j’entends plutôt des gens qui se parlent à eux-mêmes sans seulement se soucier si, à part ceux qui sont payés pour le faire, quelqu’un les écoute même encore ; si ceux qui les écoutent ont quelque chose à dire après qu’ils aient débités leurs discours.

Il est vraiment temps d’avoir une conversation dans ce pays ne serait-ce que pour le tuer le temps. D’échanger des propos comme on échange toutes les choses qu’on aime partager avec les amis, de peur que le temps qui s’alourdit de plus en plus ne nous pèse et ne finisse un jour par s’arrêter. Il est temps d’avoir une conversation en plein jour, des conversations que tout le monde peut entendre et y participer sans peur d’être entendu comme dans ces conversations qu’on a dans l’obscurité ; ces conversations où on complote, on rapporte, on dénonce et on trahi ; celles qui sont intéressées où on vient quémander, tromper ou escroquer. Je parle des conversations où nous disons à l’autre qu’il est un Homme comme moi et que nous sommes tous de la même famille, des conversations où on parle d’égal à égal sans condescendance aucune d’une part ni subordination d’autre part.

Je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai hâte d’avoir une conversation avec mes frères sans que personne d’autre de s’en mêle ; une vraie conversation qui ne regarde que nous Camerounais. Si vous ne saviez pas que vous avez une dette, sachez que chaque Camerounais doit à l’autre une conversation. Pas demain, pas après-demain mais aujourd’hui, pendant que tout est encore si calme, pendant qu’il fait encore si beau et pendant que nos c urs sont encore posés.

Nous devons vraiment avoir cette conversation pour faire honte à tous ceux qui attendent qu’on se donne en spectacle au reste du monde comme savent si bien le faire nos frères africains. Nous devons avoir cette conversation pour proposer une autre image de nous-même à nos enfants qui ne méritent pas ca. Nous devons avoir cette conversation pour ne pas attendre l’humiliation et l’infantilisation de la communauté internationale qui finit par être la seule capable de nous faire asseoir entre frères pour échanger.

Nous devons avoir cette conversation, comme une conversation qu’on a le soir avant de se coucher pour parler du lendemain, de ce qu’on va faire quand le soleil sera levé, car le jour se lèvera demain avec ou sans nous. Car si nous n’avons pas cette conversation, il va arriver demain, un moment où, quand bien même nous le voudrions, nous ne pourrons plus nous parler. Car les esprits qui nous empêcheront d’avoir une conversation sont là et rodent en attendant de trouver un pays entier à envoûter. Il est temps parce que le temps est proche, le temps où on va se regarder, le temps où chacun va demander à l’autre « on fait comment ? »

Et à ce moment là, nous n’aurons plus personne en face car on ne reconnaîtra plus ceux avec qui hier encore on aurait pu avoir une conversation, et on ne ressemblera à ce que nous sommes encore aujourd’hui car la haine nous aura tous métamorphosé. Bien sûr que là il sera trop tard, on regrettera alors de n’avoir pas eu, en plein jour, cette conversation que je vous prie, que je nous prie de commencer maintenant entre le nord, le sud, l’est, l’ouest, l’extrême-nord, l’adamaoua, le littoral, le sud-ouest, le nord-ouest, le centre ; entre les musulmans, les chrétiens ; entre les anglophones, les francophones, dans les stades, les églises, les quartiers, les bars, les écoles, les taxis. il est vraiment temps d’avoir cette conversation, une conversation sur l’APRES.

Jean-Pierre Bekolo
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