Si la vraie cible de la France n’était pas en RCA. ?
Dans notre chronique numeÌ ro XV, souvenez-vous, nous posions deÌ jaÌ€ la question de savoir si la ReÌ publique centrafricaine sera la pomme de discorde et la source de deÌ sordre en zone CEMAC. Les eÌ veÌ nements qui s’y deÌ roulent depuis quelques temps apportent une reÌ ponse claire aÌ€ cette question. Nous reÌ alisons eÌ galement que votre journal, en choisissant de traiter de cette question-laÌ€ en ce moment-laÌ€, avait vu juste. M. Djotodia et sa Seleka sont incapables de maintenir la paix et la seÌ curiteÌ civiles en ReÌ publique Centrafricaine et aux frontieÌ€res avec le Cameroun.
Pour faire la police et garantir l’ordre public, la France a donc deÌ cideÌ d’intervenir en renforçant sa preÌ sence militaire dans ce pays classeÌ parmi les plus pauvres au monde. 1600 hommes, pas moins, vont se joindre aux forces africaines deÌ jaÌ€ sur place et qui vont, elles aussi, augmenter en nombre pour aller faire en RCA, ce que tout gouvernement seÌ rieux doit garantir aux habitants d’un pays : la paix et la seÌ curiteÌ civiles. Le domicile du Premier ministre de transition a meÌ,me eÌ teÌ pilleÌ et saccageÌ . Pour cela seulement et pour les 600 civils morts la semaine dernieÌ€re, M. Michel Djotodia, ancien chef de la reÌ bellion feÌ deÌ reÌ e devenu, graÌ,ce aÌ€ un processus de transition deÌ fini par les autoriteÌ s de la CeÌ mac, doit eÌ,tre disqualifieÌ . C’est M. Hollande qui a raison quand il dit qu’il (Djotodia) « a laisseÌ » faire les voyous qui l’ont porteÌ au pouvoir. On ne sait pas s’il faut l’appeler chef de l’Etat. Puisqu’il n’a pas eÌ teÌ eÌ lu par le peuple centrafricain. Pour faciliter les contacts, le sommet de Ndjamena avait permis qu’un organe de transition soit mis en place pour que les uns et les autres n’aient pas aÌ€ traiter avec un homme qui a renverseÌ les institutions « deÌ mocratiques » de son pays et qui brille aujourd’hui par l’incompeÌ tence et la paresse.
Casse-teÌ,te
Il est donc clair que la RCA va donner les maux de teÌ,te aÌ€ tout le monde. Surtout au Cameroun qui est obligeÌ d’ouvrir sur son sol un corridor terrestre de libre circulation de plus 2500 kilomeÌ€tres aux forces françaises, de Douala aÌ€ Bangui, traversant trois reÌ gions sensibles du pays : le Littoral, le Centre et l’Est. Un pont aeÌ rien est eÌ galement jeteÌ entre Douala et Bangui. Un autre pont aeÌ rien (cette fois-laÌ€ au moyen des heÌ licopteÌ€res de combat) est eÌ galement reÌ veÌ leÌ par la presse locale. Il aurait pour point de deÌ part la ville de NgaoundeÌ reÌ (reÌ gion de l’Adamoua), avec pour point de chute la capitale centrafricaine. Au regard des difficulteÌ s qui s’annoncent deÌ jaÌ€ sur le terrain avec deux soldats français tueÌ s, personne ne peut dire combien de temps cela durera. Les Français ont dit que la mission sera de courte dureÌ e. Que veut dire l’expression « courte dureÌ e »? Courte dureÌ e c’est combien de jours, combien de mois ou combien d’anneÌ es ? Les Français ont promis qu’ils partiront aussitoÌ,t que les renforts de forces africaines arriveront aÌ€ Bangui. Qui peut nous dire quand ces renforts arriveront ? En tout eÌ tat de cause, nous ne saurons peut-eÌ,tre rien sitoÌ,t. Entre temps, les exactions, le trafic d’armes lourdes et leÌ geÌ€res, le vol de beÌ tail, les viols, les razzias de villages, les incursions en territoire camerounais continuent. Certains adeptes de l’ancien reÌ gime exacerbent la coleÌ€re des populations de la reÌ gion en faisant exactement ce qu’ils reprochent aux toujours rebelles de la Seleka. Qui est l’adversaire dans cette sale guerre ouÌ€ chreÌ tiens et musulmans centrafricains se donnent tous les mauvais coups imaginables? Les choses ne sont pas claires et le Cameroun doit prendre des mesures eÌ nergiques pour proteÌ ger ses frontieÌ€res et ses villes de la reÌ gion de l’Est et du Nord-est, pour que les autoriteÌ s de transition comprennent que la reÌ bellion et les jeux ont des limites. Ces mesures doivent eÌ,tre aÌ€ la fois militaires et eÌ conomiques afin que le Cameroun ne serve pas de terrain de rivaliteÌ s centrafricaines avec des camerounais comme dommages collateÌ raux. Le PreÌ sident Biya doit eÌ,tre ferme sur ce point et le faire comprendre y compris au fer rouge, si besoin est, aux rebelles actuellement au pouvoir aÌ€ Bangui.
Vigilance
Le Cameroun doit eÌ galement renforcer sa vigilance autour et tout au long du corridor Douala-Bangui pour que les français ne le transforment pas en sanctuaire de la deÌ stabilisation du Cameroun. Des questions nous bruÌ,lent donc les leÌ€vres : doit-on faire confiance aux français aÌ€ 100% ? Qui nous dit que la vraie cible n’est pas le Cameroun ? Doit-on oublier qu’il y a seulement un an, la France a refuseÌ d’intervenir en RCA ? Qu’est-ce qui a changeÌ entre temps ? Doit-on oublier que chaque fois qu’une reÌ bellion a pris le pouvoir dans un pays francophone, les français eÌ taient toujours preÌ sents, avec ou sans mandat des Nations unies ? Citons le Tchad, la CoÌ,te d’ivoire, la Libye et la RCA. Les troubles en RCA donnent un preÌ texte de preÌ sence militaire française au-delaÌ€ de ce qui est habituel. PreÌ sence militaire opeÌ rationnelle accrue. MeÌ,me au temps du conflit de Bakassi ouÌ€ l’armeÌ e française a appuyeÌ le Cameroun contre le NigeÌ ria, nous n’avons pas vu autant de soldats français armeÌ s au Cameroun. Cette preÌ sence met le Cameroun dans une situation d’encerclement.
Encerclement
Encerclement par des menaces plus ou moins identifieÌ es et nocives. Citons les eÌ leÌ ments incontroÌ,leÌ s de Boko Haram dans la reÌ gion de l’ExtreÌ,me-nord, les braconniers soudanais, les voyous de la Seleka aÌ€ l’Est et au Sud-est, et les pirates de la baie de Douala, dans l’eÌ picentre du Golfe de GuineÌ e. Encerclement ensuite par une force militaire qui est deÌ jaÌ€ preÌ sente au Tchad, en RCA, au Gabon et au large de nos eaux territoriales. Encerclement enfin par une force militaire certes deÌ mocratique, qui a le droit d’aller et de venir sur un itineÌ raire sensible du Cameroun, sans l’obligation correÌ lative de recevoir des ordres du Haut commandement militaire camerounais ou de l’informer de ses opeÌ rations. L’incident qui a eu lieu en deÌ but de semaine dernieÌ€re au nord-Mali est assez eÌ difiant sur la confiance que les français font aux militaires maliens d’une part, et sur leur façon de collaborer avec une armeÌ e africaine d’autre part.La preÌ sence française peut eÌ,tre perçue comme un atout face aÌ€ la menace de deÌ stabilisation de la sous-reÌ gion, mais elle doit deÌ sormais eÌ,tre vue comme une source potentielle de difficulteÌ s quand on sait que la France traiÌ,ne toujours des troubles invisibles aÌ€ vue d’ il dans son sillage. En parlant de M. Djotodia la semaine dernieÌ€re, M. Hollande a dit qu’on ne « peut pas le garder ». Cela veut clairement dire que la France est capable de garder ou de chasser un preÌ sident de la reÌ publique en Afrique francophone. Historiquement, elle l’a fait. Rien n’indique qu’elle a cesseÌ de le faire. C’est dans cette deÌ claration-aveu du preÌ sident français qu’il faut aller chercher les soupçons d’agenda cacheÌ qui peÌ€sent sur la France. C’est cette deÌ claration qui nous dit la veÌ riteÌ sur les « vraies intentions » au moment ouÌ€ la France prend beaucoup de plaisir aÌ€ jouer les sauveurs en Afrique. Citons encore la CoÌ,te d’Ivoire, la Libye, le Mali et aujourd’hui la Centrafrique pour s’en convaincre. Il appartient aux français de nous convaincre du contraire. D’ici laÌ€, soyons vigilants. A bon entendeur, salut !
