Jacob Angoh: «Au Cameroun, le système de Contrat avec l’Etat est encore lourd»

Avocat d'affaire, il est le fondateur de la Legal Power Law Firm, ayant collaboré au rapport Doing Business 2011. Il…

Avocat d’affaire, il est le fondateur de la Legal Power Law Firm, ayant collaboré au rapport Doing Business 2011. Il commente le dit rapport

Monsieur Angoh, présentez vous à nos lecteurs et dites quel sont les spécialités de votre cabinet dans le domaine des affaires?
Nous sommes un cabinet juridique des affaires légales spécialisés dans le droit des affaires et de la propriété intellectuelle. Nous intervenons aussi dans le domaine des affaires criminelles.

Le rapport Doing business a été rendu le 04 novembre dernier, le Cameroun est 168ème, quels sentiments cela suscite chez vous?
Ce rapport est très objectif. Comparé aux années antérieures, le Cameroun a amélioré ses performances car il entre en jeu avec 5 places de gagnées : 168ème sur 183 économies. Nous avons élaboré un certain nombre de propositions destinées à créer un environnement favorable aux affaires pour ceux qui veulent investir au pays. C’est notre préoccupation et nous allons continuer à abonder dans ce sens.

Vous êtes indiqué comme un des partenaires de Doing business dans la rédaction de ce rapport, sur quel aspect avez vous travaillé exactement?
De part mon métier, je suis appelé à intervenir dans presque toutes les facettes d’une entité économique. J’ai été consultant pour des affaires bancaires, ainsi que lors des liquidations d’entreprises entre autre. En m’inspirant de toutes les difficultés rencontrées au cours de l’exercice de mes fonctions, j’ai élaboré des propositions pour l’Etat camerounais à travers le rapport Doing Business de la Banque Mondiale. L’une de mes recommandations reposait sur la création d’un guichet qui puisse réduire la procédure et la durée d’enregistrement lors de la création d’entreprise. En Afrique du Sud et en Europe cette procédure peut prendre 1 jour, pourquoi cela ne peut il être aussi le cas au Cameroun ? Lorsqu’un investisseur, étant dans ce contexte un créateur de richesse, veut investir au Cameroun, il devrait trouver des conditions facilitatrices pour implémenter son initiative économique. Un tel guichet présente ainsi l’avantage de réduire le nombre d’intermédiaires qui sont parfois autant de risque de corruption, de retard et d’entraves. Les investisseurs préféreront donc les autres pays où il est plus évident de mettre sur pied légalement une structure économique. Nous ne sommes pas toujours en position privilégiée avec la corruption qui fait tache d’huile sur notre réputation.

Dans le domaine de la propriété intellectuelle, il faut encore plus de trois mois pour enregistrer un brevet, comme cela s’explique-t-il?
L’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle) n’est pas la propriété de l’Etat Camerounais ; il faut aussi savoir que cette institution est très sollicitée. Compte tenu du volume de travail à l’OAPI et des demandes croissantes des requérants, je pense que 3 mois c’est raisonnable, comparée à d’autres pays où une telle procédure pourrait prendre plus de temps.

On a parfois l’impression que le vrai problème dans les affaires au Cameroun est plus le manque d’information, que ce soit du coté du privé comme du public, comment s’informent les entreprises sur la mise en application des politiques économiques?
La première chose à noter est que les camerounais pensent qu’on s’adresse à un homme de loi lorsqu’on est confronté à une difficulté relevant de sa compétence. Ces opérateurs s’attèlent à se plaindre de certains manquements de l’administration. Ils devraient s’adresser à un homme de Loi qui est un expert en la matière et qui va les aviser effectivement et efficacement sur la procédure à suivre lors de l’exécution d’un projet donné, car il sait quel est le document requis, la personne ressource du service concerné et à quel moment le faire. Mais malheureusement on réduit les Hommes de Loi à des « Sapeurs-pompiers » qui doivent éteindre le torchon qui brûle lors du règlement d’un contentieux. Il y a aussi le problème de l’application de la loi ; le Cameroun a de bonnes lois mais le problème réside en l’application effective de ces lois qui régissent notre pays, et nul n’est censé ignoré la loi.

Doing Business 2011 nous fait savoir que l’Etat met 800 jours (deux ans et demi), pour exécuter un contrat, comment est ce que cela est-il possible?
Le système par lequel le Cameroun diffère les contrats est lourd. Il doit y avoir une totale décentralisation. On ne saurait par exemple avoir un projet de route à Maroua et redescendre à Yaoundé pour y établir les documents officiels. La vraie question réside aussi dans l’évaluation du dossier d’un exécutant soumis à examen et la sélection finale de ce dossier en question. C’est la raison pour laquelle sur la plupart des contrats concernant l’aménagement des routes par exemple, avant que la décision finale ne soit prise, la saison des pluies est déjà présente, et par conséquent on suspend l’exécution des travaux.

Dans le cadre de vos interventions en qualité d’avocat d’affaire, quels sont les problèmes les plus courants avec l’administration
En tant qu’homme de loi, le problème récurent c’est la corruption et l’obstruction à la justice et à l’implémentation d’un projet de la part de l’administration, particulièrement lorsque vous avez à faire à des hauts cadres de l’administration. Certains d’entre eux sont complexés face à un juriste. Ils pensent que les hommes de loi se présentent à eux pour les défier et leur démontrer combien ils maîtrisent la loi. Or il est parfois juste question d’une coopération en vue de bien faire les choses.

Pour revenir à Angoh Jacob Law Firm, vous traitez des questions de propriété intellectuelle, en quoi consiste cet aspect de votre travail et quelles sont les difficultés et les contraintes administratives par rapport à la création d’une entreprises?
Les projets de déclaration de brevet d’inventions ou de déposées ne sont pas toujours viables en ce sens où la plupart des camerounais trouvent difficile de s’acquitter des frais à payer à l’OAPI parce que ces frais sont élevés et très peu ont réalisé des inventions qui sont enregistrés à l’OAPI. C’est la raison pour laquelle on serait tenté d’affirmer que la question de la propriété intellectuelle ne concerne que les étrangers. Qu’a cela ne tienne, les africains doivent protéger leurs inventions sinon les Occidentaux continueront de s’en servir sans scrupule pour le développement de leurs pays lorsqu’ils ne les achètent pas. Nous faisons un appel aux Etats africains d’assister leurs ressortissants lorsqu’une invention peut améliorer l’économie d’un pays et son développement intellectuel.

Un mot pour terminer
Tout d’abord je voudrais vous encourager et vous remercier en tant que médias s’inscrivant comme un parti prenant au développement du pays. En ce qui nous concerne nous allons continuer à faire de notre mieux pour contribuer au rapport du Doing Business. Espérant que le Gouvernement camerounais va prendre des mesures pour créer un climat des affaires propice à la création des entreprises et améliore le bien être des citoyens.

Jacob Angoh
Journalducameroun.com)/n