Il vient de commettre un livre-document où il demontre comment bâtir une administration grâce à l’intelligence artificielle
Lorsque l’on tient votre livre entre les mains, on voudrait savoir à qui l’on a à faire. Qui est Djamen Jean Yves?
Informaticien, fonctionnaire de l’administration camerounaise depuis plus de 25 ans. Passionné par mon pays, le Cameroun et résolument déterminé. Optimiste car je suis de ceux qui voient le verre à moitié plein. Né à Douala de famille modeste, j’amorce mon cursus scolaire à l’Ecole Sacré-C ur de New Bell puis plus tard, au Lycée Polyvalent de Bonabéri. De cette époque, je garde le respect des ainés et l’opiniâtreté dans le travail. C’est aussi pendant cette période que germe en moi la passion qui m’anime. Comment pouvait-il en être autrement? Mes amis, mes mères et mes pères venaient de tous les coins du Cameroun. Je poursuis mes études à l’Institut Africain d’Informatique (IAI) de Libreville et j’amorce ma carrière de fonctionnaire au terme de ma formation d’analyste. Pendant trois ans, je sers mon pays. La fièvre de la connaissance me pousse à reprendre le chemin de l’IAI où j’obtiens le diplôme d’ingénieur. Il se trouve que fortuitement, l’Université de Montréal décide d’intensifier sa coopération avec l’IAI en offrant aux meilleurs une bourse leur permettant de poursuivre leurs études doctorales (Ph.D.) en son sein. L’Université de Montréal m’a accueilli pour mes études doctorales et postdoctorales en Intelligence Artificielle. Mission accomplie, je rentre pour apporter ma contribution à l’édification de notre pays,
Est-ce ce parcours qui vous a permis d’être expert modéliste? Quelles études faut-il faire pour être expert modéliste?
Sur le plan académique, les études effectuées m’ont permis d’acquérir une expertise certaine en modélisation de systèmes complexes. Mon domaine d’expertise qui relève de la «qualitative physics», est aujourd’hui désigné «qualitative reasoning». Il s’attaque principalement à la modélisation des systèmes physiques tangibles ou intangibles. Ayant eu l’opportunité d’avoir prise sur les réalités de gouvernance dans nos Etats et après de longues années de recherche en Intelligence Artificielle, je suis en mesure de prendre la juste mesure des problèmes y afférents. Les problèmes de gouvernance peuvent trouver leur solution grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle.
Qu’est ce qui vous a poussé à écrire et éditer ce livre?
Le désir de partager les expériences vécues et les meilleures pratiques sont autant de raisons qui m’ont motivé. Dans le contexte professionnel, j’ai été confronté aux réalités de gouvernance de nos Etats, malheureusement dans les aspects liés aux mauvaises pratiques. J’ai été saisi par exemple par la facilité avec laquelle un agent public pouvait sceller le sort d’un usager au mépris des textes en vigueur, transformant ainsi le service public en puissance publique; réduisant ainsi une position administrative en fonds de commerce aux dépens de l’Etat. Ce déplaisir m’a donné l’occasion de proposer et mettre en pratique une solution concrète pour l’amélioration de la qualité du service rendu à l’usager. Le Prix d’Excellence décerné au Cameroun par l’Organisation des Nations unies en juin 2004 pour l’amélioration de la qualité du service rendu à l’usager a couronné ces efforts. De nombreuses références faites à la gouvernance se limitent presque exclusivement aux aspects de la critique et non sur l’art de la gouvernance. A titre d’exemple l’Institut de la Banque Mondiale élabore des indicateurs globaux de gouvernance depuis 1996.
Qu’entendez-vous par gouvernance et intelligence artificielle?
J’entends par là une gouvernance intelligente pour l’édification d’une Nation. C’est l’utilisation de l’intelligence artificielle pour comprendre la gouvernance humaine et la reproduire dans la machine afin de permettre à chaque acteur de jouer pleinement le rôle qui lui est dévolu. C’est la garantie d’une administration performante! Comprendre la gouvernance d’une administration nécessite la modélisation fine de ses constituants les plus essentiels qui s’articulent autour de sa structure organisationnelle, des acteurs qui l’animent et des missions qui leur sont assignées. C’est le triptyque (Structures, Acteurs, Missions). Les ressources matérielles et financières ne viennent qu’en appui au déroulement des missions assignées. La reproduction de la gouvernance dans la machine se fait à travers ses perspectives d’automation, de digitalisation et de transparence. Elle vise à confiner les acteurs internes et externes dans leurs rôles respectifs. Avec l’automation, il n’est point besoin de réaliser manuellement les traitements qui peuvent être confiés à la machine. Ce serait, sinon, prêter le flan aux dérives décriées, à la mal gouvernance. Dans les perspectives de digitalisation, les données de gouvernance sont authentifiées, protégées et sécurisées. Il s’agit par exemple de ne pas soumettre aux traitements automatiques des données non authentifiées, ni d’archiver des informations non pertinentes. Quant aux perspectives de transparence, il y a lieu de rendre l’information disponible aux acteurs concernés, en garantissant les aspects de confidentialité.
Qu’est ce que vous ressentez lorsque l’administration camerounaise reçoit un prix des Nations unies?
C’est une fierté immense pour mon pays. Une admiration sans borne pour nos leaders qui ont fait le pari d’une administration moderne au service des usagers et non l’inverse. Un hommage mérité à toute l’équipe qui avait investi beaucoup d’énergie pour permettre aux usagers des services publics de vaquer à leurs occupations quotidiennes sans appréhension quant à l’évolution de leurs carrières ou à la prise en compte des effets financiers y afférents. C’était enfin l’assurance qu’aucun autre Camerounais ne serait dorénavant persécuté pour le suivi de sa carrière par l’exercice de la puissance publique abandonnée aux mains des fonds de commerce tel que j’en gardais le triste souvenir.

En quoi consistait votre poste de conseiller technique N°1?
Un Conseiller Technique dans l’administration camerounaise est chargé de faire ce que son Ministre lui confie. C’est aussi vague que cela. Le rôle qui m’était confié s’articulait autour de tout ce qui portait sur la modernisation de l’administration. A cet égard, je devais réfléchir sur les voies et moyens permettant de rendre performants les systèmes de gestion des ressources humaines de l’Etat dont les plus visibles à l’époque étaient SIGIPES et ANTILOPE. J’ai aussi assuré, l’administration nationale du SIGIPES et de son AQUARIUM de février 2003 à décembre 2005. De nombreuses autres missions m’ont été confiées. J’avouerai cependant, que je n’ai pas toujours attendu, les bras croisés, que mon Ministre me confie une mission. J’ai aussi «forcé le printemps».
Le 08 décembre 2005, au journal de 13h vous apprenez que vous êtes relevé de vos fonctions. A quoi pensez – vous?
Suspendu de mes fonctions plus exactement. Je rappelle que la fonction appartient à l’Etat et le grade à l’Agent. Il n’est donc pas anormal qu’un agent soit suspendu. Aussi, toutes les conditions de suspension de fonction et de reprise de plein emploi sont traitées par le Statut Général de la Fonction Publique. Pour ma part, les enquêtes m’ont lavé de tout soupçon en dévoilant la vacuité des accusations. Malgré le concert médiatique dont j’ai fait l’objet et l’obstination à ne pas appliquer les textes réglementaires, le fait que je sois libre de mes mouvements aujourd’hui prouve que le Cameroun est un Etat de droit et que le mal ne vient pas forcément de là où certaines personnes croient.
Vous restez fonctionnaire de l’administration camerounaise, à quoi ressemble votre quotidien?
Préparation de conférences, interventions dans les administrations qui sollicitent mes services. Préparation d’articles. Bref tout ce qui fait appel à l’intelligence humaine (rires).
Votre vision de l’administration camerounaise?
Pour certains, l’administration camerounaise est sclérosée par la corruption et la mal gouvernance. D’autres diraient que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. La vérité se trouve quelque part entre ces deux extrêmes, car qui de nous ne connaît un instituteur ou un agent de l’Etat dont le dévouement l’a marqué? Comment percevons-nous rétroactivement le service public aujourd’hui? A mon sens, la question qui pourrait donc se poser serait celle de savoir si les différentes déclinaisons des pouvoirs de notre Etat sont organisées de telle sorte que chaque acteur puisse jouer pleinement son rôle, mais aussi celle de savoir si les différents acteurs assument les responsabilités qui sont les leurs.
Quels sont vos loisirs préférés?
Le sport, la lecture et voyager
Que souhaitez-vous pour le Cameroun?
La prospérité!

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