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Joseph Bomda: Être conseiller d’orientation au Cameroun

«Tous les détenteurs d'un diplôme de licence universitaire y entrent et donnent l'impression d'y être arrivés pour avoir un matricule…

«Tous les détenteurs d’un diplôme de licence universitaire y entrent et donnent l’impression d’y être arrivés pour avoir un matricule à la fonction publique et vaquer à autre chose»

Qui est Joseph BOMDA?
Sur le plan social, je suis un Camerounais de Bandjoun-HOUPOUO où je suis né il y a 34 ans. Amoureux du travail bien fait et grand lecteur, je compte plus sur le fruit de mes efforts que sur toute autre chose pour réussir. Il me plaît de savoir que mes idées et positions intellectuelles, aux côtés de celles des autres, peuvent participer à changer des situations sociales critiques. Obstiné dans l’objectivité, je ne recule pas devant l’opposition quand il me faut dénoncer et dire en quoi l’attitude de l’autre est dangereuse pour la communauté. Disponible, je suis aussi serviable dans la mesure du possible.

Quel est votre parcours académique et professionnel?
J’entre à l’université en 1997 à la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines, département de Psychologie. En 2000, j’obtiens une Licence en psychologie. En 2002, une Maîtrise en Psychologie sociale et en 2004, un Diplôme d’Etudes Approfondies en psychologie sociale. Je suis conseiller d’orientation scolaire depuis six ans et doctorant en psychologie sociale dans le cadre d’une double tutelle entre les universités de Yaoundé I (Cameroun) et Liège (Belgique).

Comment et à quel moment s’est prise la décision de devenir Conseiller d’orientation?
J’embrasse l’orientation scolaire en 2002, au moment de mon admission à l’Ecole normale supérieure (ENS), par nécessité d’emploi et non par vocation. Chemin faisant, au terme de ma formation en 2004, je comprends sa portée pratique en sus du contenu de ma formation et m’engage à valoriser le travail par mes prestations.

Comment s’organise et se passe une de vos journées professionnelles?
L’organisation de ma journée n’est pas arrêtée d’office. Mais généralement, j’arrive au bureau entre 7h30-8h30 pour repartir entre 14h30-15h30. Bref, je m’arrange à faire les 30 heures de service hebdomadaire auquel je suis astreint conformément à la règlementation (décret 2000/359). Descente en salle de classe quand une plage horaire est prévue pour l’éducation en orientation. Généralement c’est six heures par semaine. Réception des élèves, parents et collaborateurs enseignants, surveillants ou autres, sur rendez-vous ou pas. Tour du campus, rencontre avec les flâneurs pour entretien et conseil. Participation, éventuelle aux conseils de discipline quand c’est prévu ou à d’autres réunions administratives quand j’ai été sollicité. Lecture aux heures creuses dans le souci de mieux répondre aux questions de mes clients.

vous avez écrit beaucoup d’ouvrages sur le conseil d’orientation quelle vision avez-vous de cette profession au Cameroun?
L’orientation scolaire au Cameroun, en dépit d’un cadrage juridique fort indiqué et de quelques couacs surmontables, se présente comme un luxe et le conseiller d’orientation comme une sinécure. Luxe parce que si c’était utile tous les établissements et les potentiels clients (parents, diplômés et déperdus scolaires etc .) en bénéficieraient. Mais ce n’est pas encore le cas et on ne sait pas sur quelle base ce ne sont que les établissements publics qui en disposent et même pas tous. Dans certains établissements du Mfoundi (département de Yaoundé la Capitale) et du Wouri (département de Douala, la capitale économique), par exemple, vous trouverez plus d’une dizaine de conseillers d’orientation alors que dans le septentrion, certains départements et régions n’en disposent pas autant. Heureusement l’ENS de Maroua comblera cette lacune. Mais la qualité de la formation du fait de la quantité des formés, plus de 600 pour la première promotion alors que l’ENS de Yaoundé n’en a jamais formé autant, pourrait participer encore à ternir l’image de cette profession.

Pourquoi parler de sinécure?
Sinécure parce que tous les détenteurs d’un diplôme de licence universitaire y entrent et ils donnent l’impression d’y être arrivés pour avoir un matricule à la fonction publique et vaquer à autre chose. En mars 2008, sur 1400 formés depuis 1984 avec 55% de Juristes; 35% d’Economistes, 7% de Psychologues et Assimilés, 3% de titulaires d’autres titres universitaires, seuls 600 étaient encore en service au sein de l’éducation nationale (éducation de base et enseignement secondaires). Au niveau des études supérieures, les termes de références des premières assises de l’orientation dans un contexte d’application du Système LMD (Licences Master Doctorat) se voulait plus professionnalisant. On retrouvait seulement 57 conseillers d’orientation directement impliqués dans les universités d’Etat du Cameroun; soit: 14 à l’université de Yaoundé I (Pour près de 35 000 étudiants); 14 à l’université de Yaoundé II, 07 à l’université de Douala; 05 à l’Université de N’Gaoundéré; 04 à l’université de Buea; 03 à l’Université de Dschang et 10 dans les Services Centraux. Il y a donc lieu de se demander où sont allés les 843 autres et surtout, ce qu’ils font. Pourtant, l’orientation est un droit pour tous les enfants au même titre que l’éducation du moins si on s’en réfère aux articles 17, 28 et 29 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant ratifiée par l’Etat du Cameroun le 11 janvier 1993; article 29 de la loi N°98/004 du 14 Avril 1998 sur l’orientation de l’éducation au Cameroun.

Joseph BOMDA, le Conseiller d’orientation
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Comment faire donc pour améliorer cette situation que vous présentez sous une forme plutôt à tendance négative?
Cette profession ne polarise malheureusement l’attention dans des discours fuyants du politique qu’à l’occasion de la journée nationale de l’orientation à l’éducation de base et aux enseignements secondaires et lors des rentrées académiques. Elle reste néanmoins capitale dans la promotion de l’efficience des dépenses éducatives et l’atteinte de l’épanouissement individuel et social. Pour y arriver, il faut revoir la procédure de recrutement, la qualité de la formation en rendant fonctionnel le département des sciences de l’orientation créé en 1997 à l’ENS de Yaoundé. Il faudrait aussi prêter une attention particulière à la gestion des conseillers d’orientation sur le terrain sur le triple plan administratif, statutaire et carrière. En ce moment il n’existe pas de direction ni d’inspection en orientation au Cameroun et un Conseiller licence + 2 est moins payé qu’un enseignant Bac+3

Quelle méthode utilisez-vous pour faire passer le message du Conseiller d’orientation que vous êtes auprès de vos personnes cibles?
J’apprends à connaitre d’abord mes droits et mes devoirs. Et, dans le cadre de mes activités professionnelles, je m’y appuie, en plus de ma formation et de mes nombreuses lectures, pour dire qui je suis, en quoi je peux être utile tant pour l’individu que pour la société. Au niveau de mon lycée, les plages horaires destinées à l’éducation en orientation participent aussi de la communication sur mon métier. Bien que ce ne soit pas évident, j’utilise au besoin les médias (radio, télévision, presse) sur invitation ou sur proposition des services.

Vos ambitions personnelles?
Soutenir le plus tôt ma thèse et mettre mon expertise au service de mon pays par l’ouverture d’un cabinet d’études, d’information et d’orientation-conseil pour aider les parents et leurs enfants à rentabiliser les dépenses éducatives et participer conséquemment à la lutte effective contre la pauvreté.

Votre rêve?
Voir les pouvoirs publics et la population camerounaise prendre conscience de ce qu’un véritable souci de développement passe par la promotion d’un service de la prospective, de la planification et de l’orientation scolaire et professionnelle de qualité. Laquelle prend en compte la nécessité de disposer à court, à moyen et à long terme, des ressources humaines créatives, compétentes et compétitives indiquées pour la conception et la matérialisation des plans de développement. Il s’agit donc tout simplement, de voir les uns et les autres prendre conscience que les dépenses éducatives devraient être envisagées comme un investissement devant produire et participer conséquemment tant à l’épanouissement personnel que social. Cette perception obligera à solliciter les services des conseillers d’orientation qui devront eux-mêmes faire preuve de professionnalisme.


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