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Joshua Osih: Le Cameroun deviendra un pays vivable, pour faire des affaires, travailler et vivre

Vice président du SDF, il évoque son engagement, les élections, la rencontre Biya-John Fru Ndi Vous rentrez dans le SDF…

Vice président du SDF, il évoque son engagement, les élections, la rencontre Biya-John Fru Ndi

Vous rentrez dans le SDF en 1991, qu’est-ce qui vous y amène?
J’étais déjà ancré dans la gauche, j’avais des opinions de gauche, je pense que ce qui s’est passé le 26 mai 1990 était un acte très courageux. Briser le sceau de l’oppression en lançant un nouveau parti politique, ce parti était de gauche et je me suis dit que je dois m’y inscrire et c’est ce que j’ai fait.

Et quelles sont, selon vous, les difficultés à faire de la politique aujourd’hui dans un pays comme le Cameroun?
C’est très difficile de faire de la politique dans un pays qui n’est pas démocratique. Nous nous nous battons quotidiennement avec les atouts qui sont les nôtres. C’est d’ailleurs pour ça que le SDF est un front et non un parti. Il y a beaucoup d’incompréhensions et je pense qu’aujourd’hui après vingt ans, les camerounais ont finalement compris que la politique ce n’est pas entre deux ennemis mais entre deux adversaires et je pense qu’on doit encore évoluer pour un respect des droits de l’homme, des opinions de l’autre et surtout la liberté de penser de l’autre. Donc une fois qu’on y arrivera je pense que les choses vont changer. Et je pense qu’on est au seuil de ce changement là.

La professionnalisation du politicien est-elle pour vous un début de solution?
Je pense que c’est lamentable dans un pays comme le Cameroun aujourd’hui que l’opposition n’ait pas de place, même institutionnelle c’est-à-dire dans le protocole d’état. Je pense qu’il est primordial et nécessaire de professionnaliser la fonction politique au Cameroun surtout pour les partis politiques qui sont présents dans les institutions. Ça ne suffit pas de payer des députés ou des maires, il faudra donner les moyens à ces partis politiques afin que ceux qui y travaillent aient un salaire, vu que leur combat est d’utilité publique.

Quand on parle de parcours politique on parle de trajectoire, d’ambition et d’objectif, aujourd’hui quel est votre rêve?
Mon premier rêve c’est un meilleur Cameroun, je trouve que c’est lamentable la place qu’occupe notre pays aujourd’hui avec le potentiel, les ressources humaines, les ressources naturelles, la position stratégique et l’histoire qu’il a. Demain, si je dois être à la tête de ce combat là parce qu’il n’y a personne d’autre qui incarne ces idées, pourquoi pas ? Mais ce n’est pas une priorité pour le moment.

Lorsque vous êtes en campagne, qu’est-ce que vous dites aux concitoyens ? Qu’est-ce qui fait la différence entre ce que vous proposez et ce qu’ils vivent aujourd’hui?
Quand on est campagne, on fait d’abord l’état des lieux et ensuite, on évoque la place que le Cameroun devrait avoir au vu des ressources afin que les gens arrêtent de se résigner.

Tout va donc mal au Cameroun?
On ne dit jamais que tout va mal, on dit qu’un pays pourrait se porter beaucoup mieux. Moi je refuse d’accepter que les femmes camerounaises en 2010 continuent à mourir en essayant de donner la vie. Je refuse aujourd’hui que 90% des richesses du Cameroun soient contrôlées par moins d’1% de la population. Je refuse que les camerounais qui naissent aujourd’hui en 2010 ne soient pas sûrs d’avoir à manger, d’aller à l’école, n’aient pas de couverture sociale et ne soient tout simplement pas sûrs d’atteindre quarante ans. Je ne suis pas d’accord qu’une minorité écrase une majorité et que cette majorité est tellement opprimée qu’elle doit rester silencieuse et je pense que c’est mon devoir en tant que camerounais de le décrier et si je dois donner ma vie pour cela, je le ferai. C’est mon devoir de dire que trop c’est trop et que ça suffit, on est en 2010 le Cameroun mérite dix fois mieux ! Moi je dis toujours que le réel baromètre du niveau de vie d’un pays en voie de développement c’est la politique d’immigration des autres pays envers ce pays.

Vous voulez parlez de la Guinée équatoriale ?
En effet. La carte d’identité suffisait à aller en Guinée Equatoriale. Mais aujourd’hui il nous faut l’extrait de casier judiciaire pour obtenir un visa pour aller en Guinée Equatoriale. Un pays qui fait partie de la même zone économique que le Cameroun et dans laquelle on devrait pourtant pouvoir circuler librement avec une carte d’identité, comme cela se fait dans l’Union européenne. Au Cameroun, ce sont les ambassades qui ferment, ce sont les procédures de visas qui sont de plus en plus compliquées. Aujourd’hui pour aller en Grande-Bretagne, un camerounais doit attendre au minimum quatre semaines pour obtenir un visa. Ce n’est pas de la faute de la Grande-Bretagne. C’est le Cameroun qui a échoué. Ces Britanniques savent que sept sur dix personnes qui demandent un visa ne voudront plus rentrer chez eux parce que c’est impossible de vivre au Cameroun et pour ma part, c’est un baromètre qu’il faut prendre en compte. Il est encore plus important à mes yeux que l’indice de développement humain des Nations unies ou même les indices de Transparency International. Plus grave, nous avons notre capitale politique – Yaoundé – qui est censée avoir près de deux millions de personnes et qui manque très souvent d’eau courante. Conséquence : les gens ne peuvent pas se laver. C’est un problème crucial. On est dans une situation grave et je dirais même extrême. Il faut urgemment trouver des solutions et ces solutions ne peuvent que résulter d’une meilleure gouvernance. La meilleure gouvernance passe inéluctablement par l’existence d’un relais entre les gouvernés et les gouvernants et c’est l’absence de ce relais qui fait en sorte que le Cameroun n’avance pas ou plutôt recule. Ceux qui gouvernent au Cameroun ne gouvernent pas pour le peuple, ils gouvernent pour celui qui les a nommés. Tout est fait pour M. Biya et rien n’est fait pour le peuple.

Quels sont vos rapports avec John Fru Ndi?
J’ai de très bons rapports avec lui, je pense que j’ai le privilège d’être écouté, j’ai aussi l’obligation de l’écouter et je pense qu’à la tête du parti, nous formons un bon tandem. Il amène toute son expérience, son vécu, sa sagesse, vous savez on dit l’âge c’est la sagesse. Moi j’amène un peu ma fougue, mon expérience à moi et ensemble on forme une très bonne paire et je pense que c’est dans l’intérêt du parti.

Vous n’avez jamais été approché par le RDPC?
Tous les jours on vous propose d’être ministre, d’être ceci, de faire cela. Vous savez, je n’ai pas besoin de l’argent du RDPC. Je suis plutôt viscéralement attaché au combat pour un Cameroun meilleur. Contrairement à eux, j’ai des enfants camerounais alors qu’ils cherchent des passeports français pour leurs enfants. Je vis au Cameroun et je voudrais que le Cameroun devienne un pays vivable, émergent, un pays dans lequel on peut faire des affaires, on peut travailler et on peut vivre. Malheureusement, on survit depuis 28 ans au Cameroun.

Jodhua Osih, vice président du Sdf
Journalducameroun.com)/n

Si l’occasion se présentait, est-ce que vous vous sentez aujourd’hui prêt, capable de gouverner un pays comme le Cameroun?
Prêt oui, capable oui, est-ce que j’ai la volonté ? Je réponds pour le moment non car mon combat aujourd’hui est ailleurs.

Quelle est la place du SDF dans l’international socialiste aujourd’hui?
Le SDF est l’un des premiers partis africains membre de l’internationale et un grand nombre de partis ont été introduits avec le parrainage du SDF. Je pense qu’on a une certaine influence. On est considéré avec l’ANC d’Afrique du Sud, le MPLA de l’Angola et le PDS du Sénégal, comme les piliers de la famille socialiste en Afrique subsaharienne. Aujourd’hui notre famille s’élargit, nous saluons la victoire d’Alpha Condé qui est un des nôtres.

Et quels sont vos rapports avec les autres partis politiques au Cameroun?
Avec tous les partis progressistes je pense qu’on a un rapport sain, équilibré, chacun joue son rôle. Il y a beaucoup de partis politiques qui tiennent leurs congrès dans des cabines téléphoniques avec lesquels nous ne pensons pas pouvoir discuter, nous ne voulons pas discuter avec des individus, nous voulons discuter avec des groupes et tous ceux qui nous donnent l’apparence d’être des groupes, nous entretenons une bonne relation avec eux. Je peux citer le Manidem, L’Upc- Mackitt et plusieurs autres partis qui se réunissent plus ou moins, qui ont des débats en leur sein, des idées et qui acceptent qu’on peut progresser en ayant des accords et des désaccords. Mais il y en a qui sont opportunistes et dont il faudrait s’en méfier. Dans l’intérêt de l’avancée de la chose démocratique au Cameroun, nous avons l’obligation de parler avec tous ceux qui veulent parler avec nous et c’est normal. En tant que leader de l’opposition, c’est même une obligation et nous le faisons. En mars dernier, on a réuni une quarantaine de partis politiques autour de la question d’Elecam et nous sommes sortis tous avec un mot d’ordre qu’il n’y aura pas d’élection au Cameroun avec ELECAM dans sa constitution actuelle et je pense que c’est une preuve qu’on peut travailler ensemble.

Avez-vous été l’artisan de la 1ere rencontre Fru Ndi -Biya ?
Savoir qui a été l’artisan de cette rencontre est subsidiaire par rapport à l’amorce du dialogue politique susceptible de conduire, si elle est sincère, à la décrispation politique dont a besoin tout pays qui veut décoller sur les plans politique, économique et social. Ce qui était important pour notre pays, c’était la rencontre entre le Président de la République et le leader de l’opposition au cours de laquelle ils ont échangé. Il ya eu près d’un an avant cette rencontre, une demande d’audience au Président de la République avait été déposée dans les services de la Présidence par les émissaires du chairman. Cela avait été rendu public et la presse en avait d’ailleurs largement fait écho. Les responsables du parti s’étaient exprimés sur ce sujet. Nous avions précisé qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une demande d’audience du Président national du SDF au Président national du parti des flammes. Il s’agissait d’une demande d’audience du leader de l’opposition au Président de la République.

Dites nous comment se sont déroulées les négociations et ce que tout ça vous inspire ?
Il n y a pas eu de négociations. Nous avons été invités aux festivités marquant le cinquantenaire de notre armée nationale. C’est durant ces festivités qu’il nous a été signalés par la voix du Gouverneur du Nord-Ouest que le Président Biya allait accorder une audience au leader de notre parti. Nous ne pouvions pas décliner cette audience à partir du moment où nous avions estimé que c’était l’occasion idoine pour porter à sa connaissance et devant le peuple camerounais nos 11 conditions pour une participation du SDF dans l’ensemble du processus électoral. Comme vous avez pu le constater à travers les images diffusées, le chairman Ni John Fru Ndi lui a remis des documents relatifs aux griefs que le parti a vis-à-vis d’Elecam. La balle est donc du côté du Président de la République et nous attendons de voir si les revendications républicaines que le Chairman lui a personnellement adressées seront prises en compte dans les prochains jours et surtout seront traduites en actes. Cette rencontre, à mon avis, participe d’une démarche républicaine. Il n y a que dans ce régime d’exception dans lequel nous a plongés le parti des flammes depuis plus de deux décennies, que ce qui est considéré comme la norme dans d’autres pays devient une exception. Dans un pays où la civilité politique est régulièrement inscrite dans les m urs des dirigeants, ce type de rencontre devrait être courant. Chaque fois que le Président de la République veut engager la voix ou la position du Cameroun dans les grands sujets internationaux, chaque fois que le Président de la République veut prendre une décision délicate à l’intérieur du pays, il devrait en principe, dans une démarche républicaine, consulter l’opposition vraie notamment le leader de l’opposition et les autres Présidents de partis ayant obtenu un score d’au moins 5% lors des récentes consultations électorales. Il peut même, dans un souci d’élargissement, revoir ce pourcentage à la baisse.

Joshua Osih lors d’une conférence de presse à Paris
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