Ce camerounais installé dans le nord de la France depuis 15 ans, a milité au sein de nombreuses associations
Parlez nous de votre activité économique
Je suis Biologiste Médical, directeur d’un laboratoire de biologie médicale, situé à Doullens, dans la Somme. Avec mes quinze à 17 collaborateurs (en fonction des périodes) nous accueillons un peu plus de deux cents patients par jour. J’ai acquis ce laboratoire il y’a 10 ans après une première expérience dans le même secteur. Mon précédent laboratoire appartient aujourd’hui à un jeune biologiste d’origine camerounaise qui l’a repris cinq ans après moi.
Un mot sur votre enfance au Cameroun
Je suis né à Nkongsamba et j’y ai commencé mes études primaires. J’ai pu voyager beaucoup dans le Cameroun car mon oncle (le fameux Ingénieur Ketchemen, très connu dans les années 60-70 pour son émission radiophonique, « Le réveil du monde rural ») qui m’a recueilli après la mort de mon père était fonctionnaire et j’ai donc changé de ville au gré de ses affectations. Après mon baccalauréat, et un court séjour en l’Université de Yaoundé, je suis venu en France.
Vous faites donc vos études supérieures en France ?
Je suis arrivé en France en septembre 1974, accueilli par une de mes s urs aînées et mon beau-frère Dackam Dieudonné. Ils m’ont tenu la main et permis de faire mes études dans de très bonnes conditions. Après mon diplôme d’état en pharmacie j’ai continué jusqu’au Doctorat d’état en Immunologie tout en passant aussi les certificats de spécialité de biologie clinique qui me permettent de vivre aujourd’hui. A la fin de mes études, je suis rentré au Cameroun pour en repartir cinq ans après, pour des raisons personnelles.
Et comment naît votre engagement dans la vie associative ?
Tout a commencé à l’époque où j’étais étudiant. Comme beaucoup d’autres, je participais au sein de différentes associations à des des collectes de médicaments ou tout autre choses dont nous pensions qu’elles pouvaient être utiles à nos parents restés au pays, pour les envoyer au Cameroun. Il y a eu aussi des associations comme l’AED (Association pour l’Education et le Développement). Cette association a sans conteste contribué à la genèse de l’Université Des Montagnes (UDM) qui forme aujourd’hui des médecins au Cameroun. Aujourd’hui, il y’a surtout l’association IDEAL (Initiatives pour le Développement Economique en Afrique-Lille).
Parlez nous de Ideal
IDEAL veut dire : Initiatives pour le Développement Economique en Afrique. Le « L » à la fin marque notre appartenance à la ville Lille dans le nord de la France. Je suis entré dans cette association en tant que vice-président, l’ancien président est l’actuel préfet des Alpes Hautes Provence Pierre Ngahane. L’association est connue pour les colloques qu’elle organise tous les ans au mois de novembre en collaboration avec l’Université Catholique de Lille. La coopération décentralisée est l’autre cheval de bataille de l’association. Nous sommes entrain d’organiser une coopération décentralisée entre la communauté d’agglomération du Douaisis en France et la région de l’ouest au Cameroun pour la fourniture d’eau potable et une ébauche de traitement et d’assainissement des eaux usées.
Quelle est votre définition du mot diaspora?
Le mot diaspora, je le comprends par son étymologie latine qui veut dire dispersion. Il désigne donc des gens qui sont d’une certaine origine et qui sont dispersés à travers le monde hors de leur pays d’origine.
Et comment est-ce que vous percevez le rôle qu’elle doit jouer dans un pays comme le Cameroun?
Elle y joue déjà un rôle important par le poids financier qu’elle engendre. L’argent transféré par les membres de la diaspora camerounaise représente au moins 1% du PIB du pays. Cela dit Sans tenir compte de nombreux transferts (notamment par compensation) qui ne sont pas comptabilisés parce qu’informels. Les diasporas africaines peuvent aujourd’hui jouer un rôle essentiel très significatif dans le développement de leurs pays d’origine. La diaspora camerounaise est très bien formée sur le plan universitaire et professionnel. Cette diaspora ne demande qu’à être utile à son pays d’origine. Si jamais l’Etat camerounais le souhaite et s’y prépare, elle peut avoir en face une ou plusieurs organisations de sa diaspora capable de contribuer avec toutes les autres forces de la nation pour apporter des solutions dans pratiquement tous les domaines. Les raisons d’espérer sont là puisque ces dernières années le Cameroun qui semblait négliger sa diaspora est entrain de se rendre compte qu’elle représente un véritable atout pour son développement.
Vous avez participé au Davoc cette année et vous militez dans de associations de droit français. Selon vous existe-t-il une ou des diasporas camerounaises?
Il n’ya pas uniformité de la pensée. Ne serait-ce que du fait de la dispersion géographique, les pensées ne peuvent pas être identiques (ce qui est une richesse). Je suis d’ailleurs très heureux de participer au Davoc de Bonn pour constater que l’ambassade du Cameroun en Allemagne a appuyé l’initiative de jeunes camerounais. C’est une autre façon de travailler, différente de ce que nous vivons en France et qui à l’air de fonctionner.
La diaspora allemande semble plus pragmatique que celle de France. Votre avis?
Le Cameroun n’a pas le même rapport historique avec l’Allemagne d’une part et la France d’autre part. L’immigration camerounaise en Allemagne est beaucoup plus récente et est d’avantage constituée de jeunes venus là pour les études, ce qui n’est pas du tout le cas en France où l’immigration est plus ancienne et a été composée pendant longtemps de travailleurs plus ou moins qualifiés et de personnes venus « en aventure ». Cela n’empêche pas qu’en France les étudiants camerounais représentent encore près de 50% des étudiants africains d’origine sub-saharienne.
Est-ce que les camerounais de votre espace de vie sont dans des associations ? Sont-ils mobilisés?
Si je m’arrête à ce que je vois aujourd’hui en Allemagne, je serais tenté de dire qu’ils sont beaucoup moins mobilisés sur le plan associatif en France où la tendance à s’isoler dans des tours d’ivoire semble plus grande. Néanmoins dans l’ensemble pratiquement tous sont soucieux de l’avenir de l’Afrique.

Quel était l’objet de votre présence au Davoc 2010 ?
J’étais invité à m’exprimer sur les opportunités entrepreneuriales dans le domaine de la santé.
J’ai bien sur évoqué quelques pistes mais surtout insisté sur le fait que : Sur le plan entrepreneurial, quelque soit le secteur dont on parle, il faut de l’imagination, l’audace, la prise de risque et l’anticipation. Il faut toujours se poser la question de savoir si ce que les autres ont fait correspond à notre situation, si on peut s’adapter. Un environnement aussi sensible que le médical ou le paramédical ne peut être organisé que par les pouvoirs publics. Afin de définir les règles et permettre aux vrais professionnels d’exercer. Il y’a beaucoup d’impostures au Cameroun notamment avec les médicaments de la rue, pire encore les nombreuses contre – façons qui circulent trop facilement.
et la création des centres de santé non homologués.
Tout ceci confirme la nécessité d’une bonne gestion publique. Car le domaine médical est très sensible. A mon sens, il y’a des professionnels qui ont été formés qu’il faut promouvoir et des imposteurs qui achètent leur stéthoscope le soir et se disent médecins le lendemain pour escroquer ceux qui souffrent et mettre en péril leur vie.
Quel est le bilan personnel que vous avez fait de votre séjour au Davoc 2010?
Très positif. J’ai vu que le gouvernement camerounais (et même plus haut, la Présidence de la république), peut établir des rapports très cordiaux avec sa diaspora. Il reste maintenant à voir comment les uns et les autres vont faire prospérer ces rapports afin qu’ils aboutissent à la résolution de nos nombreux problèmes pour la satisfaction du plus grand nombre.
Quelle est l’actualité de Ideal ? Notamment ses projets pour 2011?
En novembre 2010 nous avons organisé notre 7ème colloque dont le thème était : « 50 ans après : Quelles perspectives de développement pour l’Afrique ». Et il faut bien comprendre pour l’Afrique et plus précisément pour les africains. En effet le développement de l’Afrique nous semble inéluctable. Le vrai enjeu est qu’il se fasse aussi voire surtout au profit du plus grand nombre d’africains possible. Le thème majeur de notre colloque 2010 était : « Réappropriation intellectuelle de l’Afrique par ses natifs ». Ce titre pour faire entendre le désir de contribution des diasporas dont nous faisons partie. Un petit tour sur notre site www.idealasso.org permet d’apprécier la qualité des nombreux intervenants et des débats. En 2011 notre colloque portera probablement sur les problèmes de santé plus particulièrement sur l’incidence des grandes endémies telles que le Sida, le paludisme, la tuberculose et la lèpre sur le développement de l’Afrique. Nous espérons pouvoir rentrer dans la phase active de la coopération décentralisée dont nous avons parlé, tout en reconnaissant les grosses difficultés qu’il y a d’établir de telles actions en tout cas au niveau que nous souhaitons.

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