Les exploitants et les agents de l’Etat chargés d’encadrer la coupe de bois ont mis sur pied des astuces pour contourner les exigences légales
Il est midi ce samedi 13 décembre lorsque nous mettons pied dans la localité de Nkolfep, située dans le département de la Lekié, région du Centre. Dans ce petit village aux allures paisibles, la coupe de bois représente la principale source de revenus de la population. Le matériel trouvé par terre, les troncs d’arbres abattus, les bruits de scie à moteur au loin dans la forêt, le prouvent à suffisance. Sur la route, quelques instants avant déjà, nous avions croisé des camions chargés des planches qui roulaient en sens inverse.
Ici, malgré les prescriptions du gouvernement, se procurer du bois n’est pas très difficile. Tout le monde ou presque peut se lancer dans l’activité. Il suffit d’avoir le matériel nécessaire à la coupe ; il faut «savoir à qui s’adresser», mais surtout avoir les poches remplies d’argent. Bertin N., employé d’un exploitant de bois rencontré sur le site nous explique qu’ici les choses vont d’elles-mêmes. «Chaque personne qui veut couper du bois sait exactement ce qu’elle doit faire. Et c’est très simple en fait», juge-t-il.
Tout commence chez les agents du ministère des Forêts et de la Faune. Ce sont eux qui donnent aux exploitants l’autorisation de couper du bois. Bien entendu, cette autorisation est verbale et ne s’obtient qu’après avoir allongé quelques billets de banque. Vous devez donc débourser entre 5. 000 et 10. 000 FCFA. Mais ça c’est lorsque que vous êtes un autochtone. Au cas où vous n’êtes pas «un enfant du pays» ou que vous êtes un nouveau dans l’activité, l’autorisation s’obtient jusqu’à 30.000FCFA.
Une fois l’aval des agents des eaux et forêts obtenu, les exploitants se rendent au près du chef du village pour lui signaler leur présence dans son territoire. Ils peuvent alors entamer les négociations avec les populations pour couper du bois sur leurs terrains respectifs. Une fois le bois coupé, il faut le transporter. Les exploitants se livrent encore ici au monnayage pour faire passer leur bois sans encombre. Il suffit de débourser la somme de 25.000 FCFA à chaque contrôle de police rencontré sur la route. Mais le montant à déverser peut être plus important en fonction des moments et de la quantité de bois.
Pour un camion transportant plus de 300 planches, les policiers peuvent réclamer jusqu’à 50.000 FCFA pour le laisser passer, nous confie Bertin.
Et dans le cas où l’exploitant est dans l’incapacité de verser cette somme, son bois est tout simplement saisi et, plus tard, vendu aux enchères. C’est ce que prévoit d’ailleurs la loi, pour tous ceux qui exploitent sans licence. Mais selon notre source, cela n’arrive que très rarement car les exploitants sont le plus souvent préparés avant d’aller couper du bois. Et de plus, une certaine amitié est déjà née entre ces exploitants et les personnes postées aux différentes étapes du circuit.

Journalducameroun.com / Téclaire Ngo Nyeck)/n
Ce que dit la loi
La loi portant régime des forêts, adoptée en 1994 stipule que les titres d’exploitation forestière ne peuvent être accordés qu’aux personnes physiques résidant au Cameroun ou aux sociétés y ayant leur siège et dont la composition du capital social est connue de l’administration chargée des forêts.
Par ailleurs, toujours selon la loi, on retrouve plusieurs types de forêts à savoir : des forêts nationales, communautaires et des forêts des particuliers.
L’exploitation des forêts du domaine national s’effectue par vente de coupe, par permis ou par autorisation personnelle de coupe. L’exploitation d’une forêt communautaire se fait pour le compte de la communauté, en régie, par vente de coupe, par autorisation personnelle de coupe, ou par permis, conformément au plan de gestion approuvé par l’administration chargée des forêts.
Dans son article 56 alinéa 1 la loi de 1994 sur l’exploitation forestière dit : une autorisation personnelle de coupe est, au sens de la présente loi, une autorisation délivrée à une personne physique, pour prélever des quantité de bois ne pouvant dépasser trente (30) mètres cubes bruts, pour une utilisation personnelle non lucrative. Cette disposition ne s’applique pas aux riverains qui conservent leur droit d’usage.
Les autorisations personnelles de coupe sont accordées de gré à gré, pour une période de trois mois non renouvelable. La loi précise dans l’article 58 : les permis d’exploitation et les autorisations personnelles de coupe ne peuvent être attribués qu’à des personnes de nationalité camerounaise auxquelles les facilités de toute nature peuvent être accordées par l’interprofession, en vue de favoriser leur accès à l’exploitation forestière.
Toutes ces dispositions juridiques et oblligations, la plupart des exploitants ne les maîtrisent pas et d’autres préfèrent les ignorer prétextant le coût élevé de l’obtention d’une licence d’exploitation, la durée de la procédure et bien d’autres raisons qu’ils taisent.
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