Par Dr. Mbarga-Abéga, modernisateur de la politique africaine de la France
Paul Biya sûrement ! Raisons invoquées : c’est grâce à lui que le Cameroun est un havre de paix, depuis sa prise de pouvoir en 1983. Pour ceux qui ne l’auront pas compris, Paul Biya incarne pour le Cameroun la paix tant à l’intérieur du pays qu’aux frontières. C’est pourquoi le peuple camerounais lui en est reconnaissant, oubliant même la situation économique catastrophique du pays. L’histoire retiendra aussi, qu’on apprécie ou non Paul Biya, que c’est grâce à sa sagesse que le Cameroun a évité de justesse une guerre civile avec son puissant voisin le Nigeria, dans le conflit frontalier de l’Île de Bakasi, qui opposait les deux pays. Le Cameroun lui doit d’autres réalisations : l’instauration du processus de démocratisation en cours, la création du RDPC, son parti politique majoritaire dans le pays. Quand bien même l’opposition camerounaise manque de moyens d’action, la liberté d’expression est en amélioration au Cameroun depuis les années quatre vingt-dix. Aujourd’hui, il n’y aurait pas officiellement de prisonniers politiques au pays de Paul Biya. Telles sont les raisons, pour lesquelles les braves Camerounais vont votés massivement pour Paul Biya, mais aussi, parce qu’ils ont peur de voir un aventurier prendre la direction des affaires du Cameroun en 2011. C’est pourquoi depuis des mois, au Cameroun comme à l’étranger où se trouve une communauté camerounaise, on entend, au sein des organes du parti RDPC, dans les bars et les restaurants et même dans les rues de Yaoundé et de Douala, les sympathisants du RDPC, parti de la majorité présidentielle, chanter en ch ur: « Paul Biya est une valeur sûre pour le Cameroun », ou encore, « laissez Paul Biya, finir ses mandats, présents et futurs». Ces exhortations ne sont pas uniquement celles des partisans pur sucre du RDPC, de Paul Biya, certains observateurs étrangers affirment que la stabilité politique des jeunes Etats africains est seule gage du développent économique à long terme de l’Afrique subsaharienne.
Le nouveau Président face aux urgences de la société camerounaise en crise
S’il est vrai que la stabilité politique et le processus de démocratisation demeurent, à ce jour, des acquis historiques du Cameroun, les chantiers en cours et les réformes qui attendent le nouveau chef d’Etat, issu de la présidentielle de 2011, sont titanesques :
-instaurer dans l’urgence la bonne gouvernance et la démocratie économique
-préparer l’alternance politique pour garantir la stabilité des institutions du pays en cas de vacance du président de la république
-sortir le Cameroun du marasme économique actuel
-lutter contre la corruption qui plombe l’économie du pays et abîme son image tant à l’intérieur qu’à l’étranger. Les Camerounais toute classe sociale confondue sont à ce jour considérés comme étant des corrompus et des voleurs de grand chemin
-réformer en profondeur l’éducation nationale et socioculturelle, la santé publique, la recherche scientifique
-renforcer et étendre la formation spécialisée des jeunes et des femmes, parce que l’avenir appartient aux métiers des services
-respecter scrupuleusement et faire respecter les droits de l’homme en terre camerounaise
-lutter contre la pauvreté, la démagogie, la fuite des cerveaux et l’insécurité galopante dans le pays. Sur le plan international, le nouveau président devrait également revoir la politique extérieure de son pays. Le Cameroun a aujourd’hui une politique étrangère assez bien conduite sur le plan théorique, mais un peu vacillant sur le plan pratique, par exemple, les antennes diplomatiques du Cameroun à l’étranger ne font pas assez la promotion commerciale de leur pays à travers le monde.
Ces antennes assurent le service minimum, notamment la bonne marche des services consulaires. S’agit-il d’un manque de moyens financiers et humains ou d’un déficit de motivation de la part des responsables de ces antennes diplomatiques à l’étranger ? Pourtant, à l’ère de la mondialisation, les antennes de la diplomatie extérieure du Cameroun devraient impérativement être une véritable vitrine des richesses économiques et socioculturelles du pays. Mais, curieusement, le Cameroun prend beaucoup de retard dans son développement économique y compris dans le domaine où, traditionnellement, il aurait pu être le « premier de la classe ». Il en est ainsi de la situation du Camerounais de la diaspora. Le Cameroun officiel, depuis des années, n’a pas de projet ambitieux pour ce dernier. Pourtant le dynamisme du Camerounais de la diaspora aurait pu, comme cela se fait déjà au Mali et au Sénégal, contribuer à l’épanouissement du Cameroun. Ce pays a pourtant besoin de l’effort financier et physique de ses filles et fils pour son indispensable développement économique. Malheureusement le cynisme de certains responsables camerounais, à qui l’Etat aurait donné les moyens pour faciliter le retour des investisseurs camerounais de la diaspora, bloque tout. Le Camerounais de la diaspora est toujours un sujet de mépris sur la terre de ses ancêtres. A cause du mauvais vouloir des autorités politiques, en général, il n’a pas la double nationalité, ni le droit de vote à l’exemple des Algériens, des Maliens et des Sénégalais de la diaspora. Il est tout simplement condamné à être un mauvais Camerounais qui vit et travaille à l’étranger, par conséquent, qu’il vive ou qu’il crève dans la rue, les autorités politiques de son pays d’origine n’en ont rien à faire.
La pauvreté du Camerounais d’aujourd’hui
Le Camerounais d’aujourd’hui vit la pire tragédie de la pauvreté de son histoire récente. Dans ce riche pays de l’Afrique Centrale, la pauvreté est présente partout, sauf dans la classe dirigeante et l’élite. Et rien ou presque ne rassure aujourd’hui les Camerounaises et les Camerounais sur leur avenir et celui de leurs enfants. C’est un drame insupportable pour les Camerounais qui avaient pourtant fait beaucoup d’efforts ; des études et des formations, afin de travailler et de gagner leur vie au pays sans avoir, pour raisons économiques, à s’expatrier en courant le risque de perdre leur vie sur les mers et océans. Une tragédie inconsolable pour les dynamiques Camerounais qui, malgré leurs conditions de vie extrêmement difficiles en terre camerounaise, mettent toujours leur espérance dans le président Paul Biya, qui dirige le pays depuis 1983. Leurs convictions : « les années écoulées ont permis au président Paul Biya, d’instaurer une stabilité politique durable dans un Cameroun divisé, malgré les apparences », maintenant, « grâce aux accords de coopération économique que Paul Biya signe avec les pays développés comme ce fut le cas en 2010 avec le Brésil, le président Paul Biya va sortir le Cameroun de sa pauvreté actuelle ». Pourtant, en fermant depuis des années la porte du développement économique du pays, la classe politique et l’élite en ont fait non seulement un pays qui se ferme sur lui-même depuis plus de vingt ans, mais qui donne l’impression d’être gouverné au jour le jour. Au Cameroun, il n’y a plus des plans quinquennaux qui permettaient le développement global et spécifique des régions – de plans quinquennaux qu’on vient, dit-on, de rétablir. Aujourd’hui, l’image du Camerounais dans son pays comme à l’extérieur, est en général, celle « d’un perroquet bavard qui colporte des rumeurs toujours contre son pays ou son compatriote ». A l’inverse de l’image du Camerounais des années 1970, qui imposait le respect et la fierté tant au Cameroun qu’à l’étranger. Mais au-delà des réformes indispensables que le Cameroun doit impérativement poursuivre et de la crise économique que connaît le pays, on peut se demander si un accord de coopération signé entre le Cameroun et le Brésil, pour relancer le développement économique du pays de Paul Biya, peut enfin entraîner une révolution profonde dans la mentalité des Camerounais, dans un pays où l’on a vu les êtres humains se transformer en véritables monstres de pilleurs des richesses nationales, faisant exploser toutes les limites de la corruption. Les Camerounais que nous avons rencontrés au Cameroun et en Europe voudraient le croire de toutes leurs forces. Mais, ils rappellent que le mental des Camerounais d’aujourd’hui demeure très réceptif à la corruption, particulièrement répandue dans le pays.
Le nouveau président issu de la présidentielle camerounaise de 2011, et le gouvernement d’union nationale devraient impérativement former le Camerounais de demain, une tâche difficile qui réclame des efforts ambitieux : politiques, intellectuels, spirituels et matériels. Le Cameroun a quelques atouts économiques pour surmonter les obstacles actuels, mais on ne connaît pas à ce jour les réserves pétrolières, ni celles des pierres précieuses, du gaz, du bois et du cacao de ce pays, qui compte dix huit millions d’habitants. Pendant que les Camerounais, demandent dans l’urgence la nourriture et la paix, mais, ils implorent aussi leur Dieu pour que cessent la mauvaise gouvernance, la corruption, l’insécurité, la pauvreté et le manque d’éthique qui retardent considérablement le développement global du Cameroun. Le président Paul Biya, adoubé par le RDPC, son parti politique majoritaire dans le pays et le fait qu’il n’a pas d’adversaire politique susceptible de le battre, est sûr de sa réélection en 2011. Ce dernier sollicite l’aide de la communauté internationale, pour la reconstruction économique de son pays. La présence de l’ex-président brésilien Lula à ses côtés, pour la signature d’un accord de coopération économique, l’année dernière, au Brésil, lui laisse également espérer le soutien d’autres chefs d’Etat des pays développés, pour consolider la modernisation indispensable, au Cameroun qui vient.
Sans démagogie !

Journalducameroun.com)/n