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Le pillage biologique de l’Afrique qui nous indiffère

Par Michel Lobé Etamé, journaliste L'Afrique se lance tous les jours de nouveaux défis. Ces actions solitaires et désorganisées en…

Par Michel Lobé Etamé, journaliste

L’Afrique se lance tous les jours de nouveaux défis. Ces actions solitaires et désorganisées en font une proie facile pour les multinationales et les laboratoires pharmaceutiques en Occident. En effet, ces derniers abusent de notre science traditionnelle pour produire de nouvelles molécules issues de nos plantes. Il en découle des brevets où l’Afrique n’est guère associée.

Il serait donc temps que toutes les collaborations qui associent les laboratoires pharmaceutiques étrangers aux herboristes traditionnels du continent engagent contractuellement les deux partis. Les brevets sur nos espèces typiques de la pharmacopée régionale offriraient un cadre de collaboration plus juste et équilibré.

La vulgarisation des connaissances de nos guérisseurs a profité aux grands groupes étrangers. Pour minimiser cet apport, ces braves guérisseurs ont été qualifiés de sorciers, marabouts, féticheurs et autres sobriquets disqualifiants. Il serait temps de reconnaître leurs apports à la médecine contemporaine. Mais il faudrait aussi sortir cette confrérie de son cadre ésotérique pour transmettre cette connaissance aux générations à venir.

La richesse ignorée de notre pharmacopée
L’Afrique subsaharienne est dotée d’une forêt riche et diversifiée en essences naturelles. Ces plantes ont longtemps été exploitées traditionnellement par nos herboristes qui gardaient jalousement leurs secrets. Cet héritage naturel ne s’est mal transmis dans un contexte colonial où le doute s’était installé.

L’Occident le sait et en a profité. Au départ, elle a mené une bataille féroce pour imposer les soins corporels par des médicaments issus de leurs laboratoires et inadaptés au climat tropical.

La forêt équatoriale jouissait naturellement de plantes où nos herboristes trouvaient toutes les ressources pour guérir des maux récurrents à notre climat : paludisme, fièvre jaune, typhoïde, lèpre, conjonctivite, maux de tête, etc. Cette médecine traditionnelle aux vertus affirmées n’a pas échappé aux grands groupes pharmaceutiques. Elle a été largement exploitée pour donner naissances à des molécules indispensables pour des médicaments en cours et qui sont vendus à des prix inabordables pour des populations africaines pauvres et décriées.

La forêt tropicale est encore immense. Elle dispose d’une richesse biologique que nous ne pouvons continuer à ignorer. La liste des molécules qui résultent de ses plantes est énorme. Les États, frappés par la cécité ne peuvent ignorer de nos jours tout ce trésor qui continue à être pillé en toute indifférence, en toute naïveté.

Or, nous savons que l’industrie pharmaceutique est très égoïste et indifférente à la misère du monde. Elle exploite sans état d’âme nos essences et s’enrichit. Profitant de l’inconscience collective de nos états, elle organise des recherches sur nos plantes avec l’aide de nos herboristes. Cette collaboration n’offre aucune garantie aux pauvres nationaux qui apportent leurs connaissances en échange de broutilles.

La stratégie des grands groupes pharmaceutique est classique. La découverte de nouvelles molécules est aussitôt brevetée et assure à ces derniers un champ de développement infini pour de nouveaux médicaments. Les pauvres nationaux offrent ainsi naïvement, sans aucune contrepartie, leur savoir-faire, une richesse incommensurable léguée par nos aïeux.

Encadrer la recherche pharmaceutique en Afrique
La forêt tropicale se meurt avec ses richesses. La déforestation sauvage observée au cours des cinquante dernières années est alarmante. Le désert avance à grands pas et aucune politique de reboisement fiable ne voit le jour. Il faut pourtant replanter les espèces pour garantir aux générations à venir un espace naturel où vivent en parfaite harmonie les animaux, les personnes et la flore. Cet espace est vital pour l’homme et son environnement. Mais, il permet aussi de sauvegarder une forêt qui disparaît par la folie, l’inconscience et l’égoïsme de l’homme. Cependant, nous continuons à activer une politique de terre brulée avec ses conséquences imprévisibles.

La forêt tropicale est une richesse pour nous tous, pour toute l’humanité. Elle produit l’oxygène sans lequel aucune vie n’est possible. Nous ne pouvons ignorer longtemps la symbiose naturelle entre nous et la nature. Une nature qui nous offre des plantes qui guérissent.

Mais l’égoïsme des grands groupes pharmaceutiques qui exploitent les molécules issues de nos forêts est à dénoncer. Car, ne l’oublions pas, ces groupes mènent une lutte acharnées contre tous les pays qui veulent verser certains médicaments dans l’escarcelle des génériques pour les produire à bas coûts.


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