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Le Pr Pierre Mbakam Nitcheu, un camerounais amoureux des Amériques

Installé à Londres, anime un ''think tank'' sur les Amériques. Il nous en parle Pierre Mbakam Nitcheu, vous animez un…

Installé à Londres, anime un  »think tank » sur les Amériques. Il nous en parle

Pierre Mbakam Nitcheu, vous animez un think tank basé dans la capitale britannique et qui se nomme Observatoire de la Politique Internationale des Etats Américains. Qu’est ce que c’est exactement?
L’observatoire est une structure totalement indépendante, chargée d’analyser les événements majeurs de la politique internationale des Etats américains, allant donc de l’Alaska à la Terre de feu. C’est ainsi que les spécialistes décrivent le continent américain.
L’actualité internationale de ce continent, que ce soit la politique internationale, la diplomatie commerciale, est très riche, notamment ces dernières années.
A partir de ces éléments, nous nous efforçons, après avoir donné l’information, de donner des avis objectifs en termes d’analyses, voir des avis personnels dans la mesure du possible. Je tiens à rappeler que nous sommes une structure totalement indépendante, donc libre de pensée. A ce titre, j’ajoute que nous retrouvons tout type de courant de pensée. Nous ne saurons donc être qualifiées de partisans.
Le public visé est varié: Les Institutions publiques et privés, avec évidemment un intérêt majeur pour les Amériques, les universitaires, les O.N.G., les associations et autres think tanks.
Nous souhaitons apporter nos conseils aux Gouvernements africains, dans la nouvelle phase de coopération qui s’est ouverte avec les pays d’Amérique Latine. Nous espérons réellement que ceux-ci nous suivront, et il en va de leurs intérêts, car il est très important d’engager des négociations, en montrant qu’on connaît son partenaire: sa culture, son histoire, ses atouts économiques et commerciaux, ses données politiques, sa langue, etc.
Nous serons également très heureux d’apporter notre concours, pour les entreprises de toute nature, qui souhaitent avoir une activité avec l’Amérique Latine en particulier, et les Amériques en général. Il s’agira d’informer de façon précise, sur la législation, et sur toute question relative au monde des affaires. Les responsables du continent américain que j’ai rencontré souhaitent réellement que les pays africains nous suivent, mais ne sont évidemment pas à leur place pour décider.

A t-il un rôle consultatif?
A ce jour, l’observatoire n’a pas de rôle consultatif auprès d’une quelconque institution, mais cela va sûrement venir, car nous avons envoyé des demandes justement de partenariat avec certains organismes, comme le Foreign and Commonwealth Office, puisque nous sommes basés au Royaume Uni, ainsi que d’autres Institutions des Etats du continent américain. Encore une fois nous tenons à notre indépendance d’idées.

Au sein de cet organe on retrouve des personnes de tous horizons en terme de nationalité, qu’ont-ils en commun sur le plan professionnel?
L’équipe d’analystes provient comme vous l’aurez constaté d’horizons divers, ce qui est le propre des relations internationales. Cette diversité s’exprime en matière de parcours académique, puisque les profils vont des diplômés en Relations Internationales aux diplômés en Sciences Politiques, ainsi qu’en Sciences Economiques. Tous ont au moins le niveau Master, avec une expérience significative des questions américaines, acquise par des stages, des études effectuées dans cette partie du monde, et/ou bien des travaux de recherches concernant les Amériques.

Pr Pierre Mbakam Nitcheu
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Est-il ouvert au public?
L’Observatoire n’est pas un organisme ouvert au public en tant que tel, mais toute personne souhaitant nous rencontrer pour quelque motif que ce soit, sera la bienvenue, et peut en faire la demande grâce au formulaire prévu à cet effet sur notre site.

Quelles sont les difficultés dans un tel projet?
Les principaux points où nous rencontrons des difficultés sont, comme il faut s’y attendre en cette période de credit crunch, d’ordre financier. Au delà des questions financières, le plus important pour nous est de trouver des partenaires institutionnels. Toutefois, les dossiers sont en cours auprès des Institutions ci-dessus citées. Il est vrai qu’avec des moyens matériels et financiers plus conséquents, nous serions bien plus présents sur le terrain.

Nous allons parler de vous. Animer une telle plate-forme nécessite des compétences et un amour pour le sujet au centre des préoccupations. Racontez nous comment l’idée a germé?
C’est très simple si j’ose m’exprimer ainsi. J’ai eu depuis mon parcours académique, et même avant, une sensibilité pour les Amériques. Dès lors, j’ai pensé qu’il fallait que les Amériques, en particulier l’Amérique Latine, et l’Afrique puissent mettre à profit une (nouvelle) relation, dans le cadre de ce qui convient d’appeler la coopération Sud-Sud. Les faits m’ont donné raison (contrairement à l’avis de l’époque de certains de mes Professeurs), puisqu’en Novembre 2006 se tenait le sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement d’Amérique Latine et d’Afrique, à Abuja, au Nigeria. Il a été décidé que ces sommets se tiendraient tous les 2 (deux) ans sur la base d’une répartition géographique. Hélas, le 2ème Sommet, prévu à Caracas en Novembre 2008 ne s’est pas (encore) tenu, et a été reporté au premier semestre 2009, officiellement à la demande des pays africains, qui avaient mis la priorité sur la rencontre de Doha.
C’est ainsi que l’un de nos objectifs est d’apporter notre expertise aux gouvernements africains, afin de mieux répondre aux différents aspects de cette coopération. Il faut bien comprendre que pour être crédible dans des négociations, il faut connaître son sujet. Or, en Afrique de façon générale, nous manquons cruellement de spécialistes des Amériques, et de l’Amérique Latine en particulier. Pour l’heure, nous constatons hélas, le peu d’intérêt, pour des raisons qui sont propres à nos Etats, à se laisser conseiller par nos vrais experts. Espérons que les choses changeront, car il en va de l’intérêt de nos Etats.
Toutefois, en 2004, grâce à un concours de circonstances (car je n’aime pas le mot hasard), suite notamment à ma rencontre avec une Conseillère Technique du ministre de l’époque, le professeur Maurice Tchuenté, j’ai eu à effectuer un travail pour le compte du ministère camerounais de l’Enseignement supérieur. Il s’agissait d’envisager la coopération en matière d’enseignement supérieur entre le Cameroun et le Brésil. J’y ai vu une option très intéressante, puisque dans cette étude, j’envisageais même une coopération plus large que le cadre Cameroun-Brésil, à savoir une coopération de bloc à bloc, notamment CEMAC-MER.CO.SUR. Evidemment ces accords inter-régionaux nécessitent qu’au sein même d’une Institution comme la CEMAC, il y ait déjà une harmonie effective des diplômes, que cela ne soit pas comme la libre-circulation très théorique des personnes qui, dans sa pratique, pose malheureusement encore problème de nos jours, sinon on avance en ordre dispersé, et le résultat sera évidemment négatif. Or, au sein du MER.CO.SUR on constate une certaine avancée sur ce point.
Lorsqu’en 2004, et suite aux élections présidentielles au Cameroun, une nouvelle équipe arrive, du coup il n’y a plus aucune suite des travaux effectués.
Il faut savoir qu’en matière de coopération, je pense que l’Afrique a beaucoup à gagner en diversifiant de façon significative, et pas seulement avec la Chine (encore que sur les rapports avec la Chine il y aurait bien des choses à dire, mais là n’est pas la question), ses partenaires. Nous pourrons bénéficier des technologies de pays tels que le Brésil, l’Argentine, le Mexique, et autres. Il ne s’agit pas ici d’évoquer le cas de la coopération des années 70 avec des pays comme Cuba et ses coopérants médecins, professeurs, instructeurs militaires, issus des guerres d’Angola et d’Ethiopie principalement, même s’il y eu également des coopérants cubains au Cameroun lors des années de braise impliquant les membres de l’U.P.C., mais c’est là, une autre histoire.
Nous pouvons établir des partenariats dans les domaines suivants : Agriculture (récemment des experts brésiliens se sont rendus au Cameroun), industrie, B.T.P., banque, assurance, transports, enseignement supérieur, communication. Il est important de spécifier que cette coopération doit inclure un important transfert de technologie.

Votre parcours universitaire justifie les compétences que vous mettez en uvre pour animer ce laboratoire d’idées. Quel est votre parcours académique?
Mon parcours académique se décrit ainsi: Baccalauréat en Sciences Economiques et Sociales, Diplôme de l’Ecole des Hautes Etudes Internationales de Paris, Maîtrise d’Etudes Européennes option International à l’université de Paris 3 – La Sorbonne Nouvelle, Maîtrise d’Etudes Spécialisées sur l’Amérique Latine, option Relations Internationales-Sciences Politiques à l’université de Paris 3 – La Sorbonne Nouvelle, D.E.S.S. Carrières Diplomatiques, Internationales et Européennes à l’université d’Auvergne, Clermont 1. Membre de l’Ecole Doctorale Europe – Amérique Latine de l’Université de Paris 3 – La Sorbonne Nouvelle.

Un camerounais qui s’intéresse à l’Amérique, on a envie de demander pourquoi? D’où est venue la passion?
Cela ne doit étonner personne, en tout cas pas un spécialiste des relations internationales. En effet, le propre d’un expert des Relations Internationales est de s’intéresser à toute question thématique et/ou géographique du monde, quelque soit son origine. Nous voyons l’exemple au sein des Nations Unies et des diverses organisation régionales. Je ne parle pas des résultats obtenus, je parle ici de l’organisation.
De façon générale, j’ai grandi dans un environnement multiculturel, puisque j’ai eu le privilège de fréquenter des établissements avec des personnes d’horizons très divers, depuis mon enfance, ayant bénéficié de conditions très favorables, car ma mère travaillait pour les Relations Extérieures, communément appelé le Département. C’est ainsi qu’elle a été envoyée dans diverses Missions Diplomatiques. Cela m’a permis de voyager et de m’accoutumer à différentes cultures. Ce lien pour les Amériques est né en Espagne dans les années 80, où j’ai fréquenté un grand nombre d’américains du Nord comme du Sud, ainsi que lors de ma scolarité au Lycée International de Sophia-Antipolis, sur la Côte d’Azur, entre Nice et Cannes.
J’ai donc, entre autres, effectué un passage par l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine à l’Université de Paris 3-La Sorbonne Nouvelle. J’avais dès lors un projet bien précis, à savoir défendre la coopération Sud-Sud, notamment, Afrique – Amérique Latine, dont je suis un fervent partisan. Au delà de la coopération classique du Cameroun en particulier, et de l’Afrique francophone en général, je demeure convaincu qu’une diversification significative de notre coopération sera bénéfique pour nos Etats, à condition qu’un cadre réaliste soit fixé, et que les bases de cette coopération soient établies, j’entends par là négociées, de facto par des personnes compétentes.

Quelques experts du groupe
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Vous avez enseigné à l’école des hautes études internationales de Paris. Avez-vous des rapports avec le monde universitaire camerounais?
C’est là, un de mes grands regrets, vous aurez donc compris que je n’ai, hélas, pas de rapports avec le monde universitaire camerounais. Je tiens à vous signaler que ce n’est pas l’envie qui m’a manqué, je dirai même, qui me manque. J’ai bien évidemment effectué plusieurs demandes, notamment à l’I.R.I.C. (puisque c’est le lieu indiqué des relations internationales au Cameroun), par le biais de son directeur, le Professeur Mouelle Kombi, également au temps où l’I.R.I.C. était dirigé par le professeur Pondi, afin de venir faire des conférences ou colloques. Fort malheureusement, je n’ai jamais reçu de réponses, mais enfin ils ont assurément leurs raisons. Qu’on ne dise donc pas, dans ce cas précis, que les camerounais de l’étranger ne veulent rien faire pour leur pays. Toutefois, je reste toujours disponible, et ça sera avec plaisir que je me rendrai au Cameroun ou ailleurs en Afrique, si certains Etablissements sont prêts à collaborer avec notre Observatoire. La porte reste grande ouverte, car nous estimons que toute coopération doit toujours être utile. J’ajoute que la seule Université africaine avec laquelle nous avons des contacts est l’université Omar Bongo de Libreville, avec le Département d’Etudes Ibériques, dont les Professeurs Ngou-Mvé et Nguema en sont de dignes représentants. Pour l’heure le manque de moyens de cette Université rend la concrétisation des conférences, quelque peu difficile, au vu de la distance qui nous sépare.

Quel pont actuel faites vous entre l’Amérique et l’Afrique quand on sait qu’il doit passer par l’Europe notamment la France pour le cas du Cameroun?
Les rapports entre l’Amérique et l’Afrique demeurent encore relativement faibles, surtout sur le plan commercial. En ce qui concerne les Etats Unis d’Amérique, on peut citer les actions de l’U.S.A.I.D., ou les initiatives de la communauté africaine-américaine. On peut également citer la coopération canadienne. Je pense toutefois qu’il ne faut pas s’attendre à un changement en profondeur de la relation avec les Etats Unis d’Amérique. En effet, l’Afrique a été plutôt absente de la dernière campagne présidentielle américaine. Les Etats Unis d’Amérique veulent cependant, avoir un poids sur la situation politique des pays africains, je crois que cela ne fait plus l’ombre d’un doute, n’hésitant pas à dire leur mot sur les différentes élections du continent africain, voir à apporter leur soutien à tel ou tel candidat. Nous ne devons pas oublier la citation : [bTrade, not Aid]
Il serait justement opportun de ne pas passer obligatoirement par l’Europe, même si celle-ci devance largement les autres partenaires de l’Afrique en général, et du Cameroun en particulier. Depuis fort longtemps, les pays de l’Union Européenne, autrefois pays de la C.E.E. ont établit un partenariat avec les pays d’Afrique, au travers des Accords de Yaoundé en 1963, puis des différentes Convention de Lomé, enfin avec les Accords de Cotonou. On peut encore citer le SYSMIN, ou les accords STABEX, concernant le système minier et la stabilisation des exportations, sans compter les différents F.E.D. (Fonds Européens de Développement), sans compter les Accords de Paris, et les Accords de Londres. Ce genre de structures, dont je ne discuterai pas ici de leur efficacité, n’existe pas encore dans la coopération avec les pays du continent Amérique.
Il s’agira, à la longue, d’établir des bases très solides avec les Etats américains, se doter d’institutions juridiques efficaces, capables de gérer les relations entre les deux entités. Cela peut passer par une coopération entre les institutions régionales déjà existantes, que ce soit entre l’U.A. (Union Africaine) et l’O.E.A. (Organisation des Etats Américains), que ce soit entre le MER.CO.SUR (Mercado Común del Sur) et la CEMAC, la CEDEAO ou la SADC. Il convient, avant tout, que ces institutions régionales africaines fonctionnent de façon normale. Il faudrait créer un statut d’observateur pour les différentes organisations régionales.
Fort de ces atouts, nous serons amenés à mettre sur pied une coopération dans les domaines que j’ai déjà cités: agriculture, industrie, énergie, communication, banque et assurance, B.T.P., coopération scientifique et technique, transports. Ce dernier domaine est très important, car il permettrait de relier les deux continents, sans passer par l’Europe, et pour cela il faudrait que les échanges prennent une tournure significative.

Pour nous contacter, le public peut aller sur le lien suivantwww.oasfp.com et par email: pimbak@oasfp.com

Pr Pierre Mbakam Nitcheu
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