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les aventures de Faka Bilumba, la chronique de François Zo’omevele Effa

J'ai rencontré cette semaine le président Senghor, il fulminait, il tempêtait, bref, il était en rage J'ai rencontré cette semaine…

J’ai rencontré cette semaine le président Senghor, il fulminait, il tempêtait, bref, il était en rage

J’ai rencontré cette semaine le président Senghor, il fulminait, il tempêtait, bref, il était en rage. Son courroux s’élevait contre l’emploi déplacé de certains mots et concepts. Ceci se passait dans cette illustre bibliothèque d’Alexandrie, dont l’incendie criminel témoigne déjà, m’a-t-il dit, de la volonté prononcée, il y a belle lurette déjà, de tenir les assises et les fondements historiques du savoir en Afrique, et à l’africaine.

– « Mon cher Faka Bilumba, toi qui es doté de cette omniprésence intemporelle, je souhaite, à travers toi, crier au scandale. Avant que je ne vienne ici, dans l’au-delà, il m’avait été demandé de siéger à l’Académie Française. Le choc et le pouvoir des mots employés en ce moment m’épouvantent. Je m’attarde sur les notions de coutume et de civilisation. On parle et dénigre les mariages africains, qui sont des mariages « coutumiers », à cause des habitudes « barbares continentales » : la dot, les cadeaux et que sais-je encore ? C’est pourquoi, pour qu’ils soient valables en France, il faut les transcrire, les mettre à la sauce de la civilisation. Le mariage civilisé est très tendance, il ne sert plus à former des familles qui se multiplient comme Dieu a dit à Adam et Eve. On peut se marier entre hommes et se marier entre femmes. Les droits de l’homme à l’occidentale s’en sont accaparés, et quand on punit au Sénégal ceux qui se livrent à cette pratique contre nature qu’est l’homosexualité , on crie au scandale, et même, le petit Sarko demande de libérer les homosexuels emprisonnés. »

– « Il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat, rétorque Besson, ce ministre de l’Expulsion. Je veux dire que nous prenons les nouvelles valeurs de la République pour la mondialisation. Nous ne voulons pas de votre polygamie, ni de vos excisions dans nos valeurs républicaines. Nous voulons bien de vos talents sportifs, nous avons besoin de Noirs noirs pour la qualification au mondial de foot, la main d’oeuvre noire sans papier ne nous dérange pas, tant qu’elle ne manifeste pas pour la légalité. Car, sachez-le bien, l’égalité, la liberté et même la fraternité, c’est français, et pour les Français ! Ceci explique que je redéfinisse la notion d’identité nationale. »

– « Ta mémoire est bien courte et sélective, mon pauvre confrère, lui dit Pasqua ! Fais très attention aux Africains, ils peuvent te marabouter quand tu prends des décisions injustes envers eux ! Regarde-moi, depuis mes charters maliens ! Ces expulsions honteuses m’ont valu, j’en suis certain, des maraboutages, et ma vie politique est devenue un enfer. J’ai expulsé des tas d’Africains tandis que je m’enrichissais sur leur dos avec les armes en Angola, avec le P.M.U. dans d’autres pays africains… Fais attention, ils sont tellement puissants en maraboutage qu’ils peuvent te rendre impuissant ! Bokassa a fait perdre des élections présidentielles à quelques uns, c’est d’ailleurs pourquoi Sarko est très intime avec les Bongo de père en fils, les Sassou de père en fils, les Biya de père en… ».

– « Mais non, pas Sassou e Biya, c’est moi qui vous le dit, moi le Noir, le Bassa qui n’aime pas le manioc. Je défends Besson, qui m’a nommé conseiller dans son ministère de l’Expulsion. Faka Bilumba a voulu faire de moi la risée de ses lecteurs. Je l’avais bien annoncé dans mon premier livre! Il n’y a vraiment pas de quoi être fier d’être noir, c’est moi, Gaston Kelman, qui le dit : « Say it loud, I’m black, I’m proud ». Je n’en suis pas fier moi-même de travailler pour un ministre qui va vous faire réciter à tous les nèg’ que vous êtes, que vos ancêtres étaient gaulois. La preuve, je n’aime pas le manioc, et je suis Bourguignon. »

– « Monsieur Faka Bilumba, si cela peut te réconforter, sache que j’ai appelé le président français au téléphone. Je lui ai dit qu’il faudra montrer patte blanche pour venir en Afrique du Sud, surtout quand c’est une main noire qui a qualifié son pays. Moi, Madiba, comme vous m’appelez affectueusement, je propose de faire signer une convention portant mon nom. Cette convention Nelson Mandela va demander à chacun de ses signataires de ne plus exploiter les Africains. Ne plus les exploiter politiquement en agitant le spectre de l’insécurité et de l’immigration clandestine à chaque élection, comme c’est de nouveau le cas en France en ce moment. Je sais que le Président français a beaucoup d’admiration pour les dictateurs africains, car il met tout le monde au pas dans son gouvernement, et la dernière visite d’Ali Ben Bongo à l’Elysée laisse présager une coopération visant à l’investiture prochaine en France du fils, comme ce fut le cas au Gabon, au Congo, au Togo. Je crois que c’est Besson qui n’a pas bien lu sa feuille de route ministérielle, il a dû lui être demandé de proclamer l’identité ancestrale africaine de l’humanité, bien qu’elle ne soit pas entrée dans l’histoire de la sixième république. »

Je vous avais promis la semaine dernière de vous parler du fameux coup d’état qu’ourdiraient les Africains du gouvernement d’ouverture sarkosien. Une enveloppe vient de me parvenir, m’encourageant à ne pas en parler… Avec quels arguments ? Promis, je vous dis tout la semaine prochaine.

.François Zo’omevele Effa
Journalducameroun.com)/n