« Je savais, je savais vraiment que cette trêve du comice agricole ne durerait pas longtemps. Moi, Barthélémy… »
Dans les forêts lointaines et les savanes tropicales, retentissent des cris d’angoisse, des complaintes et des craintes palpables. Afin de se donner un peu de contenance, « Ils » se sont réunis en secret, pour conjurer le sort ; tous, jeunes et vieux présidents réactionnaires d’Afrique subsaharienne, chantent ; mais ce sont des incantations. Vous, qui n’avez pas l’oreille exercée aux perceptions des choses mystiques, ne pouvez percevoir que cette mélancolique mélodie connue :
« Unissons nos voix avant de nous quitter,
Nous allons parcourir d’autres lieux.
La vie était si douce et notre monde si beau,
Entonnons un air d’adieu. »
Ce qu’il y a, c’est que, dans l’intelligibilité, vous vous rendez compte du message subliminal. Moi, je m’appelle Faka Bilumba. Et il va de soi que l’une de mes raisons d’être est de vous transcrire tout cela. Ecoutons ces chefs d’états aux abois.
« Unissons nos tyranniques et dictatoriales stratégies,
Car bientôt ce sera notre tour d’être vomis.
Les peuples d’Afrique se révoltent, ils sont pleins d’énergie.
Ils crient : Dehors tyrans ! Dehors bouffons ! Dehors faux amis !
Et bientôt nous irons comme Ben Ali,
Emportant notre honte, et nous serons bannis.
Nos Biens mal acquis sont déjà gelés,
Nous partirons pour de longs voyages,
Sans espoir de retour au pays,
Oui, même entre quatre planches ! »
Ai-je besoin de vous les citer, ces anxieux ? Ils ont pour dénominateur commun :
â- un goût immodéré du pouvoir,
â- de nombreuses atteintes aux droits constitutionnels de leur pays,
â- d’innombrables coups de canifs à leur constitution pour leur éternelle éligibilité présidentielle,
â- les plus jeunes ont hérité le pouvoir démocratiquement grâce à leur père et à la Françafrique
« Je savais, je savais vraiment que cette trêve du comice agricole ne durerait pas longtemps. Moi, Barthélémy, je t’ai offert ton fameux comice, Faka Bilumba. Tous les chefs traditionnels que mes sbires de doungourous de journalistes ont élevés au rang de Majestés, ont fait de moi une Majesté des Majestés. Me voici devenu docteur pour le doctorant en mysticisme que j’étais. Je peux me rendre invisible, je n’ai plus besoin d’avion présidentiel, s’il devait m’arriver de fuir comme Ben Ali, car mon nouveau titre de « Nnom-NGI » me confère des puissances immenses. C’est vrai qu’elles ne sont pas comme les tiennes, mais je n’ai plus peur de coups d’état. Alors, ne pense pas que ces bruits de rue qui éjectent les présidents du Maghreb ou qui instituent les républiques à deux présidents et à deux gouvernements, comme la Côte d’Ivoire et le Gabon, puissent me faire froid dans le dos.
Il est vrai que j’ai eu un peu peur de toutes tes menaces du mois de décembre, quand je croyais que ce comice n’aurait pas lieu. C’est pourquoi j’ai signé, c’est vrai, un décret, le 18 janvier dernier, nommant comme sous-préfet un de mes administrateurs qui était déjà mort depuis le 11 mai 2010. J’étais sous pression… »
« Je me suis invité, moi, Mba Obam, président du Gabon, le seul et le vrai, je me suis, certes, autoproclamé, mais il le fallait. Il a fallu, pour une fois, que des personnalités françaises, et pas des moindres, proches de Sarko, de Chirac et de Mitterand, témoignent à haute et intelligible voix dans les télévisions françaises que c’est moi qui avais été élu à 43 %, et que l’homme du Biafra n’avait que trente et quelque chose %. J’ai fait des requêtes pour l’annulation, le recomptage des voix, … rien n’a été fait. Et me voici, aujourd’hui, faisant une grève de la faim dans le palais des Nations Unies à Libreville pour que les vrais résultats soient reconnus. »
« Ne te fais pas trop d’illusions, mon cher Mba Obam. Voici plusieurs mois déjà que moi, Alassane Ouattara, je me suis autoproclamé président élu de la Côte d’Ivoire. A cette différence près : ceux qui me soutiennent, mes amis français de la Françafrique, sont ceux qui soutiennent ton adversaire, le fils Bongo. Mon pauvre ami Sarko a du fil à retordre, il ne sait plus à quel saint se vouer. Il vient de proclamer qu’il soutient le fils Bongo, ce qui est normal, car ce dernier a déjà dû envoyer sa participation en millions d’euros pour sa campagne électorale. »
« Et moi je ris jaune ! Ce n’est pas grave si vous ne le remarquez pas, je m’appelle Mao Tsé Toung. Ils se sont tus, tous les prétendus intellectuels, économistes et analystes qui n’avaient rien compris à ma révolution culturelle. Le pire, dans cette histoire, est que mon pays, la Chine, tient les rennes du système économique du capitalisme mondial. Nous avons racheté les dettes américaines, nous sommes en train d’engloutir l’euro, et surtout, d’enlever à la France sa mainmise sur les matières premières africaines. Je vous donne un scoop : nous allons bientôt racheter toutes les dettes des pays africains, et même le franc C.F.A., que nous allons affilier à notre système économique. Ca va chauffer, des larmes vont couler… »
«Ce qu’il a oublié de vous dire, mon ami Mao, c’est que sa révolution culturelle, il l’exporte en Afrique. Dans un livre qui se prépare, une espèce de manifeste pour un retour aux sources et aux valeurs fondamentales, il serait question de bannir, comme l’avait fait Mobutu, les habits européens. Il semble que les tissus et les modes à l’occidentale vont être taxés de plus de 500 % de frais douaniers. Les tenues traditionnelles, qu’il faudra appeler les costumes contemporains africains, seront de rigueur dans la bienséance vestimentaire. Le titre de « Son Excellence » n’existera plus pour les présidents de la république, les députés ne seront plus « les Honorables », et finies les « Majestés » de nos chefs traditionnels. Les ridicules perruques blondes des magistrats ne vont plus égayer, dans leur folklore, les palais de justice. Ne seront appelés « docteur » que les docteurs en médecine, et « professeur », que les professeurs en médecine. Tous les autres docteurs pourront afficher leur titre et leur spécificité doctorante ou professorale sur leur carte de visite et dans les couvertures de leurs publications. »
Réveille-toi, cher Cheik Anta Diop. Certes, le bruit des révolutionnaires fait peur ; cependant, ne commence pas à rêver à haute voix ! Il y a une contre proposition qui se met déjà en place par rapport à tout ce que tu viens d’énumérer dans ce fameux manifeste. Il semble qu’on pourra acheter très cher ces titres pompeux, comme on achète des titres de noblesse. Les cultivateurs du Sud-Cameroun revendiquent déjà une appellation contrôlée de leur titre de « Seigneurs de la terre ». Je ne sais pas si vous remarquez comme moi, cher lecteur, que nos amis, les présidents en émoi, ne sont pas très bavards aujourd’hui. Vous pourrez, par notre biais, leur répondre, les encourager, en leur disant autre chose que ces slogans qui leur font tellement peur : DEHORS LES DICTATEURS ! DEHORS LES TYRANS !
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