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Les aventures de Faka Bilumba N°6, la chronique de François Zo’omevele Effa

"A présent que nous sommes libres, libres de choisir notre loi, il est bien venu le temps de changer... Réveillons-nous!…

« A présent que nous sommes libres, libres de choisir notre loi, il est bien venu le temps de changer… Réveillons-nous!

« A présent que nous sommes libres, libres de choisir notre loi, il est bien venu le temps de changer… Réveillons-nous! Effaçons l’esprit tribaliste, effaçons la haine entre nous, que les mots union et fraternité prennent place dans nos coeurs. »

Voilà ce que chantait Manu Dibando dans les années 60 ; il avait encore des cheveux sur la tête ; il y avait en ce temps-là presqu’une radio nationale par pays africain, et la télévision n’existait pas encore. Des chansons saluaient et chantaient les « indépendances ». Dans les cours de récréation, les enfants jouaient au « gouvernement » ; il se formait des « gangs » dans lesquels, comme à la radio, un président nommait son premier ministre ; ce dernier nommait les autres ministres, et même, je me souviens, personne ne voulait être chef de cabinet car, n’en déplaise à Monsieur Hortefeux, il se parlait un français châtié, et le poste de chef de cabinet faisait plus penser à un planton des W. C. : personne n’en voulait ! D’autres chansons comme « Indépendance cha cha » claironnaient cette liberté, passant en revue les pays africains, leur capitale et le nom de leurs chefs d’Etat. Les enfants et les adultes aussi connaissaient tout cela ; c’était un peu paroles d’évangile, car tout ce qu’on disait à la radio ne pouvait être que vrai ! C’est pourquoi, ayant récemment assisté à une réunion d’anciens chefs d’Etat et hommes politiques de ces années-là, je me devais, chers lecteurs, de vous informer.

Il y avait Ahidjo, Bongo, le père et le fils, Mobutu, Lumumba, Sylvanus Olympio, Eyadéma, père et fils, Biya, Moumié, Moro Naba, Mandela, bref, une assemblée de politiciens qui voulaient faire le bilan des cinquante années d’indépendance africaine.

– « En tant que fils héritier du Président au règne le plus long de l’Afrique, règne que je compte démocratiquement améliorer avec l’aide de la France, je demande, malgré ma jeunesse présidentielle, de conduire avec Jacques Toubon les festivités de ces cinquante années d’Indépendance, pour lesquelles toi, honorable et irremplaçable Sarko, tu as institué en France une année de l’Afrique. »

– « Tais-toi, petit Bongo ! Tu as hérité cette génuflexion et ces complexes de soumission, comme beaucoup de ceux qui sont ici ! Toi, Ahidjo, tu es à l’origine de mon empoisonnement à Genève, avec la complicité de la France et de ses services secrets. Moi, Félix Moumié, je dérangeais les desseins impérialistes français dans leur plan néo-colonialiste des après-indépendances. Tout cela sous l’oeil de notre grand Général, l’homme de l’appel de Brazzaville dont l’histoire parle moins. Quand je pense que toi, Biya, tu as été un bon élève de cet Ahidjo, et que tu te vantais d’être le meilleur élève de Mitterand! »

– « Le temps passé ne revient plus ». C’est ce que chantait mon compatriote Franco, et son Tout Puissant O. K. Jazz, du temps du Tout Puissant Magembé, fameux club de foot-ball, et du temps du règne du Tout Puissant dictateur Mobutu, qui baisse honteusement les yeux, car il est hanté par la façon dont il m’a lâchement fait assassiner, moi, Patrice Lumumba ! Et toi, Sarko, qui proclamais la rupture pour être élu en France, toi qui viens de te vanter de détruire les paradis fiscaux, peux-tu demander aux banques suisses de remettre au peuple congolais l’argent que Mobutu a détourné et déposé chez elles ? Tu pourrais, tant que tu y es, demander la même chose à tes banques françaises, qui ont les milliards mal acquis de certains présidents africains ici présents. Au fait, je te demande à toi, Khadafi, ce que tu attends pour réunir un tribunal international qui juge les responsables de ces vols et recels des états africains. C’est bien cela, celui qui partage le fruit d’un vol est un recéleur ! »

– « Nous allons donc fêter 2010, année de l’Afrique, pour les vols, les recels et les exploitations que nous continuons à perpétrer sans nous cacher et sans ingéniosité. Moi, Jacques Toubon, obscur ancien ministre de la Culture, à qui on confie des missions comme celle-ci, je vous le dis, c’est pas facile ! C’est pourquoi je ne donne pas de la voix pour cette année de l’Afrique, qui ramène tant de mauvais souvenirs sur nos pratiques assez honteuses. Ce n’est pas une nouvelle pratique d’exploiter nos pauvres. Regardez Haïti ! Lorsque les troupes de Napoléon ont été mises en déroute là-bas, l’histoire ne parle que de Waterloo, et pourtant Toussaint Louverture aussi a flanqué une raclée à ses troupes… Il est envoyé en captivité au Château de Joux ; il y mourra de froid dans l’hiver du Jura. Et la France fait payer des amendes et des compensations aux Haïtiens parce qu’elle a perdu ses avantages coloniaux ! »

– « De la même façon, nous avons inventé le franc C. F. A. pour mieux exploiter, piller et voler nos anciennes colonies africaines. Nous « ramassons » presque gratuitement leurs matières premières, l’or, le diamant, la bauxite, les bois rares, et même, grâce à leur uranium, nous sommes un puissance nucléaire : la preuve est que nous ne produisons pas de pétrole, mais c’est grâce à leur pétrole qu’Elf et Total sont les premières entreprises françaises par leurs gros bénéfices… C’est pourquoi Michel Sardou a chanté à propos de la colonisation :

« On pense encore à toi, oh Bwana !
Dis-nous ce que t’as pas, on en a!

C’était au temps béni des colonies.

Tout compte fait, c’est peut-être à Eric Besson qu’il faut laisser le soin d’organiser l’année de l’Afrique ?! »

François Zo’omevele Effa
Journalducameroun.com)/n