Charles Ateba Eyene vient de commettre un ouvrage pour déplorer la prédation de la classe dirigeante notamment originaire du Sud
Intitulé: Les paradoxes du pays organisateur, le dernier de Ateba Eyene est un procès intenté contre les gouvernants dont l’action, loin d’être tournée vers le développement, se décline en l’abandon des populations y compris dans leurs localités natales respectives. Dans un contexte où des voix s’élèvent pour dire que le chef de l’Etat, Paul Biya ne fait arrêter que « ses frères du Sud », cet ouvrage à la couverture rouge (signe de la gravité du thème, du propos et de l’instant), met à nu le déséquilibre régional dans la répartition des postes administratifs sous Paul Biya au Cameroun. Une réalité jadis évoquée par Christian Cardinal Tumi. Mais que le gouvernement accusa de l’accabler de tribalisme d’Etat.
L’auteur lui-même originaire de la province du Sud par ailleurs celle natale du président de la République, se livre à une sorte d’inventaire à la Prévert. Il ainsi, des frères du village promus à divers postes de souveraineté et de responsabilité dans l’administration publique, les sociétés d’Etat et les autres excroissances depuis l’accession de Paul Biya au pouvoir en 1982. Dans cet exercice, où l’on croit que le pays organisateur (au pouvoir), jouit toujours de « la loi du domicile », pour se tailler « la part du loin », dans la couverture en infrastructures et la mise en place des projets de développement. A ce propos, Ateba Eyene qui retient comme cas pratique son Sud natal, revient sur « les quatre principaux péchés de l’élite du Sud ».
Il cite notamment, la non tenue du comice agro pastoral d’Ebolowa, l’aménagement toujours attendu deux décennies après, du port en eaux profondes de Kribi, l’illusion nourrie autour du sanctuaire à gorilles de Mengame et « la nébuleuse » autour du barrage hydroélectrique de Memvélé. Une manière de dire que le Sud est marginalisé par ses propres enfants. Subdivisés en cinq chapitres, « Les paradoxes du pays organisateurs » s’ouvrent par une dédicace « au président Paul Biya ». Un paradoxe aussi! L’auteur rend en suite hommage aux hommes et femmes « sédentaires ignorants du Sud ». Des lignes qu’il destine au temps présent et à la postérité pour un « changement radical des mentalités ».
L’auteur récapitule département par département, le nombre de ministres et assimilés. Dans ce registre, il fait savoir que sur 22 ministres, le département du Dja et Lobo s’en est tiré avec 10 sur 22 là où chacun des autres n’a obtenu que 2 à l’exception de la Mvila avec 8 plénipotentiaires. Par la même occasion, il révèle que 151 ressortissants de la province natale de Paul Biya ont été nommés à un poste avec rang de secrétaire général de l’administration centrale sous le renouveau. Cette tendance est la même pour tous les autres postes importants de l’administration.
L’enclavement de la province contraste pourtant avec cette avalanche de promotions. Pour ce faire, Ateba Eyene pointe du doigt accusateur et pourfend la « mentalité rétrograde » des « élites » du Sud qui ne savent pas capitaliser leurs capacités. Une attitude qu’ils veulent transposer à d’autres communautés et hôtes de leur localité.
Ateba Eyene cite à ce sujet le cas de l’éviction au poste de gouverneur de cette province, de Enow Abrams Egbe. Administrateur civil principal, il a, à 45 ans, été successivement, sous-préfet, préfet, secrétaire général de la province et gouverneur dans cette partie du pays. Il est de son point de vue l’une des victimes de l’égoïsme des gouvernants originaires du Sud. Et pourtant, comme le dit si bien le préfacier, Roger Tsafack, le Sud ne manque pas de moyens naturels et financiers. Dans une citation qu’il emprunte à Georges Ngango, de regrettée mémoire, M. Tsafack fait savoir que si cette partie du territoire disposent de détenteurs de capital social au dessus de la moyenne, elle brille par « la carence » d’hommes et de femmes « capables et décidés à sortie leur pays du sous-développement ». Une position que partage Guy Parfait Songue, l’auteur de la post-face qui indique que les faits, réalités et conséquences, relatés par Ateba Eyene, peuvent trouver leur origine dans la culture des populations du Sud.
Le livre de Charles Ateba Eyene, de ce point de vue est courageux et pratique. Son style réaliste fait de lui un essai doublé d’une enquête journaliste dont le rendu devrait se poursuivre.
