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Lettre de consolation aux Camerounais: un nouveau destin pour les lions

Par Dr. Olivier Bile, Président de l'UFP La récente participation des Lions à la coupe du monde 2014 n'a point…

Par Dr. Olivier Bile, Président de l’UFP

La récente participation des Lions à la coupe du monde 2014 n’a point été un succès, loin s’en faut. Chacun peut constater à quel point les commentaires et les discussions dans les maisons, dans les bureaux ou dans la rue sont empreintes à la fois de colère, de violence, de ressentiment et surtout de désarroi. Ce sentiment s’explique tout simplement par le fait que nous semblons tous dépassés par les événements. Apparemment, c’est un peu le ciel qui nous tombe sur la tête, assaillis que nous sommes par tous ces multiples problèmes à la fois d’insécurité, d’eau, d’électricité, de santé, d’argent et maintenant d’une nouvelle débâcle à la coupe du monde sur fond de conflits de toutes sortes.

Bien conscient du très lourd malaise qui pèse ainsi sur le pays alors même que le football est généralement ce rare domaine d’activités qui nous a souvent -il y a certes longtemps déjà – procuré quelque apaisement face aux vicissitudes du quotidien, j’ai voulu, en toute sincérité, vous adresser la présente lettre de consolation, dont l’intérêt est aussi de jeter les bases d’un nouveau destin pour notre équipe nationale de football voire pour le mouvement sportif camerounais en général.

Mais avant de semer, dit-on, il faut désherber voire dessoucher. Dans notre cas, il me semble que nous devrions passer par un véritable processus cathartique voire d’exorcisme collectif auquel nul ne saurait échapper, tant il est vrai que la responsabilité de nos contreperformances successives depuis 1990, ne saurait être le seul fait des joueurs comme certains veulent le laisser croire.

Les conséquences de la culture de la foi négative
En effet, le phénomène qui me frappe depuis quelque années, est le niveau d’exigence que nous faisons peser sur nos Lions Indomptables alors même que la plus belle femme ne peut offrir que ce qu’elle a. Avec le recul, la bonne question qu’il faudrait en vérité se poser est la suivante : Une société comme la nôtre, si peu soucieuse de performance, est-elle en droit d’exiger tant de performances à l’équipe nationale de football qui émane précisément d’elle ? Autrement dit, une société ambitieuse, travailleuse et performante (avec partout, « the right man at the right place »), n’est-elle pas la condition préalable pour la production de sportifs performants ? Pouvons-nous franchement et uniquement culpabiliser les seuls Lions, en nous réfugiant derrière le prétexte du « la faute à l’autre » ou en les érigeant en bouc-émissaires ? ».

Rien n’est moins sûr, surtout lorsque l’on se souvient un peu de tout ce qui a été à l’origine de la fronde des joueurs. Certes, le comportement desdits joueurs est blâmable à bien des égards et chacun d’eux sait exactement à quel niveau il a pu fauter et il leur appartient en conscience d’exprimer leur mea culpa. Je réitère cependant ici que leur comportement est tributaire de l’environnement général à la fois politique, économique, social, culturel et mentalitaire qui est celui du Cameroun actuel. En dépit de ce que ces footballeurs opèrent pour la plupart dans des clubs performants issus eux-mêmes de sociétés performantes, le conditionnement mental et l’esprit de travail des Lions lorsqu’ils revêtent le maillot de l’équipe nationale, sont hélas à ce moment, ceux du Cameroun tel que nous le connaissons dans sa nature intime.

Au moment où nous vouons les Lions du football aux gémonies, que faisons-nous entre autres, des Lions Indomptables de l’eau, de l’électricité, des médias, de la santé, de la justice, de l’éducation en général, ceux du gouvernement ou de l’administration, qui n’ont notamment pas eu la compétence élémentaire de régler intelligemment et honnêtement cette affaire des primes qui a été le détonateur de toute cette crise de 2014 ? Pouvons-nous vraiment affirmer que leur compétence, leur performance et leur intégrité à eux – je parle toujours des autres types de Lions – soient établies au quotidien, dans une société où l’argent et le matériel ont été érigés en idoles absolues ? C’est une question à méditer.

La culture de la Foi négative, socle de l’incommensurable pollution mentale qui est la marque de fabrique de notre pays, n’est-elle finalement pas la cause profonde de ces innombrables maux qui gangrènent notre société dans tous les domaines dont notre football est sans doute l’un des plus visibles ? Sinon comment comprendre que des co-équipiers ou mieux, des officiels à qui on ne saurait reprocher une impétuosité de jeunesse, dirigeant toute une délégation nationale, en viennent à se crêper le chignon devant les caméras du monde entier ? Que dire aussi de cette culture bien établie du conflit, de l’intrigue et de la foi négative qui en a souvent conduit plus d’un à souhaiter la défaite des Lions ?

Un adage célèbre, qui devrait nous inspirer à l’avenir dit « tel on fait son lit, tel on se couche ». S’il est vrai que nous avons le devoir de construire une société aussi performante que possible, si nous avons l’obligation de produire des acteurs performants dans tous les domaines de la vie sociale, les sportifs en général et les Lions en particulier ne pourront que tirer avantage de cet indispensable effort général de nivellement de la société vers le haut. C’est pourquoi je pense que tous les contempteurs actuels des Lions devraient être invités à davantage de modestie et de tolérance tant il est vrai que les modèles sont pour le moins rares chez nous. Le mouvement de redressement souhaité est de la responsabilité conjointe des dirigeants d’abord mais aussi du peuple tout entier. A cet égard, les décisions fortes et courageuses qui s’imposent en pareille circonstance, sont attendues du Chef de l’Etat. Il est plus que temps pour nous tous, peuple comme dirigeants, de sortir de nos cécités et de nos surdités volontaires pour constater que la situation étant plus que jamais critique, il faut en urgence changer résolument de mentalités et de politique.

Un nouveau destin pour les lions
Le projet de rebâtir une équipe performante, qui puisse nous faire de nouveau vibrer, rencontre alors celui de l’indispensable refondation spirituelle, culturelle, économique, politique, administrative et sociale de notre pays car encore une fois, il ne saurait y avoir de Lions forts sans un Cameroun fort. Les sociétés humaines se déploient dans une logique systémique qui prescrit que les différents domaines de la vie soient totalement imbriqués. Un Cameroun fort c’est d’abord des institutions fortes ainsi que des dirigeants stratèges qui, à travers leur gouvernance robuste, décomplexée et éclairée, favorisent la propagation de la Foi positive et du Winning spirit dans tous les domaines dont le football. D’un mental de vains lutteurs contre tout et finalement contre rien, nous devons passer à un esprit de conquérants et de gagneurs.

Pour inverser la tendance en performances devenue structurellement baissière en ce qui concerne notre sport en général et le football en particulier, il faudrait alors entre autres choses, commencer par le débarrasser des logiques de corruption et de mafia qui le gangrènent, notamment en favorisant dès la base, l’émergence des meilleurs qui ne sont pas toujours ceux qui peuvent financer l’entrée dans une école de foot, les bakchich à verser aux encadreurs et sélectionneurs ou encore les frais importants requis par les managers et autres agents de joueurs en vue des recrutements à l’étranger.

L’implication au premier plan des anciens Lions dans la réflexion stratégique sur l’organisation et l’avenir du football, leur mobilisation dans l’accompagnement et l’animation de l’équipe nationale comme on peut le voir ailleurs, devraient être adoptés et appliqués comme principe cardinal. L’objectif de modernisation des méthodes de management administratif, financier, juridique et sportif de Lions devrait donner lieu à la production d’un nouveau dispositif législatif et réglementaire encadrant le fonctionnement de l’équipe nationale.

Il conviendra aussi, de songer à la promotion de l’ensemble du mouvement sportif et non seulement du football. Cela passe par la formulation et la mise en uvre d’un plan ambitieux de dotation du pays de véritables infrastructures sportives. A cet égard, nos régions et surtout nos communes devront impérieusement jouer un rôle déterminant dans la réalisation d’un ambitieux programme d’équipement du pays en complexes sportifs pluridisciplinaires. Permettant aux sportifs de tous les âges et sexes de s’exprimer dans la discipline de leur choix, ils favoriseront l’identification des meilleurs talents dans de nombreuses disciplines. De la natation au tennis, du sprint à la course de fond, du football au basketball et j’en passe, la production d’une flopée de sportifs deviendra réalité. L’on pourrait alors en escompter une bien meilleure compétitivité sur la scène internationale, à la faveur d’un plus grand intérêt des sponsors destiné à un environnement sportif plus rayonnant.

Je considère enfin que la santé publique ainsi que l’humeur générale dans le pays – si malmenée ces derniers temps-, feront aussi partie des plus grands bénéficiaires de cette nouvelle dynamique de gouvernance sportive. C’est aussi et enfin, le gage d’un meilleur destin et d’un avenir meilleur pour les Lions Indomptables du football. Gardons l’Espoir !

Que Dieu bénisse le Cameroun !

Dr. Olivier Bile, Président de l’UFP
Journalducameroun.com)/n