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L’horizon démocratique bouché en Afrique Centrale

Par Michel Lobé Etamé, journaliste Les événements en cours au Burkina Faso démontrent une fois de plus que la démocratie…

Par Michel Lobé Etamé, journaliste

Les événements en cours au Burkina Faso démontrent une fois de plus que la démocratie reste fragile en Afrique. La soif du pouvoir et la peur de l’inconnu poussent les dirigeants actuels qui s’accrochent à user de subterfuges que dénoncent la société civile et l’opinion publique internationale.

Nous devons tous nous réjouir de l’échec du coup d’état au Burkina où un chef en treillis, peu inspiré et autocrate, n’a pas pris conscience de son égarement. Manipulé par son ancien mentor Blaise Compaoré, il a voulu rétablir un pouvoir décrié et assassin.

Il faut retenir de ces évènements la perspicacité des hommes d’état que sont Macky Sall du Sénégal et Thomas Boni Yayi du Bénin. Ils ont fait preuve, sans pression aucune, d’une habileté politique qui échappe toujours à nos dirigeants qui accèdent au pouvoir par la petite porte. La Cedeao a su elle aussi peser de tout son poids. Elle a été suivie par l’Union Africaine dont le rôle peut mieux s’affirmer.

Macky Sall et Thomas Boni Yayi ont quelque chose en commun. Ils ont été élus démocratiquement à la tête de leurs pays respectifs où les partis d’opposition pèsent sur l’action politique. Les élections se déroulent au Sénégal et au Bénin dans un climat calme où le bourrage des urnes n’est plus d’actualité. Les opposants politiques sont organisés, respectés et combatifs.

Cette légitimité leur a conféré un respect en Afrique. La société civile au Burkina a bien accueilli ces médiateurs qui ne souffrent d’aucune influence extérieure pour mener à bien leur mission. Si les faits s’étaient déroulés en Afrique Centrale, la médiation n’aurait pas abouti. La raison est simple: les présidents à vie en exercice héritent d’un pouvoir usurpé, illégitime et autocratique où les opposants sont abusivement emprisonnés, traquées, muselées et soumis.

Autre fait marquant: la médiation a été africaine. Elle n’a pas été soumise aux injonctions des grandes puissances. Une preuve que l’Afrique peut se prendre en main et régler ses problèmes toute seule. Nous pouvons admirer ici les effets salutaires de la démocratie. La légalité républicaine a été rétablie au Burkina et nous nous en réjouissons.

Mourir au pouvoir
Mourir au pouvoir ou la politique de la terre brûlée. Tel est le mode opératoire des dirigeants de l’Afrique Centrale. Les deux évènements qui ont marqué l’actualité politique en Afrique n’ont pas inspiré ce microcosme obscurantiste.

Blaise Compaoré a été chassé du pouvoir par son peuple pour avoir voulu modifier sa constitution. Cet échec n’a pas servi de leçon au président Joseph Kabila. Face au désordre ambiant en cours chez son voisin du Burundi, autre falsificateur de l’histoire, il veut un dialogue national avec «son opposition» laminée afin de solliciter un troisième mandat.

Joseph Kabila hérite du pouvoir de son père assassiné. Il n’a donc pas la légitimité qu’il revendique. A-t-il conscience de l’état de salubrité de son pays si riche en matières premières et de la pauvreté de ses citoyens qui forment l’un des plus gros contingents de réfugiés au monde?

Dans cet exercice périlleux, il est suivi cette semaine par son proche voisin et frère, Denis Sassou Nguesso qui cumule plus de trente ans de pouvoir à la tête de la République du Congo.

Denis Sassou Nguesso est frappé aujourd’hui par la limite d’âge fixée à 70 ans et de l’interdiction inscrite dans la constitution de 2002 d’exercer plus de deux mandats. Il a 72 ans. En convoquant en juillet un dialogue national boudé par l’opposition, il invitait son peuple à réfléchir sur l’opportunité de faire évoluer les institutions de la République.

Si Denis Sassou Nguesso persiste dans son aventure, nous pouvons redouter une nouvelle situation à la burundaise. Un tel scénario ne surprendra personne en Afrique Centrale où le pouvoir est confisqué et où la paralysie des états les confine à une grande pauvreté.

En effet, pour durer au pouvoir, ces présidents ont tous les mêmes recettes:
-la corruption,
-la nomination à des postes clé de médiocres sans charisme, sans référence et sans expérience,
-le tribalisme,
-la soumission de ceux qui lui doivent leur ascension sociale,
-l’appartenance à des obédiences ou à des cercles ésotériques, etc.
Ces critères désobligeants et peu glorieux font des collaborateurs de ces présidents des femmes et des hommes sans envergure qui étouffent tous les potentiels.

Les chefs d’état en Afrique Centrale ne pourront jamais dissuader Denis Sassou Nguesso sur ses choix suicidaires et de son référendum acquis d’avance. Autour de lui, ses confrères ne font pas bonne figure pour envisager une médiation.

Après le Burundi et le Burkina, l’Afrique n’est pas sortie des conflits initiés par ses présidents aux mandats à rallonges.


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