L’exclusion à leur endroit de la taxe sur la valeur ajouté (TVA) loin d’un avantage, pourrait sur le long terme leur être préjudiciable, avec des répercussions certaines sur le coût de la consommation
Un levier activé pour relancer la compétitivité
L’opinion publique au Cameroun ne semble pas s’être rendu compte des conséquences importantes que pourrait occasionner sur un pan de son économie, la nouvelle loi de finance pour l’année 2012. Une chose semble acquise, cette loi pourrait bousculer négativement l’univers financier de certaines petites et moyennes entreprises (PME) locales, que le président Paul Biya s’est pourtant engagé à soutenir. Un des grands aspects de la réforme est celle relative à la Taxe sur la valeur ajoutée (19,5%) du prix des biens et services. Désormais et conformément à un autre aspect de cette réforme, celui du régime d’imposition, seules les entreprises dont le chiffre d’affaire est supérieur ou égal à 50 millions de francs CFA, devront se voir taxées la valeur ajoutée des biens et services qu’elles proposent. Pour les entreprises qui font un chiffre d’affaire inférieur à 50 millions de FCFA, ce prélèvement est exclu. Au niveau de la direction générale des impôts (DGI), on explique les avantages pour les PME d’une certaine façon. En réalité, la taxe sur la valeur ajoutée qu’on affectait à cette catégorie d’entreprises, ne leur permettait pas d’être compétitives en éliminant cette taxe nous allégeons par la même occasion leur charges et ils pourront proposer des biens et services à de meilleurs prix a fait savoir un cadre de cette direction, refusant d’être cité. Il indique aussi que la vraie idée de la réforme était de sortir du champ de la TVA, cette catégorie d’entreprises, qui mobilisent beaucoup de ressources (humaines et financières) de recouvrement, pour un rendement limité.
Un effet contraire visiblement non envisagé
Faux pensent certains experts. Selon eux les réformateurs de la loi de finance et les parlementaires aussi, ont minimisé le vrai impact de leur décision sur la vie de ces PME. Elles vont perdre de l’argent et je crois jusqu’à 20% de moins que ce qu’elles gagnaient jusqu’ici. Ce qu’il faut comprendre, on ne peut pas parler de TVA sans parler d’équité. La réforme rompt avec le principe d’équité en laissant dans certains segments de l’activité économique, la seule charge de la taxe à l’entreprise, ce qui n’est pas conforme au principe de cet impôt explique Raymond Mba Diffo, un universitaire camerounais et expert des questions fiscales dans l’espace OHADA. Pour la question des ressources, il estime que l’administration fiscale ne peut prouver sa bonne foi que si elle produit un document qui explique clairement les avantages de la réforme et ses divers gains pour l’environnement des affaires.
Les risques de tension de trésorerie pour les PME sont aggravés par une autre mesure de la réforme. Les précomptes d’impôts sur le revenu passent désormais à 3% pour les commerçants qui achètent localement et à 5% pour ceux qui importent et par rapport au chiffre d’affaire, contre 1% jusqu’à récemment pour tout le monde. Notre source aux impôts indique que le souci était en quelque sorte de favoriser la consommation des biens locaux. Un avis très contesté par certains acteurs économiques. Sur la base de ce que vous expliquez, je réalise que je vais payer 5% d’acompte de chiffre d’affaire parce que je suis importateur et que mon chiffre d’affaire ne dépasse pas 50 millions. Vos dites que c’est pour encourager la consommation des produits locaux, mais je demande où sont ces produits locaux. Moi par exemple j’importe des chaussures, et je vous demande où trouve-t-on des chaussures made in Cameroun, cela n’a aucun sens explique Eric Kamdem, propriétaire d’une boutique de chaussures à Yaoundé.
40% de petites entreprises concernés
Il reste difficile de savoir combien de structures pourront se retrouver dans cette situation où elles devront supporter au moins trois taxes. La taxe sur la valeur ajoutée, l’augmentation du précompte de l’impôt sur le revenu qui passe de 1% à 3%ou 5% et enfin l’impôt sur le revenu lui-même qui est de 35%. Mais la mesure pourrait frapper près de 40% des entreprises, si on se fie aux dernières statistiques sur le recensement général des entreprises. Cela dit, la réaction de ces entreprises est attendue. Dans un certains sens, il a été admis que le gouvernement avait laissé passer la réforme,
parce qu’elle lui permettait de réduire la grosse facture de taxes sur la valeur ajoutée à reverser au trésor public que lui occasionnait l’achat de certains biens ou le recours à certains services. Pour
l’année 2011, le montant du crédit de TVA non encore reversé au trésor s’élèverait à près de 50 milliards de FCFA. Mais pour les experts, rien n’indique que sur leur segment d’activité, les prix vont
baisser. Ces PME peuvent décider de reporter l’ensemble des charges et pertes inhérente à la réforme sur le prix final et on en sera au même point. Le consommateur final entreprise, individu ou
Etat, va ressentir cela explique l’un deux. L’administration fiscale semble loin de ces préoccupations. Elle s’est vu attribué l’objectif de collecter jusqu’à 656 milliards de FCFA de TVA en 2012, un montant
en augmentation de 20 milliards par rapport à 2011.
Précisions sur quelques points de la réforme
Désormais il existe trois régimes d’imposition des entreprises au Cameroun. Le régime de base qui concerne les entreprises avec un chiffre d’affaire inférieur à 10 millions de FCFA. Le régime simplifié qui concerne les entreprises entre 10 et 49 millions et le régime
réel pour les entreprises qui font à partir de 50 millions de chiffre d’affaire Dans cette différenciation, seules les entreprises du régime réel peuvent taxer la TVA. L’administration fiscale dit vouloir réduire les charges, mais l’effet pourrait être contraire. Les PME entre 10 et 49 millions risquent ainsi de payer des charges fiscales plus chères, surtout avec l’augmentation du précompte d’impôt sur le revenu. Elles ont pour celles dont le chiffre d’affaire atteint 30 millions, le droit de demander d’être traitées avec les règles du régime réel. Dans ce cas et pour elles on arriverait à la situation initial et donc la réforme aura été inutile.
