Elle a nombre d’investigations mettant en cause des responsables publics de premier plan. Mais à ce jour aucune suite n’a été donnée à ces investigations
Depuis 2008 qu’elle est opérationnelle, cet organisme camerounais de lutte contre la corruption a mené et compilé dans des rapports, nombre d’investigations mettant en cause des responsables publics de premier plan. Mais à ce jour aucune suite n’a été donnée à ces investigations. A la Commission nationale anti-corruption (Conac), une question gène plus que toute : celle de savoir quelle est la suite donnée aux investigations que l’organisme a réalisées depuis son opérationnalisation en 2008. Pas surprenant donc que son rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2012 ne consacre la moindre ligne à la question. Le document présenté le 20 décembre 2013 au Palais de congrès de Yaoundé, se borne dans la partie réservée à « la répression des pratiques de corruption », à lister les sanctions prises par les administrations publiques et les décisions prises par le Tribunal criminel spécial (Tcs) et le conseil de discipline budgétaire et financière sans pour autant établir un lien avec son action. Pour ce qui est des décisions prises par le Tcs, c’est certain. Il n’y a pas de liens ; aucune suite judiciaire n’ayant jusqu’ici été donnée aux enquêtes de la Conac quand bien même ses rapports le commande formellement. Pourtant, ce n’est pas la gravité des accusations portées par la Conac qui fait défaut. A titre d’illustration, dans son premier rapport sur l’état de la lutte contre la corruption des années 2008, 2009 et 2010, l’organisme de lutte contre la corruption relève par exemple des malversations financières de plus de 600 millions de Fcfa au projet maïs ; des « paiements irréguliers à rétrocéder à l’Etat » se chiffrant à près de 15 milliards de Fcfa au sujet de la construction de la route Ayos-Bonis. On apprenait par ailleurs du rapport sur l’état de la lutte contre la corruption en 2011 que des individus se sont vus attribuer à « tort » des indemnisations d’un montant total de 19,158 milliards de Fcfa avec le projet de construction du port en eau profonde de Kribi ou encore «qu’une somme d’un montant total de 2.054.717.180 Fcfa [a été] payée à tort au détriment de l’Etat» dans le cadre de la construction du barrage de Lom Pangar.
Engagement non tenu
A la suite, Paul Biya promettait dans son discours à la nation le 31 décembre 2012, de punir ces atteintes à la fortune publique. Beaucoup y avaient vu l’ouverture des procédures judiciaires sur ces affaires avant de déchanter. La Conac a même essuyé l’humiliation de voir certaines des personnalités indexées dans ses rapports représenter leurs institutions à des cérémonies par elles organisées. Ce fut par exemple le cas de Paul Sikaping venu le 11 décembre 2012, présenter pour le compte du ministère de l’Agriculture et du développement rural, l’évaluation des « Initiatives à résultats rapide s» de l’année. Quatre ans auparavant, ce fonctionnaire a pourtant été « nommément accusé par la Conac de détournement » en coaction de plus d’un demi-milliard de Fcfa représentant les subventions publiques destinées aux agriculteurs pour la culture du maïs. Aujourd’hui, des critiques présentant la Conac comme un gadget ne sont pas rares. Cet effritement de la confiance vis-à-vis de la Conac s’étend même aux missions diplomatiques occidentales accréditées à Yaoundé. L’ambassadeur des Etats-Unis, de France, le Haut-commissaire de Grande Bretagne et le chef de mission de l’union européenne au Cameroun pourtant invités, étaient absents à la cérémonie de présentation du rapport sur la lutte contre la corruption en 2012 et ne se sont même pas fait représenter. Des absences remarquées par la commission anti-corruption. «Ma conviction est que tant que l’article 66 sur la déclaration des biens et la loi anti-corruption ne sera pas en vigueur, ces diplomates continueront de douter de la volonté du Cameroun de lutter contre la corruption » analyse un cadre de la Conac. Son président en est d’ailleurs conscient : « la complète internalisation de la loi anti-corruption permettra au Cameroun de se situer dans le peleton des pays les moins corrompus du monde.», a plaidé le Révérant Massi Gams dans son allocution de circonstance. Le pasteur sait que cette loi devrait donner plus de pouvoir à l’institution qu’il dirige en la permettant de poursuivre en justice les personnes soupçonnées de corruption. Un pouvoir qui lui fait aujourd’hui défaut et qui constitue son tendon d’Achille à côté du manque de moyens financiers.
