Du Burundi au Burkina Faso, l’opposition et la société civile restent sont bien décidées à veiller au bon déroulement des élections. Trois questions à la directrice du groupe Africa International.
Election de façade au Soudan, répression de manifestations pacifiques au Burundi, bilan mitigé au Togo… Quelles sont les reculs et les avancées notables de la démocratie en Afrique?
La démocratie de type occidental est une greffe qui met du temps à prendre, dans la mesure où les circonstances de l’histoire ont amené les pays africains à commencer là où d’autres, notamment au Nord, ont abouti au terme d’un long processus de maturation politique, économique et sociale.
C’est la bourgeoisie, en France, qui a porté ce type de régime d’égalité civique, basé sur un certain niveau de vie et d’éducation. En Afrique, la « bourgeoisie » se réduit à une classe moyenne très restreinte, vivant sur les fonds publics et creusant les inégalités sociales. Elle se retrouve donc généralement du côté du pouvoir contre les masses de jeunes désoeuvrés et des populations rurales appauvries par la mauvaise utilisation des ressources et l’égoïsme de ceux que le système a enrichis.
Ce qui a changé, c’est la détermination des jeunes – la majorité de la population africaine, comme on sait – à obtenir le changement. La montée des contestations se heurte souvent à la violence d’état, mais les avancées obtenues ici et là poussent inexorablement vers le respect des institutions démocratiques. Avec des hauts et des bas, bien sûr, mais le mouvement est une lame de fond.
Dans plusieurs pays d’Afrique francophone, les présidents tentent de modifier la Constitution pour prolonger leur mandat. Du Burundi au Burkina en passant par le Congo Brazzaville et la RDC, la société civile dénonce les « tripatouillages » constitutionnels. Quel est le poids de la société civile dans ces pays?
Les populations en ont marre d’entendre égrener les taux de croissance élevés en Afrique, « nouvel eldorado », tout en pataugeant eux-mêmes dans le chômage, sans perspectives, sans espoir. Avec les réseaux sociaux, des groupes de jeunes structurent désormais la société civile avec plus de résultats qu’auparavant, car la force de mobilisation est considérable. Et les pouvoirs contestés comme au Congo-Kinshasa ne s’y trompent pas, qui ont prestement emprisonné des membres du collectif citoyen « Filimbi », « sifflet » en swahili ; ils participaient à une activité avec des représentants de « Y’en a marre » et « Bali Citoyen », autres mouvements citoyens qui ont mené le changement au Sénégal et au Burkina Faso. Désormais les jeunes militants civiques sont sous surveillance dans différents pays, mais pendant combien de temps? Les tripatouillages passent de plus en plus mal.
A contrario le Bénin, jusqu’alors présenté comme un exemple à suivre en termes de démocratie, n’est-il pas en train de reculer?
Le Bénin, comme tous les autres pays, subit les aléas de la démocratie en gestation. Deux bonnes élections successives ne prémunissent pas contre les fraudes, ni même les tentatives de violer la constitution. Mais les citoyens sont vigilants. La dernière élection présidentielle était entachée d’irrégularités assez graves, mais les Béninois ont fermé les yeux parce que le président entamait ainsi son second et dernier mandat. Implicitement, les populations, au sortir de règnes illimités qui duraient des décennies, semblent indulgentes lorsqu’il s’agit de reconduire un chef d’état dans les limites prévues par la loi fondamentale. Au-delà, on se heurte à la révolte de citoyens vigilants…
