Le nouveau Doyen de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’université de Dschang dresse un chapelet des défis qui l’interpellent
Où étiez-vous lorsque le poste national de la CRTV a lu, le 10 décembre, le décret présidentiel vous nommant à la charge de Doyen de la FLSH de l’université de Dschang et comment avez-vous réagi?
J’étais au terrain de football «La catapulte» sur le campus A avec le Doyen Pr Charles Robert Dimi. Nous étions à encadrer les équipes de football des garçons et des filles, lesquelles participaient aux rencontres de la coupe du Recteur. C’est à la mi-temps du match des garçons, alors que j’étais à la main courante sur le côté opposé à la tribune, en train d’encourager nos joueurs, qu’un collègue s’amène pour me dire qu’il paraît que tu vas être le nouveau Doyen quand le Pr Dimi partira à la retraite. Je luis ai répondu que si c’est votre souhait, on verra, laissons Dieu faire ses choses. Il me dit qu’on vient d’écouter cela à la radio. Du coup, je ne savais plus ce qu’il fallait faire ou bien dire. Mais, peu de temps après, je me suis ressaisi. J’ai appelé le Recteur pour lui apprendre la nouvelle. Puis, je suis allé voir le Pr Dimi à la tribune. Parce que, nous avons eu de très bonnes relations. Aller à la retraite pour lui ne constitue point une retraite. Je me suis d’ailleurs rendu compte qu’il m’avait, en tant que doyen, progressivement cédé un certain nombre de ses prérogatives au vice-doyen que j’étais jusqu’à lors. C’est lui, qui en exprimant sa joie dans cette tribune, m’a fait saisi le poids de ce qui m’attendait. Après, je suis allé voir aussi le Pr Martin Kuete, que je considère comme mon patron sur le plan scientifique. C’est lui, qui le premier, il y a près de deux décennies, m’avait fait venir à l’université de Dschang.
Quels sont, d’après vous, les défis qui vous interpellent et qu’allez-vous faire pour y répondre ?
Le principal problème d’un chef d’établissement, c’est d’abord les étudiants que les familles nous ont confiés. On voit qu’ils ont de la peine à avoir leurs relevés de notes. La délivrance de ces documents doit être une priorité majeure. Il faut donc que tous les services concernés par la chaine puissent fonctionner normalement. Il va falloir ensuite faire en sorte que les enseignants soient à l’écoute des étudiants.
Il y a également la question de la recherche scientifique au sein de la faculté. Nous allons examiner les projets de recherche en cours dans les laboratoires. Il faut que nous sachions sur quoi les enseignants travaillent. Car, les axes de recherche doivent être pertinents sur le Cameroun. Le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi doit servir de boussole. Je vais essayer de traduire ce document en faits concrets, que ce soit sur le plan des enseignements ou de l’encadrement de la recherche. Cela ne sera possible, que si nous nouons des collaborations avec les structures internes et externes à l’Enseignement supérieur. Elles sont prêtes à nous aider. Il sera question d’élaborer au niveau de chaque département, des projets de recherche financés par ces partenaires. Cela va faire en sorte que les étudiants soient plus motivés, puisqu’ils pourront travailler avec les financements obtenus. Nous ne pouvons plus nous contenter des financements de l’Etat. Nous ne devons mettre nos intelligences pour monter des projets de recherche et aller chercher les financements là ils se trouvent. Il nous faut soutenir les formations professionnelles qui débouchent sur l’emploi.
La promotion des enseignants constitue un autre volet. Il y a très peu d’enseignants de rang magistral. Nous allons travailler à cela, pour qu’au soir du bilan, que l’on retienne que notre passage aux affaires, a permis qu’on ait plus de changements de grade au sein de la faculté. C’est pour cela que nous allons encourager les Assistants sans thèse, à rapidement achever leurs travaux et les soutenir, afin de changer de grade et d’encadrer à leur tour, des étudiants de Master.
Nous souhaitons également mettre la FLSH au service de son environnement. Nous envisageons des cours de langues au département de Langues étrangères appliquées, à l’intention par exemple, des tenanciers des bureautiques. Ils doivent utiliser la langue tous les jours et ils n’ont pas toujours de bonnes capacités pour réviser des documents. On pourrait leur délivrer à la fin de la formation, des capacités. Il nous appartient de réfléchir à la meilleure option.
Nous allons également bien encadrer le personnel d’appui, composante essentielle du fonctionnement d’un établissement. Nous devons faire en sorte que tout le monde se sente concerné par ce qui se passe à la FLSH. Par exemple, s’il y a des activités génératrices de revenus, il faudrait que tous puissent en bénéficier.
Enfin, je ne vais pas tergiverser sur le respect des règles et des procédures. Car, l’université fonctionne selon des règles précises.
On se rend compte que jusqu’ici, la FLSH n’est pas très engagée dans les cotutelles de thèses, alors même qu’il y a un réel besoin en la matière. Quelle solution préconisez-vous, vous qui avez une expérience en la matière dans les universités où vous avez servi ?
Les cotutelles de thèses tiennent des conventions entre les universités. Il va falloir d’abord voir les conventions qui existent et celles qui sont toujours actives dans la faculté. On va veiller à ce qu’il y ait des échanges avec d’autres universités, puisque c’est généralement à travers ceux-ci que naissent les conventions de cotutelle. Un accent sera mis sur la mobilité des enseignants et des étudiants.
Vous vous présentez comme un climatologue. Beaucoup ne savent pas à quoi cela renvoie. Qu’est-ce qu’un climatologue ?
Le climatologue est celui qui s’occupe d’une spécialité de la géographie qu’on appelle la climatologie. Elle s’occupe de l’histoire des temps qu’il a faits. Elle s’appuie sur la météorologie, laquelle s’occupe du temps au quotidien. On va donc dire que la météorologie est à la climatologie ce que le journalisme est à l’histoire. L’un rapporte les faits au quotidien et c’est à l’autre de dire quel fait fera date dans l’histoire. Cette analyse historique vise la prévision climatique sur le long terme. C’est pour cela qu’en climatologie en ce moment, l’aspect « changements climatiques » est très important. Ce volet appelle d’ailleurs, des collaborations avec des spécialistes d’autres domaines : sciences médicales, droit, économie, etc.
Votre discipline vous fait beaucoup voyager à travers le monde. Devrait-on craindre que cela impacte sur la charge de Doyen qui vient de vous être confiée ?
Peut-être que si je n’avais pas mené ces activités, je ne serais jamais parvenu à cette charge. C’est pour dire que l’université a deux composantes : l’enseignement et la recherche. Vous ne pouvez donc pas dire que la recherche va nuire à l’enseignement, puisque la première citée nourrit le deuxième. Si vous enseignez sans faire la recherche, vous devenez un professeur de lycées. Donc, je serai un doyen disponible, mais je vais rester enseignant et chercheur.
Vous avez travaillé avec votre prédécesseur pendant quatre années. Qu’est-ce que vous retenez de lui ?
Je dirais un seul mot pour qualifier son attitude : tolérance. Il demandait toujours qu’on fasse un rapport quand il nous déléguait l’intérim. Parfois, quand on ne le faisait pas, il nous blâmait. Mais cinq minutes après, il retrouvait son calme et son sourire habituels. Et puis, tout le monde pouvait le rencontrer quand il voulait et comme il voulait. Cette capacité d’être à l’écoute est quelque chose qu’il va falloir conserver.
Quel est le plus grand souvenir que vous gardez de votre carrière professionnelle, à ce jour ?
J’évoquerais ma participation à la conférence « Rio + 20 » à Rio de Janeiro, en 2012. J’y étais comme expert de l’Afrique centrale sur la question du développement durable. J’avais été chargé par la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) de faire le point pour l’ensemble de la zone, sur la mise en uvre de ce qui avait été adopté en 1992, toujours à Rio de Janeiro. C’est moi qui ai élaboré le document qui permettait aux Etats de cette communauté de discuter avec les autres. Deux semaines avant la conférence, j’y étais pour suivre les négociations. J’ai donc préparé les notes qu’il fallait que je présente aux chefs d’Etats concernés à leur arrivée. Et c’est ce que j’ai fait. Il y avait ce jour là plusieurs présidents. Quand on a annoncé que celui qui allait faire cette synthèse venait de l’université de Dschang, j’avoue que même le ministre des Relations extérieures du Cameroun, était étonné. À la fin, j’ai discuté avec le ministre des Relations extérieures, Pierre Moukoko Mbondjo. J’ai échangé avec le président du Gabon, Ali Bongo et celui du Congo, Denis Sassou Nguesso. Nous avons parlé des enjeux. J’en ai profité pour dire à Ali Bongo qu’on apprécie au niveau international l’option qu’il a prise, de développer un Gabon vert. Avec le président Sassou Nguesso, on s’est revu plusieurs fois à Brazaville, notamment après la conférence de Copenhague. Depuis Rio, j’accompagne la CEA en matière le développement durable. Actuellement, je rédige un rapport sur l’industrialisation verte en Afrique centrale, pour le compte de la CEEAC. Il est destiné à l’UNESCO. Cela signifie qu’ils n’ont pas oublié ce que j’ai pu faire.
