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Mgr Samuel Kleda: « Boko Haram est d’abord une affaire politique »

Pour l'archevêque de Douala, les attaques de la secte islamiste nigériane au Cameroun sont loin de créer des tensions religieuses…

Pour l’archevêque de Douala, les attaques de la secte islamiste nigériane au Cameroun sont loin de créer des tensions religieuses

Monseigneur Kleda, quel est votre message en ce jour de Noël?
Mon message c’est d’abord d’adresser un joyeux Noël à tous ceux qui nous écoutent. Je tiens à préciser ceci, c’est très important, Noël que nous célébrons est un évènement qui concerne notre foi. Le fils de Dieu est entré dans notre monde. Cela pour nous rencontrer personnellement et pour nous donner sa dignité, nous devons prendre conscience que nous sommes des enfants de Dieu. Le Christ vient nous apporter la paix, cette paix véritable dont tout homme a besoin aujourd’hui partout dans le monde.

Je crois qu’en février dernier, vous êtes allé en Centrafrique (RCA) et vous avez célébré la messe à Bangui. Comment expliquez-vous cette violence et cette haine entre confession chrétienne et musulmane depuis plus d’un an partout en Centrafrique ?
En fait, je dirai que la base de ce conflit n’est pas la religion. Les groupes qui sont entrés en premier en RCA, qu’on appelle les Seleka, ne venaient pas pour imposer une religion, je crois qu’ils venaient prendre le pouvoir. A partir de là, étant donné que certains sont musulmans, ils ont rencontré en face d’eux des chrétiens et à partir de là, des camps se sont formés. Il faut à tout prix le dialogue entre les différents groupes. C’est le moyen de résoudre le problème parce qu’on ne peut pas mettre un soldat derrière chaque Centrafricain pour le protéger. Il faut de la réconciliation. Je connais un organisme catholique américain qui a envoyé des gens là-bas pour [instaurer NDLR] ce dialogue et cet organisme fait un travail admirable qui amène les gens, ceux qui sont en conflit, et même les responsables, à dialoguer.

Au nord du Cameroun, ne sentez-vous pas également la montée des tensions religieuses avec l’effet Boko Haram?
La tension religieuse, ce serait difficile parce que ceux qui entrent au nord du Cameroun, ils tuent aussi bien les musulmans que les chrétiens, ce qui veut dire que ce sont des gens qui cherchent à prendre le pouvoir, c’est d’abord une affaire politique.

Il y a eu beaucoup d’enlèvements ces deux dernières années au nord du Cameroun. On pense notamment aux deux prêtres italiens, au prêtre français et à la religieuse canadienne. Est-ce que des prêtres ou des religieuses peuvent encore vivre dans cette région sans prendre de risque?
Effectivement, il y a des prêtres et des religieuses qui ont été enlevés. Évidemment la situation est devenue très très difficile, beaucoup de missionnaires ont été obligés de quitter leur mission mais il est certain qu’ils restent quand même dans la paroisse où ils travaillent, dans les grandes villes. Il faut comprendre une chose : un prêtre, une personne consacrée, une religieuse, nous sommes des gens qui avons donné notre vie pour le seigneur. Le prêtre reste avec ses brebis, au milieu d’elles, et préfère mourir avec elles. C’est cela notre appel, donner sa vie pour les autres. On ne doit pas les abandonner.

En cette période de Noël, vers qui vont vos pensées tout particulièrement?
Je pense à toutes les personnes qui ont été prises en otage. Je pense en particulier à ces 200, 250 filles du Nigeria enlevées et jusqu’à présent, on ne sait pas ce qu’elles sont devenues. Non seulement cela, en ces fêtes de Noël, je pense à tous ceux qui souffrent, ceux qui n’ont pas d’enfants, qui n’ont pas de moyens pour faire éduquer leurs enfants, ceux qui ne peuvent pas les envoyer à l’école, ceux qui n’ont pas de maison, ceux qui vivent vraiment dans la pauvreté et à tous ceux qui sont en prison. Hier, je suis allé à New Bell pour célébrer la messe au milieu des prisonniers de cette maison d’arrêt. Parce que la fête de Noël, c’est pour tous, Noël c’est le Christ qui nous apporte la joie.

Mgr Samuel Kleda, Archevêque de Douala
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