Elle avait déjà marqué l’opinion en publiant un livre sur la mesquinerie politique; elle revient avec un autre, cette fois en tant qu’auteure et éditrice
Mme Régine Mfoumou, vous êtes camerounaise et vous venez de lancer votre propre maison d’édition à Londres en Angleterre, parlez-nous un peu de cette initiative et du chemin que vous avez parcouru pour y arriver?
En effet, Rhema Publications est une idée qui germait dans ma tête depuis plus d’un an avant sa création. J’ai publié dans le passé avec divers éditeurs à Paris, mais je n’ai certainement pas été suffisamment satisfaite, ce qui m’a poussée à me lancer. Par ailleurs, ayant moi-même édité plus d’un livre publié, je savais comment créer un livre. Depuis juillet dernier, je voulais me lancer en auto-publiant mon premier essai politique, Mila Assouté le Caméléon, ainsi je prenais peu de risque en tant qu’éditrice. Mais en août, CCINIA Communications me contacte car, j’avais envoyé le manuscrit depuis un mois. C’est en décembre 2010 que j’ai décidé de me lancer après beaucoup d’hésitations, beaucoup de questionnements et même des doutes. Ayant un roman non publié entre les mains depuis 2008, je me suis dite qu’en me lançant avec ce roman écrit par moi-même, je prenais très peu de risques financiers, car je n’engageais personne d’autres. Si je rencontrais des difficultés particulières, au moins les conséquences auraient moins d’impact et j’apprendrais des erreurs. Ma démarche a été simple: au départ j’ai hésité à ouvrir Rhema Publications à Paris. Mais le choix de Londres s’est imposé compte-tenu de la facilité avec laquelle on peut mettre une entreprise sur pied en Angleterre. Moins de paperasses, moins de contraintes administratives et financières. De plus, soutenue par mes amis et ma famille, la mise en place de Rhema s’est déroulée plutôt paisiblement. Aujourd’hui Rhema Publications fonctionne et grâce au soutien d’amis éditeurs comme Dagan Editions, nous avons réussi à avancer doucement mais avec assurance.
Comme slogan vous avez choisi «faire vaciller le monde avec les mots», un concept fort! Comment comptez-vous parvenir à cette ambition?
Le slogan que porte Rhema Publications est très ambitieux, mais je crois qu’il reflète aussi la/les personnes qui sont dans ce projet, une équipe dynamique et désireuse de changer les mentalités, d’apporter un vent nouveau et surtout de communiquer, à travers le monde, des valeurs innovantes pour un monde meilleur.
Quels sont les domaines dans lesquelles vous ambitionnez d’intervenir et surtout dans quelles spécialité?
Rhema Publications ne s’intéresse pas aux écrits contemplatifs sans réel impact pour les lecteurs. Un livre d’amour à l’eau de rose n’entre pas dans notre ligne éditoriale. Nous voulons marquer les esprits à travers ce que nous publions, sans entrer dans la polémique vaseuse. Nous essayons vraiment de suivre scrupuleusement notre ligne éditoriale en publiant des écrits fictifs ou réels porteurs de messages forts, de la littérature générale et enfantine qui peut impacter l’environnement de l’écrivain et ailleurs.
Près de six mois après sa création, quelles sont les réalisations qu’on peut déjà attribuer à Rhéma Publications?
Il est prématuré d’avancer que Rhema Publications ait, à ce stade, réalisée quelque chose de notable. Ce serait même prétentieux de s’attribuer un quelconque mérite. Une maison d’édition qui publie un ouvrage, c’est normal. Donc, donnez nous le temps de nous installer. Cependant, comme je l’ai mentionné précédemment, l’appui d’amis éditeurs a permis que nous participions au Salon du Livre de Paris et au Salon du Livre de Genève. Nous en sommes très fiers. D’autre part, nous sommes également fiers d’avoir pu publier en une semaine d’écart un roman et sa traduction anglaise. Bon c’est curieux car je suis l’auteure et la traductrice de la version anglaise mais, cela rend sans doute cette traduction authentique par rapport au livre français. A l’heure actuelle, nous travaillons sur d’autres projets d’édition d’ouvrage à paraître d’ici la fin de l’année. Bref, pour l’instant, on dira simplement que Rhema Publications évolue assez bien et pour l’instant nous sommes confiants.
Vous étiez attendue au Cameroun au mois de mai dernier avec un autre de vos livres, «Descente aux enfers», parlez nous de ce nouveau livre?
J’y étais à la fin du mois de juin puisque je suis rentrée le 28 juin. Mais vous savez, Rhema Publications est une nouvelle maison d’édition et nous peaufinons notre planning annuel au fur et à mesure des événements. Mon voyage a été reporté. Nous n’avons pas communiqué publiquement sur ma présence au Cameroun pour la simple raison qu’il a été décidé de lancer la campagne par l’affichage de panneaux publicitaires que vous verrez bientôt un peu partout à Yaoundé, Douala, et dans d’autres provinces. J’ai rencontré des étudiants, j’ai rencontré un éminent Professeur de littérature à l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé en vue de ma prochaine venue qui sera donc pour dédicacer les ouvrages. Le prochain voyage ne se limitera pas qu’à Yaoundé. C’est la raison pour laquelle, pour mieux le préparer nous avons préféré reporter le voyage annoncé pour mai.
Finalement on peut dire que Régine n’aime que des histoires à la sauce piquante, on se souvient en décembre 2010 vous avez dédicacé un livre très commenté sur la versatilité de Milla Assouté, aujourd’hui c’est l’enfer des migrants, pourquoi ce goût pour des histoires complexes?
On peut voir cela de cette manière que je qualifierai de simpliste. Mais lorsque l’on me connaît on arrive toujours à se mettre d’accord avec moi, car je suis simplement animée par ma passion pour l’Afrique et je refuse de me taire sur certaines choses futiles qui continuent de nous laisser à la traîne. L’Afrique a besoin de bouger, d’exploser dans ses mentalités. Le livre intitulé Pierre Mila Assouté, le Caméléon (édité chez CCINIA Communications) continue manifestement de faire débat au Cameroun.

Vous voyez donc le concept auquel je crois? «Faire vaciller le monde avec des mots». Je peux vous assurer que ce livre, lu à travers l’Afrique, touche ceux qui finissent par comprendre que ce n’est pas une attaque contre l’homme, mais bel et bien une étude de cas d’un système ancré dans nos sociétés africaines et sur lequel il faut commencer à s’attarder. Je voulais donner le ton. Pour moi, ce n’est pas un livre polémique, d’ailleurs à ce jour aucun démenti de ce que j’affirme n’a été fait! Quand on veut marquer les esprits, il faut se démarquer parfois, non? Ce qui a surpris les gens, c’est que je n’écrive pas sur Paul Biya. Qu’aurais-je pu écrire sur lui qui n’a pas encore été écrit par vous autres journalistes? Les opposants au Cameroun, je ne les connais pas. Mila Assouté, je l’ai approché et comme beaucoup, j’ai vite vu la supercherie et je n’allais pas laisser dire certaines banalités qui ne rapportent rien au peuple comme vous, journalistes, qui l’avez parfois publié sans prendre la peine d’informer les gens convenablement en vérifiant des faits trop gros pour être vrais et malgré la quête des lecteurs. La désinformation est très nocive. Pour revenir à mon dernier ouvrage, oui, c’est encore pour lutter contre la désinformation ou la mal-information que je me lance dans un sujet dont les immigrés ne parlent pas souvent: les silences de l’immigration. Pour l’heure, je n’ai eu que des avis positifs, mais elles viennent de la diaspora et des Européens qui l’ont lu. Maintenant, le livre est au Cameroun et sera bientôt en Côte d’Ivoire, en Afrique du Sud et au Ghana. On est curieux de voir comment il sera accueilli en Afrique. Pour autant, nous n’avons aucun doute que beaucoup de personnes réagiront, car on aura fait vaciller leur perception de l’Europe avec des mots!
Est-ce que ce choix d’écriture se répercute sur les choix d’édition de votre structure?
Absolument pas. Rhema Publications n’est pas Régine Mfoumou. Je dirige seulement la structure. Lorsque nous recevons un manuscrit, je vous annonce que je suis certainement la dernière personne à le lire, car je dois me consacrer à d’autres tâches pour faire fonctionner la structure. Toute décision de publication est prise pendant la réunion du comité de lecture. Donc les choix d’édition de Rhema Publications ne dépendront pas de mon choix d’écriture. D’ailleurs, je vais peut-être vous étonner: le prochain ouvrage à paraître est un livre écrit par un anglais et il porte sur la Première Guerre Mondiale. C’est un livre passionnant que nous défendrons avec beaucoup de plaisir, car on y apprend des choses que vous ne trouverez pas toujours dans des livres d’histoire. Je n’en dirai pas plus. Comme vous voyez, nous sommes ouverts au monde.

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Finalement on connait très peu de chose sur vous, alors présentez vous pour nos lecteurs, votre vie actuelle, votre parcours
J’ai quitté le Cameroun pour continuer mes études en France en 1985. J’ai bossé dur, car à l’université je travaillais pour survivre. De 1991 à 1995, j’étais baby-sitter. Il me fallait prendre des enfants à l’école et rester avec eux jusqu’à 19h au retour de leurs parents. Tout cela contre une chambre de bonne. Ce qui veut dire que je n’assistais jamais à mes cours dès 15h, alors je devais photocopier ceux d’autres personnes, mais cela ne m’a pas empêchée de sanctionner mes années universitaires par deux maîtrises obtenues la même année, en 1995, à l’Université de Paris 3 (Maîtrise de Littérature Anglaise avec mention Très Bien – et une Maîtrise des Sciences Techniques d’Economie et de Gestion) et un Doctorat de Littérature Anglaise obtenu avec les Honneurs du Jury le 7 décembre 2001 (c’est une date qu’on n’oublie pas!). Vous comprendrez pourquoi il m’est insupportable d’entendre certains mensonges et de me taire. Obtenir un doctorat tout en travaillant et en ayant un enfant à bas âge ce n’est pas facile du tout et ceux qui vivent en Europe le savent bien, car là vous n’avez pas toute la famille pour vous aider. Je me souviens qu’entre fin septembre et début novembre 2001, je dormais parfois 4 heures sur deux jours. Le café, j’en ai bu et d’ailleurs j’ai définitivement arrêté de boire le café après cela, car j’étais devenue accro. C’est le jour de ma thèse, après la soutenance, que j’ai eu peur en me voyant devant le miroir: j’avais dû perdre 5 à 7 kilos en un mois et demi, pour tout boucler afin de soumettre la thèse à temps.J’étais seule avec mon fils de 7 mois car son père avait été rappelé au Ghana. Tout cela se passait à Paris, non pas en Afrique où j’entends souvent les gens se plaindre des conditions de leurs études. Cela vous conditionne. Je n’ai pas abdiqué. En effet, c’est un an avant la soutenance de ma thèse que je rencontre un diplomate ghanéen avec qui j’ai deux magnifiques garçons de 11 et 7 ans. Aujourd’hui, je vis entre Paris et Londres pour mes activités littéraires. En gros, je suis enseignante, traductrice, écrivaine et désormais éditrice. sans oublier maman à plein temps car je suis de très près l’éducation de mes enfants.
Vous aviez prévu un voyage au Cameroun pour présenter votre maison d’édition et votre dernier livre, ce voyage est-il toujours à l’ordre du jour?
Oui, nous serons très prochainement à Yaoundé pour une série de dédicaces organisées par l’Ecole Normale Supérieure notamment et par nos librairies partenaires sur place. Nous irons aussi à Douala, à Bamenda et Buea et peut-être au Nord. Bref, Nous nous organisons. Mais avant cela, je devrais aller dédicacer en Côte d’Ivoire en septembre si tout est finalisé à temps. Ce voyage à maintes fois été reportée depuis à cause de l’instabilité politique des mois passés.

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