Des bidons bourrés de balles de kalachnikov – en provenance du Tchad- découverts à Kousséri
Un jour du 10 janvier 2014. Il est 7h du matin à l’agence Touristiques Voyages de Kousséri. Les passagers embarquent dans un autocar à destination de Maroua. Une chaude discussion éclate entre un passager et le bagagiste. Les deux parties ne s’entendent pas sur le prix de deux bidons d’une contenance respective de 20 litres. Le passager propose de payer 1000fcfa par bidon. Le bagagiste, quant à lui, exige 1500fcfa, au motif «que ces bidons sont plus lourds que d’habitude». De fil en aiguille, la curiosité du voisinage s’aiguise sur cet inhabituel échange matinal d’amabilités. Les habitués des lieux se rapprochent des colis querellés pour en avoir le c ur net. A première vue, il s’agit des bidons contenant de l’essence de contrebande. Rien d’anormal donc, si ce n’est le poids excessivement au dessus de la moyenne. Une inspection poussée des colis est décidée illico presto. En première surface des bidons ouverts, on découvre du fuel. En poussant plus loin la recherche, les curieux tombent sur des munitions de guerre. Les experts balistiques authentifient des munitions pour Kalachnikov. Pendant l’inspection poussée du colis à problèmes, son propriétaire supposé tente de quitter les lieux en piquant un sprint époustouflant. Il s’en suit une course – poursuite, qui s’achève en faveur des antigangs et des éléments du Bataillon d’intervention rapide (Bir) présents sur les lieux. Dans la foulée, deux autres complices du quidam sont également arrêtés. Ils avaient déjà pris place dans l’autocar prêt à partir. Alertées, les autorités administratives et judiciaires compétentes descendent sur les lieux pour constater le forfait.
Poudre d’escampette
Selon nos informations, les trois personnes arrêtées sont de nationalité camerounaise. Elles sont natives de Mora et opéraient en toute connaissance du terrain. Elles n’en étaient pas à leur premier coup. En effet, les choses ont mal tourné au quatrième voyage. La «marchandise» est destinée à la secte musulmane Boko Haram. Les intermédiaires – passeurs de munitions livrent la «marchandise» à Limani, après la descente de l’autocar à Douboulé (18 kilomètres de Mora). La localité de Limani, située à 10 kilomètres de la frontière entre le Cameroun et le Nigéria, est le terreau des cellules (dormantes) de Boko Haram. Celles-ci s’occupent du transfert ou du ravitaillement vers leurs troupes combattantes en terre nigériane. A en croire les habitants de cette partie du pays, le trafic révélé supra s’étend aussi aux armes de guerre. Il se nourrirait d’acteurs insoupçonnés et de filières encore plus complexes. Ce trafic prospère sous le silence complice des forces de l’ordre. «Vous pouvez traverser tous les postes de police ou de gendarmerie sans vous faire contrôler. Il suffit de glisser quelques billets de banque aux policiers ou aux gendarmes en faction», dénonce sous le couvert de l’anonymat un habitué de l’axe routier Kousséri – Maroua – Kousséri. Pour lui, «l’arrêt des activités commerçantes à la frontière entre le Cameroun et le Nigéria, du fait de la guerre entre Boko Haram et les autorités nigérianes, a drastiquement réduit les sources de pot -de -vin pour les policiers et gendarmes camerounais; qui acceptent désormais le premier billet de banque les yeux fermés. sur les cargaisons des véhicules aux passagers bienveillants». C’est dire si le renforcement des capacités économiques des forces de sécurité et de l’ordre est décisif dans la stratégie de sécurisation maîtrisée du septentrion camerounais.
