Elle dénonce la perte de l’innocence
Dédié à son fils Nathan Enok Maben, le livre d’Irène Maben est un bouquin qui retrace des histoires tristes qui valent la peine d’être narrées dans la mesure où ces histoires dénoncent les maux de la société tels que l’homosexualité, le grand banditisme, la sorcellerie. Les douze nouvelles du recueil « Victimes » de Irène Maben, paru chez Ifrikiya en septembre 2010, met en exergue la pauvreté, et raconte les mésaventures de personnages qui, à un moment ou à un autre, ont fait des choix qui ont fait basculer leurs vies. Nous avons par exemple le cas de Fekak, jeune étudiant qui se livre à l’homosexualité pour de l’argent dans la nouvelle « bonamoussadi ». La meilleure nouvelle de ce recueil est sans conteste « Une nuit en forêt » : C’est l’histoire de Keedi, un vieillard qui s’est perdu en forêt. Ses yeux ont vu ce qu’aucun humain ne devrait voir, ses oreilles ont entendu des choses réservées aux esprits. Alors que tout le village attend qu’il paie de sa vie cette intrusion dans un monde mystérieux, il se voit plutôt récompensé. Une chute inattendue qui captive le lecteur, suscite en lui des émotions et, au-delà, des réflexions. Mais une chute qui manque à beaucoup d’autres textes de ce recueil. Pour Irène Maben, tous ces personnages sont des victimes. Victimes du simple fait d’être en vie, victimes de leurs proches, victimes de la société dans laquelle ils vivent, victimes de leur pauvreté mais aussi victimes de leur cupidité. Car, Fefak aurait pu choisir d’abandonner ses études au lieu de se livrer à un homme par exemple. L’écriture de l’auteur est pressée, comme s’il était urgent de vite boucler une histoire pour en écrire une autre (puisque les différentes nouvelles sont écrites sur un maximum d’onze pages). Certaines scènes sont si vite décrites qu’elles en deviennent anecdotiques. Dans ses textes écrits de manière progressive, avec très peu de flash back, le côté psychologique des personnages est seulement évoqué, au profit des évènements extérieurs qui viennent bousculer leurs existences. Toutefois, la couleur verte de la couverture de l’ uvre jette une touche d’espoir dans cette collection de catastrophes.

Un extrait
. Le jeune étudiant fut surpris de voir que ce richissime bienfaiteur vivait seul. Ils passèrent la soirée à parler de sport, de politique, de société, comme s’ils se connaissaient de longue date. Fekak lui soumit son souci de payer ses droits universitaires. «C’est un petit problème!» s’exclama l’homme. Ils avaient suffisamment but, la nuit en était déjà à son milieu. L’homme proposa à Fekak de rester en sa compagnie; l’étudiant songea un moment et se dit: «Ce ne sera que pour cette fois; dès que j’aurai de quoi payer ma scolarité, il ne me verra plus.» C’est ainsi que, sans s’y connaître, le jeune homme se livra à un plaisir charnel, d’un tout autre genre.
Parcours d’une femme engagée
Doctorante à l’université de Yaoundé I, Irène Maben a choisi, pour sa première publication, la nouvelle, le genre par excellence des auteurs novices, qui n’est pour autant pas un genre mineur. Elle a publié de nombreuses nouvelles dans le magazine féminin Amina. Cette expérience a sans doute façonné son écriture qui se caractérise par une langue fraîche, un style agréable, et surtout une maîtrise de l’art du suspense. Les victimes de son premier recueil de nouvelles se recrutent dans le milieu estudiantin dont elle rend le meilleur, ou dans la société entière. Elle annonce pour bientôt la publication d’un roman où, on l’espère en tout cas, son écriture s’affirmera mieux.
