Le ministre de l’Economie a été interpellé vendredi à l’Assemblée nationale sur le coût jugé exorbitant des deux MA 60. L’opposition ressuscite ses inquiétudes, après la session de mars
Le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), Emmanuel Nganou Djoumessi, a été interpellé, vendredi dernier, 05 décembre, par un député de l’opposition, sur la livraison de deux MA 60 au Cameroun par la Chine. Le député UNDP de l’Adamaoua, Amadou Tadjia, a critiqué le coût jugé exorbitant auquel l’Etat a fait la commande de ces appareils : 34 milliards de F CFA contrairement au Congo Brazzaville qui aurait acquis le même modèle à 4 milliards de F CFA.
Le Minepat a indiqué que le Cameroun a acquis trois avions au prix de deux et que les modèles congolais ne sont pas aussi récents que ceux qui seront livrés au Cameroun. La préoccupation avait déjà été posée par des députés du groupe parlementaire du SDF lors de la session parlementaire de Mars 2014. Ces députés demandaient la mise sur pied d’une enquête parlementaire. Journalducameroun.com publie cette Proposition de résolution faite par le SDF et qui reprend des questions posées au Minepat vendredi dernier. Ladite proposition avait été soumise au président de l’Assemblée nationale.
« Proposition de résolution portant constitution d’une Commission d’enquête parlementaire sur l’acquisition par le gouvernement du Cameroun sur prêt préférentiel de la China Exim Bank de deux aéronefs de type Xian Ma†60 pour le compte de la Cameroon Airlines Corporation »
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
L’Honorable Joshua OSIH et les honorables membres du groupe parlementaire du Front Social Démocrate (SDF),
Ont l’honneur de vous exposer :
Que nous avions accueilli avec beaucoup d’enthousiasme la création par décret du Président de la République de la Cameroun Airlines Corporation, entreprise de transport aérien à capitaux publics.
Que nous suivons avec beaucoup d’intérêt l’évolution en dents de scie de ladite entreprise.
Que nous souhaitons que le Cameroun dispose dans les plus brefs délais d’une plateforme aérienne capable de faire de Douala le véritable hub aérien de la sous†région et au†delà.
Que cette entreprise joue un rôle déterminant dans la desserte de l’axe nord†sud de notre pays à travers des vols réguliers avec des appareils de type Boeing 737†700 de nouvelle génération en leasing.
Que l’absence de connexion régulière pendant quelques années entre le nord et le sud du pays a été catastrophique d’un point de vue économique, social et culturel.
Que pour rester le moteur de l’intégration sous régionale, cette entreprise joue un rôle capital pour notre pays en offrant des connexions de vol régulières pour toute la sous†région avec des aéronefs de nouvelle génération en toute sûreté et en toute sécurité.
Qu’au courant de l’année 2011, le gouvernement du Cameroun a négocié l’achat de deux aéronefs de type XIAN MA†60 fabriqué en Chine, par AVIC Xi’an Aircraft sur la base d’une licence de production améliorée des Antonov 24/26.
Que contrairement à toutes les pratiques de bonne gouvernance et tous les mécanismes de passation de marché existant au Cameroun et requis pour un achat d’une telle importance, aucun appel à manifestation d’intérêt ou appel d’offre n’a été publié à cet effet.
Que contre toute attente et contre tout bon sens, la partie chinoise a décidé d’offrir un troisième avion gratuitement au gouvernement camerounais, avion qui a été livré et mis à la disposition de l’armée de l’air camerounaise.
Que le 11 novembre 2013, à la surprise générale de l’industrie de l’aviation, tant nationale qu’internationale, le Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire en présence du Ministre des Transports a procédé à la signature d’un accord†cadre d’un« prêt préférentiel » d’un montant d’à peu près 34, 4 milliards de Francs CFA (430 millions de Yuan) avec l’ambassadeur de Chine au Cameroun pour l’achat de deux avions de type MA†60 de fabrication chinoise pour le compte de la Cameroon Airlines Corporation.
Que ce prêt préférentiel comprenait le prix des deux avions, un stock de pièces de rechange, la maintenance des avions pendant un temps et la formation des techniciens camerounais.
Qu’il a été publié par plusieurs organes de presse nationaux et internationaux ainsi que la presse officielle congolaise que pour le même type d’avion avec le même package d’achat, la République du Congo a déboursé l’équivalent de 7 milliards de francs CFA par avion, intérêt inclus.
Que le prix d’achat publié par XIAN Industries pour un MA†60 est plus ou moins l’équivalent de 5,6 milliards de FCFA hors package comprenant la formation, un stock de pièce et la maintenance.
Que la sagesse conventionnelle voudrait qu’un package qui est le plus souvent offert en bonus
d’achat ne pourrait couter deux à trois fois plus que l’avion qu’il est sensé accompagner.
Qu’il est évident, au vu de ce qui précède, que ce prêt semble être « préférentiel» pour tous les intervenants, sauf le contribuable camerounais.
Qu’il ne faut pas être sorcier pour comprendre que deux avions MA60 avec un package commercial complet ne doivent pas dépasser 14 milliards de FCFA Cela fait une différence de plus de 20 milliards de FCFA au détriment du contribuable camerounais par rapport à ce qui est prévu par l’accord†cadre signé entre le gouvernement du Cameroun et la partie chinoise.
Que ce sont 20 milliards de FCFA que le Cameroun est en train de perdre dans cette transaction représentant l’équivalent d’au moins 2’200 salles de classe ou 710 000 fois le salaire minimum au Cameroun.
Qu’au†delà de l’aspect financier scandaleux de cette acquisition, il est de notoriété publique que les Antonov 24/26 sur la base desquels le MA†60 a été développé sont considérés comme
de véritables cercueils volants, par ailleurs interdits dans la plus part des pays du monde.
Que le premier MA†60 prend son envol en 2000 et depuis cette date, 90 ont été livrés dont la plupart à des armées et 53 seulement restent en service dont 14 en hangar. Ce qui veut concrètement dire que des 53 avions listés en service, 14 n’effectuent plus temporairement ou définitivement des vols.
Que depuis 2009, il y a déjà eu 11 accidents et incidents majeurs dont plusieurs ont été fatals.
Que le 10 juin 2013, deux avions MA 60 ont souffert de deux incidents graves à l’atterrissage le même jour, l’un en Indonésie et l’autre au Myanmar.
Que plusieurs pays ayant initialement autorisé ce type d’avions ont dû les clouer au sol pour des raisons de fiabilité technique, notamment le Myanmar et l’Indonésie.
Que le gouvernement de Tonga a ouvertement reconnu que son industrie de tourisme souffre du fait de l’introduction d’un MA†60 dans sa compagnie nationale, Real Tonga, et qu’elle ne l’aurait pas introduit si ce n’était pas une offre gratuite de la Chine.
Que tel que le Tonga ou le Cameroun, plusieurs de ces avions sont offerts en don à des pays du tiers monde.
Que la mauvaise réputation du MA†60 en termes de fiabilité technique n’est plus à démontrer. Les nombreuses publications spécialisées internationales le démontrent très bien.
Qu’en termes de notoriété, l’utilisation des MA60 par la Cameroon Airlines Corporation nuira gravement à sa réputation et à son image.
Qu’il est important de préciser que la communication officielle qui a suivi la signature de l’accord†cadre entre le Cameroun et la Chine pour l’achat de ces deux avions précisait que ces avions devraient «assurer efficacement la desserte domestique et régionale et partant, générer les externalités d’emplois et de recettes».
Qu’au vu de ce que la Cameroon Airlines Corporation ne connait pas de concurrence sur l’axe aérien nord†sud, les usagers seront obligés de choisir entre des aéronefs à la réputation douteuse et le difficile trajet en train et/ou en voiture.
Qu’il est important pour l’intégration nationale, l’administration territoriale, la mobilité interurbaine, notre économie et notre tourisme que la liaison nord†sud soit opérée par des avions sûrs, modernes et fiables.
Qu’il n’est pas certain que les pays de la sous†région vont autoriser les opérations sur leur sol et leur ciel du MA60 qui n’est certifié que dans quelques pays dans le monde du fait qu’il souffre d’énormes problèmes réglementaires liés à sa genèse et à sa documentation qui est essentiellement en mandarin.
Que l’image du Cameroun ainsi que celle de son tourisme souffriront du fait de la mise en service commerciale de ces avions dans la flotte de la Cameroun Airlines Corporation.
Qu’au vu de ce qui précède, la procédure d’acquisition mise en place pour l’achat de ces deux avions n’a certainement pas pris en compte les aspects techniques, opérationnelles ainsi que la diligence requise en la matière.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Vu le scandale financier évident entourant cette acquisition.
Vu la légèreté avérée dans le choix des avions qui ne peuvent se justifier que par des intérêts sous forme de retro commission ou autres plus importants que la vie des camerounais qui seront transportés dans ces avions et la santé économique de la Cameroon Airlines Corporation qui a pourtant besoin en ce moment de coup de pousse et non de coup bas.
C’est pourquoi nous vous sollicitons très respectueusement, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Vu les dispositions des Articles 14(2), 26 et 35 de la Constitution de la République du Cameroun ; Vu les dispositions de l’Article 67 du Règlement de l’Assemblée Nationale et l’ensemble des dispositions de la loi N° 91/029 du 16 décembre 1991;
De bien vouloir mettre en marche la procédure d’adoption de la présente proposition de résolution pour la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire ;
†Pour recueillir des éléments d’information sur les faits déterminés tels que mentionnés dans la présente proposition et soumettre leurs conclusions à l’Assemblée Nationale
†Pour examiner la gestion administrative, financière et technique de cette entreprise à capitaux publics en rapport avec la gestion de l’acquisition de ces aéronefs, en vue d’informer l’Assemblée Nationale du résultat de leur examen.
Sous toutes réserves.
Profonds Respects.
